La Sacem comme si vous y étiez !
Une certaine idée de la culture ...

Les petits ruisseaux font les grandes rivières de diamants.
Présenter la note quand on est responsable du recouvrement des cotisations dues à la Sacem, quoi de plus normal ? Le faire avec douceur, délicatesse et mesure sans intervenir à contretemps serait, semble-t-il, la méthode la plus adaptée à cette noble fonction pécuniaire. Hélas, par les temps qui courent, à cause du recul drastique des subventions réservées à la culture, l'activité requiert désormais une rigueur toute fiscale.
La culture bat de l'aile ; la Sacem vole à son secours, du moins au financement des grosses pointures, des vedettes des médias et des grosses tournées en leur versant, en sus de revenus plus que substantiels, le fruit d'une coupe en règle des petites structures, des commerces, des associations qui ont le malheur de vouloir agrémenter leurs activités d'un peu de musique.
L'inspecteur de la Sacem veille. Tel un vautour, il épluche la presse, épie la moindre affiche, parcourt la toile à l'affût d'un indice qui deviendra pépite. Il est impitoyable, fondant sur les plus humbles pour engraisser les plus gros. En dépit de sa mission de redistribution des droits d'auteur, toutes les cotisations au forfait reviennent dans des escarcelles qui n'en ont guère besoin.
Juste et équitable, voilà comment se présente l'inquisiteur en chef, le fermier général de la taille, la dîme et la gabelle de la musique. Ses victimes en rient jaune tant l'homme est passé pour un loup bien plus que pour un agneau. Il arrive, il menace, il exige sur le champ un chèque faute de quoi, la majoration élèvera d'un ton la douloureuse…
Que ce questeur privé vienne réclamer la taxe sur la musique dans les concerts payants, on peut l'entendre. Il serait bon pour autant que la redistribution revienne aussi à tous ces artistes sans lesquels, il n'y aurait pas de grandes vedettes. Mais la justice de la Sacem n'est jamais équitable. Le siphon ne fonctionne que dans un sens ; les petits tuyaux ne font pas de grandes rivières !
Mais le vengeur masqué des malheureuses stars est à la recherche des lieux qui résistent, des espaces qui accueillent gracieusement des groupes en recherche de notoriété. Des répétitions concerts, des galops d'essai grandeur nature devant un public, qui, l'espace d'un petit moment, découvre un talent en devenir ou rejette une expression qui n'est pas sienne.
C'est un vrai risque, un dur apprentissage et pourtant, pour ces essais informels, l'odieux trésorier des puissants vient réclamer le prix de la tranquillité. Il faut cracher au bassinet du racket musical, il faut plier ou bien risquer de crouler sous les menaces, les papiers d'huissiers et les dettes. Pire même, l'insupportable société culturelle limite le nombre de ces représentations sauvages à vingt-quatre par an. La culture n'a pas à trouver refuge dans des estaminets douteux.
Il est alors inutile de lui expliquer que les groupes, les musiciens, les artistes dans le marasme économique actuel, le recul des subventions et la fermeture des festivals ne trouvent plus de lieux pour s'exprimer. L'homme n'en a cure ; il ne veut qu'une chose : remplir sa cassette. Il est prêt à battre la campagne, à traquer ces terroristes de la culture qui organisent des concerts privés dans leurs jardins. La liberté de jouer de la musique est soumise au racket de la terrible Sacem.
Descendant sans doute des nostalgiques de la musique militaire, l'homme n'hésite pas à menacer de foudres plus violentes encore la malheureuse proie qui est tombée sous ses griffes crochues. « Comment, pour encourager les musiciens, vous installez un chapeau sur le comptoir ? Sachez que cela relève du travail au noir. Prenez garde, vous risquez gros … ».
Nous sommes donc sous un régime de fiscalité de la musique. Bientôt nos salles de bain seront sous contrôle pour taxer le chanteur sous la douche. La Sacem sème le vent et récolte la tempête. Elle cherche à décourager toute initiative culturelle. Sans doute parce que rien n'est plus subversif qu'un artiste.
Je m'étrangle de colère devant les pratiques de ce requin de la finance musicale. Ce que j'ai appris de ses agissements m'a indigné. Hélas, ceux qui ont eu le malheur de recevoir sa visite, tremblent désormais de mettre la clef de sol sous la porte. Ils n'ont plus qu'à tendre le do pour se faire tondre ou bien renoncer à laisser des artistes venir chez eux, pour le seul plaisir du partage. Ils pensaient connaître la musique, ces pauvres bienfaiteurs de la diversité culturelle, ils découvrent un monde où la cupidité de quelques-uns prive tous les autres du plaisir de l'harmonie.
Vous comprendrez que je reste évasif dans l'évocation de contrôles récents qui ont laissé un goût amer à ceux qui en furent les victimes. J'invite tous mes amis créateurs à faire comme moi : à renoncer à protéger leurs œuvres pour épargner les petites structures qui ont pour ambition de distraire les gens qui, sans eux, n'iraient jamais au concert.
La liberté n'a pas de prix. Les notes sont libres, les souffleurs de vent n'ont pas besoin d'entraves ni de percepteurs bien peu mélomanes. La taxation de la musique libre est l'expression d'une volonté d'asservissement des masses à la dictature des ondes. Résistez, chassez la Sacem avant qu'elle ne tue définitivement la musique !
Imposturement leur
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