La mythologie grecque
La philosophie grecque n’est pas venue d’un vide, au contraire, elle s’est formée au sein de la mythologie grecque ; je peux dire même que cette dernière en était le fondement et le départ. En fait la mythologie était le socle sur lequel s’est fondé toute la pensée occidentale. Ce n’est pas par hasard que Nietzsche est parti chercher dans la naissance de la tragédie grecque, ce qui est resté occulte comme interprétation et vision du monde. C’est dans cette pensée que s’est constituée toute la pensée humaine, et qui reste encore imprégnée par les traces de la vision grecque du monde
Ainsi, on comprend cette attaque que Nietzsche a adressée à Socrate et Platon, mais aussi au christianisme ; les considérant responsable de ce qu’il a appelée la décadence. Que veut dire cela ? Que veut dire la décadence ? On sait que la vision grecque était fondée sur la volonté et sur la puissance ; la vertu n’était en fait que d’ordre de la puissance ; il faut avoir la « bonne humeur » et la joie dans le cœur, il faut faire la guerre à tout ce qui est contre la vie. La réalité est plate ; le sens est plat ; il faut se dresser debout et droit pour créer la vie, il faut avoir le cœur de Dionysos. Le sens de la vie est plat, il est là devant nous, et il suffit de le refaire, et pour cela il faut vaincre.
Tout cet esprit et cette vision ont été bouleversés par les philosophes ; Socrate était le premier à corrompre cette relation directe avec la nature, avec la réalité. Le christianisme n’était que l’annulation de cette morale noble, qui crée la vie. La civilisation grecque se fondait sur un dualisme clair et net : le soi en face de l’extérieur. Les dieux grecs ne disposaient pas d’une existence isolée des hommes, et n’étaient pas doués d’une supériorité qui tranche catégoriquement avec les hommes. Autrement dit, les grecs avaient un rapport direct avec la réalité. Leur dualisme était banal puisque, tout se fait à partir de la volonté de l’homme. Ce sont les philosophes, à commencer par Socrate et Platon, jusqu’à Hegel, qui ont ridiculisé le statut de l’homme, et qui ont confisqué au dualisme grec, sa nature noble et directe, au profit d’un dualisme où le rapport avec la réalité est devenu idéalisant et producteur d’illusion, et surtout d’idoles et de valeurs de décadence.
Ainsi pour comprendre la philosophie post moderne, dont Nietzsche était le premier fondateur, Il faut d’abord penser à se libérer de l’influence de la philosophie moderne et ses concepts ; voire son esprit. Je pense que cette lecture peut se faire à partir de Nietzsche, qui pour lui, tous les problèmes philosophiques de l’homme, ont commencé, lorsqu’on a corrompu la tragédie grecque, et lorsqu’on a cessé de voir la réalité comme un espace plat et direct, sans avoir besoin d’y voir une profondeur. Comprendre Nietzsche, c’est en même temps, comprendre le faux monnayage de la philosophie de Platon à Hegel. Je pense qu’il faut apprivoiser cette philosophie de marteau, pour pouvoir décrire cette transition inédite dans l’histoire de la philosophie. La lire sans prendre distance de ce que la philosophie a produit depuis Aristote jusqu’à Hegel, c’est resté à sa marge, sans pouvoir comprendre sa richesse. Je crois que c’est à partir de là, c’est-à-dire de la nature de cette lecture, que provient la confusion souvent engendrée à propos Nietzsche. Il est vrai que son style, et sa façon fragmentaire de s’exprimer, étaient la cause de plusieurs confusions, mais n’est-il pas là aussi, son point fort, puisqu’il a opposé et contrarié l’écriture classique, bien sage et clairvoyante.
Nietzsche avait l’acuité de réaliser que tous les maux de la philosophie, venaient de la mythologie grecque, et son impacte imminent sur l’histoire de la pensée philosophique et de la pensée en général. Les fondements même de la pensée occidentale, se sont faits à partir de la tragédie grecque, où les dieux grecs et les hommes, s’échangeaient les rôles et les puissances ; la force fût la vertu majeur, et c’est de là que vient la généalogie du noble, c’est-à-dire l’homme en tant que prédateur suprême : même Poséidon est entré en conflit avec Ulysse, lorsque ce dernier humilia et défia les dieux criant triomphe. Le christianisme a évolué lui aussi dans ce contexte : Un homme fils de Dieu, chargé de prêcher pour son père !
