« La recherche souffre de maux qui dépassent le domaine de l’archéologie »
Interview de Nagette Aïn-Séba, maître de conférences à l’université d’Alger et présidente de l’Association algérienne pour la sauvegarde et la promotion du patrimoine archéologique (AASPPA).
Il y a énormément d’associations ou d’autodidactes qui connaissent la valeur de leur patrimoine régional et qui essaient de le mettre en valeur. Je suis toujours étonnée de voir cet enthousiasme dans les régions les plus reculées, alors que dans les villes et notamment à Alger, il semble que tout le monde ait baissé les bras. Même chez les étudiants d’archéologie, on n’observe pas cet engouement ni ce désintéressement.
Quel est l’état des lieux de la recherche scientifique, dans le domaine archéologique, en Algérie ?
La recherche souffre de toutes sortes de maux, cela dépasse le domaine de l’archéologie, mais du moins, si le problème des autorisations était réglé, on pourrait au moins commencer. Par ailleurs, mon expérience m’a démontré que les bonnes volontés existent partout et que le problème de moyens se pose en définitif, assez peu. La prise en charge peut se faire au niveau des daïra, des associations. Nous y mettons de notre poche aussi, pourvu qu’on nous laisse travailler. Et puis, il y a les projets de coopération qu’il faudrait qu’on puisse mener à bout, car agréés par les plus hautes instances de l’état, ils nous donnent des opportunités d’analyses en laboratoire, de datation, de formation également et de contacts.
En quoi l’archéologie pourrait contribuer à l’enseignement de l’histoire, à imprégner davantage de culture et d’identité nationales la population scolaire et relevant -du ministère- de l’éducation nationale ?
L’école, où il faut bien le reconnaître la discipline de l’histoire est honnie de tous les écoliers, ne peut que gagner à un enrichissement des travaux sur le terrain, par la visite des sites ou des fouilles, ou des musées enrichis d’objets qui appartiennent au patrimoine local, à l’histoire de la ville ou de la région, auxquels l’enfant peut se sentir en lien. Où alors par des interventions ponctuelles des archéologues au niveau des écoles.
Quels usages fait-on des mémoires et des thèses de fin de cycles universitaires ?
Ils rejoignent la bibliothèque de l’institut, et la BU , censée également les mettre en ligne. Ils peuvent également être offerts à titre personnel aux bibliothèques ou aux institutions qui ont aidé à la réalisation du travail (Bibliothèque du Bardo, du CNRPAH, du musée des Antiquités, les parcs nationaux, etc.)
Faut-il qu’ils soient d’abord édités pour qu’ils soient admis comme ouvrages publiés, à être consultés et cités dans des bibliographies ?
Pas forcément.
Sont-elles considérées comme des travaux inédits, personnels et sans valeur éditoriale ?
Valeur éditoriale, je ne sais pas, mais peuvent constituer des références scientifiques, notamment dans le cas des thèses de doctorat.
Quels droits l’auteur d’une thèse non publiée et l’université où elle a été soutenue détiennent-ils à son sujet ?
Le fait de soutenir et de déposer son mémoire permet de faire valoir au cas où ses droits d’auteur. Mais je ne suis pas au courant de la réglementation en vigueur dans le domaine.
Y a-t-il une organisation des mémoires et des archives ; une bibliographie des travaux parus, présentés et inédits existants ? Où sont consultables ces travaux et qui est chargé de l’actualisation de cette bibliographie et de leur préservation ?
Je sais qu’à l’institut d’archéologie, un catalogue des mémoires (niveau licence, magistère, doctorat) est tenu au niveau de la bibliothèque. Il doit y avoir centralisation au niveau de la Bibliothèque universitaire (BU).
Où en est la déclaration collective, intitulée « Patrimoine et Archéologie – Halte à la répression », publiée sous forme de lettre ouverte dans Le Soir d’Algérie du 05.06.2008, rubrique « Culture » ?
Pour ce qui concerne notre pétition, cela n’a malheureusement pas été très loin. Nous avions été contactés par la direction de la recherche scientifique au niveau du Ministère de l’Enseignement supérieur pour un RV dont nous attendions beaucoup, mais qui n’a jamais eu lieu. Nous avons, tenté, par ailleurs, de faire parvenir le dossier à Ouyahia par l’intermédiaire d’un proche à lui de nos connaissances, sans suite.
Les demandes d’autorisation de recherche demeurent donc toujours sans réponse ?
Dans mon cas, la demande n’a pas été réitérée. Mais comme je suis en train de faire passer un projet de recherche au niveau de la fac, la question va se reposer, puisque j’aurais alors besoin d’une autorisation pour les prospections, sondages et fouilles que j’envisage. Alors, on verra ce qu’il en sera. Pour ce qui concerne Nacéra Benseddik (1), je pense que c’est toujours d’actualité. A voir avec elle. Par contre, une des signataires, s’est vue délivrer son autorisation tout de suite après la parution de l’article alors qu’elle l’avait attendue 6 mois.
Faut-il que le CNRPAH aille sous l’autorité du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique ?
Cela serait logique, non ? Ou alors qu’il ait une double tutelle effective.
Si cela arrive, quelles prérogatives resteront au Ministère de la culture concernant l’archéologie ?
Les prérogatives de protection, de classement, de valorisation du patrimoine. Et bien sûr un partenariat ou droit de regard sur les questions de recherche archéologiques avec la recherche scientifique.
En quoi cela améliorera-t-il l’intérêt que porte le grand public à l’archéologie et en quoi cela favorisera-t-il l’interaction entre « spécialistes », « amateurs » et société civile ?
Quand il y aura une recherche en archéologie digne de ce nom, on ne pourra qu’en parler, par voie de presse, de documentaires télévisés, de publications de vulgarisation et scientifiques. On pourra également renouveler les vitrines des musées nationaux inchangées à quelques exceptions près, depuis le départ des Français, au gré des nouvelles découvertes, créer de nouveaux musées un peu partout sur le territoire national.
Où en sont les fouilles d’El Rayadh (Mostaganem), entreprises par l’Institut d’archéologie d’Alger ? De quoi s’agit-il au fait ? Que représente la coopération internationale dans ce domaine et, dans ce cas particulier, le financement étranger (américain) ?
Il s’agit d’El Rayah (sans d). C’est un site remontant au paléolithique inférieur qui a livré des outils caractéristiques de la civilisation acheuléenne. Je n’en sais pas beaucoup plus, n’ayant eu à consulter que quelques articles et mémoires d’étudiants de magistère. Quand je parlais de financement américain, je faisais allusion au site de Aïn-Hanech (El Euma, Sétif). Dans ce cas, il ne s’agit pas à proprement parler de coopération, l’autorisation étant accordée nominativement à un enseignant de l’institut d’archéologie pour le compte d’un autre archéologue qui, lui travaillait aux USA et s’était débrouillé les fonds. Officiellement, il s’agit d’une fouille de l’institut.
Quelles sont les contraintes que rencontrent toujours les archéologues et, précisément, les préhistoriens, au vu de la réglementation et des pratiques gestionnaires dans notre pays ?
Je vous le disais, essentiellement problème d’autorisation.
Notes :
(1) Contactée, Mme Nacéra Benseddik affirme fait toujours face à la même situation, telle que décrite dans la déclaration sus-citée. NDLR.
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