Éros et Thanatos

Quand ils entrèrent, venant du soleil éclatant sur la blancheur des murs, ils furent aveuglés par l'obscurité de la chambre. Il posa la valise. Perçut une faible lueur qui venait de la salle de bain. Se déshabilla pendant que la baignoire se remplissait et pénétra dans l'eau pour chasser la sueur et se détendre.
Elle fit de même. Pas un mot n'avait été échangé. Elle se lova entre ses jambes. Il l'entoura avec ses bras, doucement. Effleura ses seins. La caressa. Prit du savon liquide dans ses mains. La fine pellicule de savon exacerbait la douceur de la peau. Les doigts glissaient sur ses épaules, descendaient le long des bras, sautaient sur le dos, longeaient les flancs...

Au bout de quelques instants, toujours en silence, elle se leva. Glissa ses hanches entre les mains qui descendirent le long des cuisses. Elle leva un pied. Les mains de l'homme massèrent le pied, entourèrent la cheville, glissèrent sur la jambe, remontèrent le long de la cuisse tandis qu'elle se balançait pour offrir l'autre jambe dont il s'empara.

Quand elle reposa son pied, une main s'infiltra entre ses cuisses. Il sentit sous la pulpe des doigts le doux relief de la lèvre qu'il longea docilement, s'égara un instant, revint lentement en arrière, fit un nouvel essai plus accentué. Franchit lentement la berge, concentré sur la sensation tactile qui parcourait son doigt et transmettait une fine émotion qui lui fit fermer les yeux. Il entendit une ébauche de cri, peut-être imaginaire, qui l'immobilisa. Suivi d'un mouvement à peine perceptible de la femme qui avait bloqué son souffle… avant de déclencher la douche qui chassa la pellicule savonneuse et arracha l'homme à son rêve.

Elle se détacha de lui, s'enveloppa dans une serviette pour se sécher. Enfila une robe légère dont il entendit le glissement discret sur ce corps où ses mains avaient couru. Elle se regarda dans la glace. Passa sa main dans les cheveux et disparut.
Il ne bougea pas. Entendit la porte se refermer.

Elle était de nouveau dans la lumière éblouissante du soleil reflétée par les murs des maisons peints à la chaux. De la même couleur que sa robe serrée à la taille par une épaisse ceinture noire. Elle se faufilait dans la lumière, indifférente aux fourmis noires qui se déplaçaient en groupes, butinant de boutique en boutique… Un moment arrêtée par un groupe de fourmis blanches, d'origine asiatique, regroupées autour d'une jeune mariée qu'ils mitraillaient avec une boite noire.. Un sourire lui permit de continuer son chemin. A l'aventure.
Le chemin montait maintenant, surplombait la noire falaise qui plongeait dans le bleu profond de la mer. Elle s'arrêta un instant pour jouir du jeu des couleurs élémentaires qui l’enserraient comme dans un écrin. Le village tout blanc, éclatant sous le soleil de mai, le mur blanc bornant le sentier tracé sur la falaise. Au delà du bras de mer, une île noire surmontée au sommet d'un village tout aussi blanc, où plusieurs coupoles bleues brillaient et semblaient vouloir dialoguer avec le bleu de la mer et du ciel. Intercéder peut être. Elle se retourna. Derrière elle, une autre église blanche la dominait de son clocher, avec sa coupole brillante, au soleil, bleue.

Elle avança dans la rue qui jouait de l'ombre et de la lumière, de la blancheur, de petits coins d'ombre et de quelque encadrements bleus. Coté montagne, une belle maison à l'architecture moderne. A la porte, une statuette stylisée, rappelant celles trouvées dans les ruines d'Akrotiri, vieilles de trois mille ans. Sur le mur qui longeait le chemin, des dizaines de boites noircies par la fumée des feux de la Pâque orthodoxe… Résurrection, renouveau printanier, renaissance de ces îles plusieurs fois remaniées par le feu volcanique et les tremblements de terre, le dernier ne datant que de quelques dizaines d'années. Toujours sous la menace d'un nouveau réveil. Que rappellent quelques fumerolles et les eaux rouges et chaudes qui verdissent en se mêlant à la mer. Et quelques pierres noires posées ci et là sur les murs.

S'il reste peu de choses des divinités de l'antiquité, emportées par leur propre colère, les villages au blanc résiliant, bâtis sur la menaçante terre volcanique noire, se sont mis sous la protection des églises, multiples, dans chaque village, blanches et bleues, sous l’autorité de popes vêtus de noir.

Et partout des drapeaux, aux raies bleues, de la mer, du ciel, de la sagesse... Séparées par des bandes blanches de pureté, de vie… Et la croix protectrice.

Après avoir admiré les tableaux abstraits que dessinent les venelles, les cours intérieures, les terrasses, l'enchaînement des couleurs du couchant sur les maisons qui descendent en cascade, à l'heure où les premières lumières s'allument, après un dernier regard sur les hommes noirs haut perchés, vigiles guettant la survenue improbable de bateaux pirates mais quotidienne des bateaux de croisière, et la scène d'amour en pierre noire collée sur un mur de la grande place, elle revient, lentement, mélancolique avec la nuit qui tombe, vers la chambre.

Elle entre dans la chambre vide, silencieuse, obscure, seulement éclairée par quelques rais lumineux venant de la rue. Elle heurte la valise qui est au milieu de la chambre. Elle avance vers la salle de bain. L'homme est toujours dans la baignoire. Dans la semi-obscurité du soir. Le teint grisâtre. L’œil qui était bleu, éteint. Le corps rigide et froid.

Définitivement.

 
La passion selon Santorin (2) Images
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