Toute l’histoire de la pensée est restée imprégnée par cette dualité : Dieu en face de l’homme, la vérité en face de l’erreur, la force en face de la faiblesse, l’immortalité en face de la mortalité. Avec la seule nuance, celle qui a penché cette dualité plus du côté de dieu que de l’homme, ce fût l’effort du christianisme ; et la philosophie a pris le soin de mettre en valeur ce penchant, depuis Platon jusqu’à Hegel. Ce dernier a eu le privilège de provoquer la révolution des philosophes : Marx, Kierkegaard, et surtout Nietzsche. Le 18ème siècle ne pouvait plus supporter cette dualité corrompue : L’absolu gouvernant sur le relatif, Dieu et derrière lui l’église, régnant sur l’homme !
Nietzsche était le premier a renversé les statuts, non pas en déclarant la supériorité du relatif sur l’absolu, mais de changer leur position, en donnant place à l’interprétation, en évoquant la pluralité du sens, en donnant à l’humain sa valeur naturelle. Ceci a été bien expliqué par Gilles Deleuze « La tâche d’aujourd’hui est de produire le sens ». Je pense que Nietzsche a été le premier à renverser cette position, à travers un travail dur et impitoyable. On peut cependant parler de l’avant et l’après Nietzsche. Lui-même le disait avec force ; le christ n’est plus, la naissance de l’homme porte désormais une nouvelle date, celle qui commence par la venue de Dionysos : « Je suis Dionysos contre le crucifié »1. Il faut cesser de mesurer le temps à partir de cette décadente naissance, et à partir de cet instant commence le dernier verdict de Nietzsche.
La tragédie grecque
Il n’existe pas un peuple qui était aussi proche de la terre, c’est-à-dire de soi même, comme l’était le peuple grec. Ce peuple avait cette capacité extraordinaire, comme le disait Nietzsche, de voir les choses et les phénomènes en tant que plat, en tant que sens direct, qu’il faut changer, battre et combattre. Cela suppose de ne croire qu’à la puissance, qu’à la volonté de faire face au danger et le vaincre, de faire face à la mort ; c’est pourquoi, les vertus majeurs étaient pour eux, la guerre, le courage, le trophée ….il n ’y a pas de place pour les faibles ; la pitié, la chasteté, toutes ces valeurs sont le symptôme d’une maladie ; la maladie professée par Platon et le christianisme : Ainsi, il faut s’armer d’un marteau pour décamoufler le son muet de cette maladie ; un diapason pour dénicher les signes de cette terrible maladie, qui consiste à confisquer à l’homme, ce qui lui est propre et sain : sa volonté de puissance, son amour pour la terre, et sa joie naturelle, son usage de la vie : « L’optimisme est un signe de superficialité, le pessimisme est un signe de décadence, mais l’optimisme tragique est l’état de l’homme qui sait que la vie est une guerre, un conflit, des contradictions, et sent la fierté en sachant cela » ( Nietzsche)
La dualité grecque était donc de se positionner comme guerrier devant l’autre : Les dieux, les fils des dieux, la nature en tant que défi …c’est une dualité qui ne laisse pas de place transcendante ou supérieur à cet autre vis-à-vis de soi, il n’y a pas lieu à la soumission ou à la résignation, mais plutôt à l’action et à la puissance ; c’est une dualité qui ne divise pas la vérité entre celle qui est absolue, et celle qui est illusion. Cette dualité fût corrompue par Platon et ses successeurs, en exterminant d’elle la puissance, et en y mettant à sa place, le fatalisme de l’homme subitement géré par Dieu et ses lieutenants sur terre.
La civilisation islamique avait compris cela, c’est pourquoi elle a parlé d’un Dieu en rupture quasi-totale avec l’homme et la réalité, un Dieu absolument transcendant, donc absolument souverain et régnant sur tout ; cette civilisation a fait de Dieu le seul créateur, le seul gouverneur, face un homme désarmé de tout : Puissance, savoir …etc.
Le Platonisme
Socrate avait cette tâche mortelle d’affronter le scepticisme qui a entraîné l’explosion du sens, et qui a soulevé la souveraineté du sens ; l’expérience des sceptiques était unique en ce qu’elle a été contre toute transcendance du sens ; ainsi, il a préparé le chemin pour Platon, avec qui, la dualité métaphysique a pris une forme tranchante et déterminée : Il y a d’une part la vérité ou le monde vrai, et d’autre part l’illusion, cependant Dieu n’est plus en contact avec ce qui est humain et mondain, cette exception est réservée au christ, le seul fils de Dieu. Presque tous les philosophes ont accordée cette valeur. La dualité a donc pris une autre tournure, elle est devenue la vérité absolue face à la vérité dérisoire.
