La polémique de la rentrée littéraire est arrivée !
Une rentrée littéraire sans polémique, « c’est comme une belle fille qui lui manquerait un œil », comme aurait dit mon grand oncle Théophraste. En 2006, on s’en souvient, Jonathan Littell et ses « Bienveillantes » avaient été l’objet de toutes les controverses (y’a des erreurs historiques, c’est même pas lui qui l’a écrit, c’est imprimé trop petit et y’a même pas d’image, etc.). Pour cette année, on commençait à se languir quand soudain la polémique a enfin pointé le bout de son nez.
Ainsi le cru 2007 aura un fort arrière-goût de
plagiat, sur fond de concurrence larvée entre deux auteures éditées par la même
maison : Camille Laurens et Marie Darrieussecq.
Concrètement, l’une reproche à l’autre de lui avoir piqué le
sujet d’un roman, Philippe, écrit en 1995, où elle racontait à la
première personne la mort de son bébé peu de temps après sa naissance.
Dans un article joliment intitulé : « Marie Darrieussecq
ou le syndrome du coucou » (La Revue littéraire, no 32,
automne 2007), elle exprime tout le mécontentement qui l’habite, et affirme
avoir relevé dans Tom est mort, le roman de Darrieussecq, de nombreux éléments
qui attestent du plagiat : « phrase ou idée, scène ou situation, mais
aussi rythme, syntaxe, toujours un peu modifiés mais manifestement inspirés de
mon épreuve personnelle et de l’écriture de cette épreuve ». Pour
appuyer sa thèse, elle cite même des exemples, comme celui-ci : « Je ne
suis pas le corps, je suis la tombe. » (Philippe) ; « Sa
terre natale, moi. Moi, en tombe. » (Tom est mort)
Pour ce qui est du plagiat, les tribunaux trancheront. Mais
inutile d’être spécialiste de la propriété intellectuelle pour deviner que
Camille Laurens a toutes les chances de se voir déboutée avec des « preuves »
aussi peu convaincantes. Rappelons qu’en droit français, les idées ne sont pas
protégées, et seule la copie servile encourt les foudres de la justice.
Mais pour le moment Camille Laurens ne parle pas de procès,
car le problème est ailleurs. « Tom est mort pose la question de
l’obscénité et du cynisme », écrit-elle. En fait, elle reproche tout
bonnement à Darrieussecq de ne pas avoir vécu directement, comme elle, la mort
d’un enfant. Et lui refuse ainsi le droit d’en tirer une fiction. Et elle
ajoute pour asseoir son propos dans un cadre plus large que « la littérature a
une exigence de vérité ».
En dehors de la réelle douleur que peut ressentir un auteur
de se voir déposséder d’une histoire qu’il tient - à tort - pour strictement
personnelle, on est en droit de juger l’argumentation un peu fallacieuse. Mais
là où l’affaire prend tout son piquant, c’est quand Darrieussecq, jointe au
téléphone par Le Monde, se justifie en arguant du fait que ses parents ont, eux
aussi, perdu un enfant ! Ce qui l’amène à conclure : « Je ne suis
pas moins légitime comme soeur que comme mère endeuillée. »
On reste pantois devant un tel raisonnement. Que faut-il
comprendre précisément ? Que l’auteur doit nécessairement trouver dans son
histoire familiale une quelconque légitimité à traiter d’un thème ? A ce
compte, cela ne fait pas beaucoup d’écrivains légitimes en circulation !
Et à l’aune de cette thèse, il serait grand temps de
reconsidérer le cas Littell, cet infâme usurpateur qui a eu l’outrecuidance d’écrire Les Bienveillantes sans que lui, ni même un quelconque membre de
sa famille, ne soient un bourreau nazi...
Quoi qu’il en soit, l’éditeur Paul Otchakovsky-Laurens (POL) a déjà tranché et choisi son camp : dorénavant il ne publiera plus les textes de Camille Laurens.
Parce qu’elle vend moins que Darrieussecq ?
Sources : http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3260,36-946764@51-946803,0.html
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