Platon est le fondateur de ce dualisme, qui va régner sur et dans la philosophie jusqu’à Hegel. La trace grecque est là, c’est la dualité elle-même, mais avec une autre portée métaphysique où l’homme s’est réduit au rien ! Tout ce qui est humain est devenu symbole de l’imparfait, de la honte, de l’humble, ou pour dire plus clair, symbole du Mal, en échange du Bien prêché par la religion, et par toutes les théories métaphysiques et morales. L’homme est devenu objet de jugement, de punition divine, un pouvoir anticipé sur terre par la religion et les religieux. De là, naissance de la dualité : Mal et Bien, et d’un système de valeurs basé sur la punition et l’interdiction, d’où aussi, la naissance de la notion du péché et surtout la naissance d’une créature, dont la seule tâche est de rendre malheureuse et pénible, la vie des hommes. L’homme est assujetti à un ordre touchant et bloquant sa volonté en temps qu’être, capable de changer, de créer, d’agir et de faire de son existence une jouissance, une joie. Les sept péchés capitaux forment l’extrême de cette morale, qui inculque aux êtres humains la peur, la frustration, les remords, le renoncement au plaisir, qui sème l’angoisse et cultive le ressentiment. Nous sommes ici, loin de l’homme tragique, croyant à sa force, et son être créatif. Les sept péchés capitaux se trouvent implicitement dans toutes les religions, avec d’autres formules, et d’autres configurations, toujours aussi sévères et répressives. L’homme a des instincts, et il doit être puni pour ça ! Ainsi réagi toute religion. Toute religion est essentiellement contre l’affect, le désir, les pulsions, c’est-à-dire, contre l’humain, et c’est pour cette raison que la morale religieuse est « Humaine, trop humaine ! ».
Au niveau du savoir, l’homme est incapable, par sa raison handicapée, de déchiffrer les sens de la nature, c’est une compétence exclusive à Dieu et ses prêcheurs. Platon a bien distribué les rôles : L’Etat doit être dirigé par le philosophe et sa clique, les soldats pour l’ordre, les citoyens pour la vie quotidienne tracée d’en haut. Ce rôle fût confisqué aussi par les gérants des instituts religieux. L’homme est touché dans ses intimités les plus profondes, et son plaisir est quantifié. La philosophie et la religion marchent conjointement, avec une complicité très étroite, sous le règne du politique, qui s’est procuré les pouvoirs de faire basculer la balance, en faveur de l’un au détriment de l’autre. La politique a toujours été partie intégrante dans cet équilibre. L’histoire des valeurs ne serait-elle pas une histoire politique ?
Mais jusqu’à quel point peut on dire que la philosophie jouait habilement avec ces autres ordres, pour faire apparaître ce que l’on ne veut pas apparaître ? L’histoire et la biographie des philosophes témoignent de cela. Je pense que M. Foucault a très bien montré cela, surtout dans son ouvrage « L’ordre du discours » Le discours, tout discours est soumis à des règles très efficaces et vigilantes, définissant et marquant le vrai du faux : on ne peut pas dire tout et n’importe où ! Le discours est un objet de pouvoir, il est aussi désir de pouvoir.
La naissance de la métaphysique
Je parle bien sûr de la métaphysique quand elle a pris sa forme systématique, cela est arrivé avec Platon. Ce dernier a donné à la philosophie ses trois fameux axes : L’Ontologie – La gnoséologie – L’axiologie. La réalité a donc trois niveaux qu’il faut étudier selon ces trois catégories connues chez l’homme : la raison, la colère, l’amour, c’est-à-dire « L’usage des plaisirs » Mais la structure finale où mène cette métaphysique est la suivante : Il y a deux existences, l’une est réelle représentant l’absolu, l’autre est illusoire représentant l’humain et le naturel. Platon a pris soin de formuler l’exemple de la caverne où se reflète l’ombre de ce qui existe ailleurs. Or, ce qui existe ailleurs, c’est la réalité absolue que seuls les philosophes sont capables de se rappeler et de rejoindre ; dedans c’est la fiction que la masse voient, croyant par erreur que c’est la réalité, alors qu’elle ne l’est pas : Voilà que nous sommes devant une dualité tranchante et déterminée ; et cela fût adoptée par tous les autres ordres du savoir : religions, sciences, littératures, politique … La philosophie a sombré dans cette orientation, en prenant chaque fois des différentes formules. Que ce soit avec Aristote, ou ceux qui sont venus après, notamment Kant et Hegel, il s’agit là, de la même structure : Le vrai en face du faux, l’absolu en face du dérisoire : La métaphysique. Les efforts se sont multipliés, pour que cette métaphysique se gonfle chez Hegel.
Je crois, avec assez de certitude, que le christianisme n’a fait qu’une volerie d’une idée déjà exprimée chez les grecs ; il s’agit, de celle qui consiste à dire que Dieu a couché avec une femme (humaine) et ça a donné un demi-dieu, comme Achille et autres. C’est là exactement où Nietzsche a trouvé les maux de la philosophie, et de toute la pensée occidentale ! Voila que Dieu a fécondé une femme qui a donné Jésus, et pour Hegel, c’est l’idée abstraite qui s’est transformée dans la nature (l’anti-thèse) pour redonner la pensée absolue (Jésus en religion) lui en philosophie, son Roi en politique ! Hegel a appelé ça : « La raison gouverne l’Histoire ».
Il a fallu donc, attendre cette arrogance pour provoquer la philosophie ; et pour mettre toute cette métaphysique en cause : « Riens philosophiques » voilà ce que répond Kierkegaard ; ou alors la nécessité de mettre Hegel sur pied, comme l’a dit Marx. Mais Nietzsche est allé plus loin, il est allé vers la tragédie grecque ; il y a trouvé beaucoup de richesse, à partir desquelles les détournements se sont produits. Y a-t-il un germe chez Socrate ? Il a combattu la transcendance du sens, pour y mettre à la place le sujet savant : Connais-toi, toi-même ! Cela a servi à Platon pour maîtriser le sens dans une seule main, la sienne, en pensant l’existence et en rejoignant avec sa capacité de se rappeler, le vrai monde où gîte la réalité !
Mythos et logos
On a pris l’habitude d’admettre, avec évidence, ce partage entre mythos et logos, c’est-à-dire la thèse qui soutient, que le mythos a un jour cessé d’exister, et à sa place, le logos a occupé la pensée ; or les travaux de l’anthropologie et les disciplines proches, nous ont montré des faits contradictoires bien considérables. Mais comment peut-on comprendre que dans notre troisième millénaire, des théories mythiques persistent encore, à continuer dans différents domaines de la pensée.
Un homme se lève un matin, et déclare à toute l’humanité que dieu en personne, l’a chargé de purifier notre monde des forces du Mal, et il entraîne toute la planète vers des conflits terriblement meurtriers, où la chaire humaine est devenue proie facile à toutes les sortes d’armes explosives, scientifiquement fabriquées jusqu’à en devenir des armes intelligentes ? En face de celui là, un autre homme prétend lui aussi, être un soldat préalablement martyre, et prend la tâche lui aussi, sous l’ordre de dieu, de demander à toute l’humanité de le suivre dans son combat contre le mal absolu. Une face à face terriblement dressée pour mettre tout le monde au feu. Un absolu contre un autre absolu, et derrière les deux, se sont mêlées les théologies les plus anciennes. Ce serait quoi le mythos, si ce n’est pas cette croyance à la chose et son contraire, les unifiant et les rendant Un. L’armement destructif fait de ces hommes des avatars de Zeus et ses collègues. Le mythos devient cette mise de l’autre dans un dehors absolu, et devient aussi ce rapport direct et exclusif avec dieu ! Mais ce mythos n’a rien à voir avec celui des grecs.
Le mythos est de croire à la chose et son contraire, c’est de croire aussi qu’entre la vérité et son contraire, il y a un médium qui n’est ni dieu, ni homme, mais une troisième force que l’on peut s’approprier pour agir et changer les choses ! Notre monde contemporain est considérablement envahi par cette conviction et ces croyances. Des hommes d’état, comme aussi des gens ordinaires, consomment fortement cette croyance et cette pratique, nous avons même des spécialistes en la matière, qui emploient habilement les dernières technologies (Internet, communication …) pour servir dans ce marché terriblement croissant partout dans le monde. Aussi des pratiques médicales reposant sur l’invitation du médium pour guérir les maladies de toutes sortes, même le cancer. Les marabouts, les temples, les lieux de voyance, sont devenus de plus en plus régnant.
Le mythos ne repose pas sur le dualisme comme il est le cas dans la métaphysique fondée par Platon ; il repose plutôt sur l’intermédiaire qui n’est ni Dieu, ni Homme, mais des puissances surnaturelles inidentifiables, par contre maîtrisable, soit pour faire du bien, soit pour faire du mal. Ces forces ont pris différentes appellations : Fantômes, diables, forces du mal, médium … Etc. et pour dominer ces forces, d’autres moyens sont imaginés par l’homme : Le talisman, la croix, la lecture du texte divin, les rituels de trans…etc, l’homme contemporain a intégré même les moyens les plus développés dans le domaine des télécommunications. Les « spécialistes du tarot et de voyance » ont occupé une très bonne place dans le monde de l’Internet et de la publicité.
Le mythos a donc toujours existé et existe toujours à côté du logos, il n’a jamais cessé de faire partie de la pensé humaine ; l’histoire des sciences n’est elle pas l’histoire de ses erreurs comme le disait G. Bachelard ; et ce qui est une connaissance actuelle, n’est qu’une illusion après. Mais cette illusion ne constitue pas dans beaucoup de cas, un mythos lorsqu’une théorie scientifique est non pas seulement dépassée, mais dévoilée comme une banalité et pure illusion ? Il faut donc admettre que le mythos est une interprétation de la réalité comme le logos et les autres systèmes métaphysiques. C’est ce que Nietzsche a révélé dans son parcours philosophique, et a voulu faire entendre avec acharnement, de là, son retour à la tragédie grecque. Son projet a été pris au sérieux par ceux qu’il a appelé les philosophes du danger. Ce fût Heidegger, Derrida, Foucault, Deleuze … Le savoir humain est une multitude d’interprétations du monde ; parmi les grands apports de Nietzsche, est que le sens est pluriel, quoiqu’on doive distinguer toujours le sens fort du sens faible, c’est-à-dire l’interprétation qui s’impose dans un temps et espace donné : « On ne saurait mieux marquer la différence entre la libre pensée d’hier et celle d’aujourd’hui qu’en se rappelant cette phrase qu’il a fallu toute l’intrépidité du siècle passé pour comprendre et énoncer, et qui pourtant, mesurée au niveau actuel de la connaissance, retombe au rang de la naïveté involontaire, _ je veux dire la phrase de voltaire : » croyez moi, mon ami, l’erreur aussi a son mérite ». Nietzsche.
Le rationalisme
Aristote a fondé la logique pour mettre les premières bornes de la pensée, mais il a aussi fondé la rhétorique ; curieusement, on ne s’est que peut intéresser à cela ! Pourquoi sa logique a-t-elle pris beaucoup d’importance, alors que sa rhétorique n’a pas incité autant à la réflexion ?
L’Organon a marqué les premiers fondements d’un rationalisme primordial, il a montré les règles que toute réflexion doive suivre, pour être conforme à la raison ; et même les parties inaccessibles sont quantifiées, il a consacré pour ça, la logique fallacieuse. Et pourtant, tout un espace de réflexion reste à définir, c’est là, l’importance de la rhétorique ; car la logique formelle peut bien traiter une phrase lorsqu’elle est propositionnelle, mais lorsqu’elle ne l’est pas, la logique formelle s’arrête. Quant une phrase est exclamative ou interrogative, elle n’est pas objet de la logique, c’est la rhétorique qui s’en occupe ; pour cette raison, elle est le germe de la linguiste moderne.
Mais ce qui m’intéresse ici, c’est que notre manière de réfléchir, et les règles qui font marcher cella, ne sont pas forcément formelles, elles sont plutôt plurielles et vont entre le formel et l’informel ; il en résulte que la réalité est toujours inachevée, et que le sens est molle .Une réalité peut bien être intelligible, mais pas forcément rationnelle .Ceci n’a pas été prise en bonne considération par Descartes. Il a fait de son mieux pour mettre une taxinomie de la pensée pour y mettre de l’ordre, seulement tout est bâti sur l’évidence, et c’est bien de là que commence les problèmes, c’est-à-dire, que Descartes n’a pas réussi à faire une table totalement rase. Chez Descartes, il faut d’abord accepter qu’il n y a de mal génie, et qu’il y a bien une évidence insoutenable pour pouvoir admettre son rationalisme. Encore plus, il faut croire à sa vision où il a reçu une mystérieuse décision et certitude, que c’est à lui de mettre de l’ordre dans la raison. La métaphysique avec sa dualité reste dominante et imposée dans sa philosophie. On comprend bien pourquoi Lacan a trouvé beaucoup de facilité pour détruire ce cogito ; en fait pour Descartes, il est impensable qu’il ait un inconscient, or comment un « je » pluriel, plein de contradictions et certainement peu vigilant, peut-il assurer son évidence ? Et si on prend le « mal génie » comme s’il était la farce de l’inconscient : C’est tout le rationalisme cartésien qui s’effondre !
Je pense qu’à partir de là, Kant a fondé ses trois critiques, encore une table rase discrète et sérieusement demandée pour sauver l’embrouille cartésienne. Le but de Kant était de renforcer ce rationalisme et de traiter ses trous, en formalisant les trois axes de la métaphysique. Le savoir est encore soumis à la transcendance du sens. Un sens tellement formel qu’il est devenu indiscutable ; mais Kant devait faire face à un problème très difficile à surmonter : Comment faire avec la notion de temps et de l’espace ? Pire encore, comment faire avec les notions telles que : Liberté, âme, dieu, morale….etc, pour les premières il a trouvé refuge chez le concept de l’a priori, mais cela ne pouvait pas tenir longtemps avec l’évolution rapide des sciences physiques : Einstein ! Pour les secondes il a trouvé l’idée de l’impératif, cela aussi n’a pas pu résister à l’évolution des sciences humaines : La sociologie, la psychologie, la politique. Mais comment peut-on admettre l’idée de l’art pour l’art, ou le devoir pour le devoir ? On comprend là pourquoi Nietzsche lui adressé une place bien privilégiée dans sa sévère critique. C’est lui, l’excellent prêtre qui est venu sauver la morale, en la rendant encore plus abstraite et plus arbitraire. La morale pourrait elle s’imposer en tant qu’impératif ? Kant se demandait pourquoi l’homme a-t-il besoin de la morale ; mais Nietzsche se demandait pourquoi faut-il que l’homme ait besoin de croire à cette morale ? En valait-il la peine ? si ce n’est pas une manière cynique de prêcher la décadence et la mauvaise humeur. Et comment peut-on accepter l’idée d’un Noumène qu’on ne peut pas comprendre, en échange d’un Phénomène apparent et accessible au savoir ? Kant n’a pas pu dépasser la philosophie cartésienne ! C’est à dire sa métaphysique.
La symphonie, médiative et universelle, de Hegel, commence à partir d’une dimension tout à fait nouvelle, que les autres n’ont pas pu remarquer : L’Histoire. Il est vrai que Kant avait implicitement posé cette question, en se demandant ce qu’est le « Présent », ce qu’est « l’actualité » mais celle-ci, n’a pas été clairement traitée par lui ; ni sa raison pure, ni sa raison critique ne pouvait faire usage à l’histoire. Par contre, Hegel a commencé de là exactement, et c’est à lui que revient la philosophie de l’Histoire. La pensée de Hegel n’est pas facile à réfuter, parce que là où on croit l’avoir bien chassée, on la trouve défiante et persistante. Cette force revient exactement à son rapport confus avec la dialectique d’Héraclite. Hegel a donc donné le dernier souffle à la métaphysique en y introduisant cet aspect révolutionnaire qu’offre l’histoire.
Pour Hegel : « La raison gouverne l’histoire » ainsi, a-t-il pu reporter la fin de la métaphysique, cela veut dire, qu’il n’est plus question de voir les choses en état stationnaire et dogmatique, mais en mouvement, en dialectique, que nul ne peut arrêter ; cependant ce qui est Noumène finit par devenir Phénomène, ainsi la connaissance est infinie et surtout ascendante, la vérité n’est plus inaccessible, elle est plutôt un devenir qui ne cesse de se révéler. Nous sommes devant une philosophie bien révolutionnaire et trop rassurante ! Mais où est le problème alors !? Il est en cela :
a- La squelette de toute la philosophie de Hegel est faite à partir du christianisme ; la parole de Dieu semée dans l’utérus de la vierge ; cela donne un homme qui représente la connaissance de Dieu, connaissance qui sera prêchée et répandue au sein de l’espèce humaine pour lui monter le savoir divin. L’histoire des hommes, de ce coté, ne sera que le passage déterminé de l’ignorance vers la connaissance. La philosophie de Hegel est l’aspect philosophique du christianisme. La trilogie prend la forme de Dieu, femme, homme, c’est-à-dire thèse, anti-thèse, synthèse. Parce que cet homme réalise la présence de Dieu sur terre. Chez les grecs : Pélée, Thétis et Achille, sauf que pour ceux-là, L’homme n’y représentait pas Dieu sur terre, plutôt, il y représentait soi-même.
b- L’absolu est le pilier de sa pensée, un absolu vers quoi aspire toute vie, face à un relatif humble et méprisable. L’absolu est une fin vers laquelle va le sens de l’histoire. L’individu ne compte rien dans ce processus, même les grands hommes, ne sont que des outils que l’histoire utilise pour réaliser l’absolu. Lorsque les hommes ambitieux croient qu’ils réalisent leurs fins, ils ne font que réaliser la fin de l’histoire dont la ruse cache le secret divin d’un Dieu courant contre le temps.
c- Le finalisme est l’élément primordial qui fait bouger l’histoire. C’est-à-dire qu’il y a là une fin incomprise que l’histoire veut réaliser. Cette fin est bien la volonté de Dieu sur terre, qui s’accomplit sans cesse.
d- Le progrès est donc une destiné de l’existence, que rien ne peut empêcher ; les guerres, les conflits sanguinaires, les grands changements sont nécessaires pour cette réalisation de l’absolu, et l’homme n’y est pour rien, sauf pour mettre en application cette destiné avec ce qu’elle peut porter de malheur ou de bonheur, peu importe.
e- Mais cet absolu s’est réalisé en religion avec le christianisme, en politique avec le règne de son Roi, en philosophie avec lui. C’est vers tout ça que tendait sa philosophie pour s’arrêter.
Ainsi, se termine la révolution de Hegel, et nous pourrons trouver dans ces propos, l’introduction qui permettra une réaction violente, plutôt, un changement radical dans la philosophie : l’effondrement de la métaphysique.
L’effondrement de la métaphysique
Cette inflation de la raison, chez Hegel, a provoqué une critique sévère chez les philosophes, non pas seulement ceux qui étaient contre l’idée de Dieu, le centre privilégié de toute métaphysique, mais aussi chez ceux qui étaient contre toutes valeurs qui l’accompagnent : L’absolu , la morale, le pouvoir, la connaissance, ... etc. sans doute, l’évolution de la technique, l’ apparition de l’énergie, l’évolution du commerce…ont été un facteur très déterminant dans ce changement, mais la pensée a sa propre raison, et ses propres lois, qui la font changer vers un tel ou tel sens, c’est ce que Louis Althusser appelait la pratique théorique. C’est une philosophie aigue et très critique, qui a fait naissance, au détriment de toutes les autres, et qui a marqué le modernisme ; une philosophie post moderne puisqu’elle est née au détriment du modernisme ; c’est une philosophie marquée par le même souci, celui de renverser la dualité. Nietzsche en était le premier fondateur, c’est-à-dire, le fondateur de ce qu’on peut appeler un prolégomènes à la philosophie post-moderniste. Je peux dire qu’à partir de là, commence l’après Nietzsche ; mais, c’est quoi cet après Nietzsche ? : « La croyance à la vérité commence avec le doute au sujet de toutes les vérités auxquelles on croyait jusqu’alors » Nietzsche. En fait, l’après Nietzsche, c’est à la fois, la fin du christianisme et des philosophies de sujet, celle de Hegel en dernière instance. L’après Nietzsche est surtout la fin du modernisme.
Dionysos contre le crucifié
Hegel avait donc saturé la métaphysique, plus rien ne peut être ajout ; Kierkegaard a trouvé que Hegel avait parlé de tout sauf de l’homme, de son intérieur, est-ce là, le début de la pensée existentialiste ? Je crois que oui. Marx s’est dirigé vers un autre chemin : La lutte des classes. Il a bien apprécié la dialectique, mais a fermement refusé que cette dialectique soit animée par une raison intelligente, qui se dirige vers un but suprême, ambigu et universel. La réponse de Marx était dans l’économie et les conditions humaines ; ce qui fait bouger l’histoire, c’est cette contradiction qui produit la plus value, entraînant la richesse des uns et la misère des autres ; donc, une lutte interminable qui fait bouger l’histoire. Il faut construire la structure qui unifiera les exploités pour changer l’histoire vers une autre étape qui serait le communisme. La praxis au lieu de rester figé dans le monde des idées.
Mais la plus forte réplique à Hegel fût la philosophie de Nietzsche qui en a aboli l’essentiel :
a- Le christianisme (et avec lui les religions) qui constitue un blocage et une destruction de tout ce qui est humain, surtout sa volonté. L’Antéchrist n’est pas le contraire de christ, mais son dépassement, son renversement en tant que contre nature. Nietzsche était tout à fait conscient de sa tache, qu’il était un homme posthume, car en rejetant le politique, en exigeant de nouveaux yeux et oreilles, en allant chercher dans le labyrinthe pour y trouver et détruire avec mépris ce que l’humanité avait créée contre elle-même, il a été obligé de parler à des générations autres que la sienne, des générations capable de supporter la mort de Dieu et le crépuscule des idoles.
b- L’absolu n’est qu’une idée, il est même une mauvaise idée, qui entrave la volonté de l’homme et sa puissance. Mais tout absolu devient relatif devant cette volonté acharnée chez l’homme, à se dépasser vers le meilleur, même si cela exige de faire face à la mort (Là on trouve l’esprit grecque).
c- Nul finalisme n’existe en dehors de la volonté de puissance des hommes ; le diable lui-même en personne l’a dit à Zara : Dieu est mort à cause de sa pitié pour les hommes. L’homme doit en tirer profit pour se méfier de la pitié !
d- Le progrès ! Ne serait-il pas une illusion ? L’homme du 19ème siècle ne serait-il pas médiocre dans sa qualité par rapport à celui du moyen âge ? Or la généalogie nous offre une autre façon de voir notre évolution, cette dernière ne se dirige pas vers le progrès, elle se dirige et c’est tout, aveuglément et sans fin.
e- Il est difficile d’admettre que la raison s’est finalement réalisée avec Hegel, ce sage parmi les sages, n’a fait que produire des valeurs, les embellir et les mètres dans le navire qui sera poussé par le fleuve, c’est-à-dire, la masse humaine, qui coure avec sa force colossale.
f- Que veut dire donc l’effondrement de la métaphysique ? Ce n’est pas l’abolissement de la dualité, mais son renversement. La réalité n’est pas en haut, elle est plutôt en bas, sur terre, entre les mains des hommes, et c’est à eux que revient la création. L’illusion est en haut où il n’y a que des interprétations inutiles ! Le monde des idéaux est l’illusion, celui de la terre est la vérité.
Nietzsche a attaqué toute l’histoire de cette dualité, de Platon à Hegel ; il a adressé ses coups de marteau à tous les sages (philosophes) qui ont trouvé la joie d’installer les fausses valeurs et de leurs donner des noms, et de la respectabilité habile et hypocrite, pour semer l’impuissance et le doute chez les masses, et c’est là, leur volonté de puissance. Car la joie et la jouissance de ces sages passent par leur savoir et leur créativité des concepts qui maintiennent l’ordre, et garantissent la soumission (De là, la notion de Pouvoir développée par M .Foucault), mais : « Le christianisme donna du poison à Eros : il n’en mourut pas, mais dégénéra en vice ».F. Nietzsche. L’après Nietzsche est cette mutation tranchante dans la philosophie, où il est dorénavant, question d’un seul monde plat et directe, comme l’était celui des grecs ; il est question de créer le valeurs offensives et productives de l’homme et pour l’homme. Nietzsche insistait sur le fait que dieu est mort et demeure mort. Autrement dit, l’homme doit rester vigilant quand à sa grande découverte, et quant à sa seule responsabilité dans la vie ; l’homme est orphelin et sans secours ; il a la responsabilité d’être le berger de l’être dira plus tard Heidegger.
Le philosophe du Danger
Pourquoi Nietzsche a choisi de se présenter dans cette face à face « Je suis Dionysos contre le crucifié » ? Je trouve que c’est le grand titre de toutes ses œuvres. Une dénonciation et un refus de cette morale de soumission, de cet anéantissement de soi ; en échange d’une morale, non pas seulement de puissance, mais de dépassement de soi. Le Dionysiaque emporté par la joie face au crucifié battu par l’austérité de ses vertus ; nous les immoralistes, disait Nietzsche, pour mettre l’accent sur cette confrontation. Mais il n’a pas oublié de s’intéresser à ce Dieu qui s’est déclaré le seul Dieu, en affirmant qu’il n’y a de Dieu que lui ! Les Dieux grecs ont éclaté de rire en entendant ça ; mais en fait, remarqua Nietzsche, ce dieu est athée puisqu’il a nié tous les autres.
« Ô grand astre quel serait ton bonheur si tu n’as pas ceux que tu éclaires » Cet appel dionysiaque à l’homme, est une incitation à la joie : Si l’homme a des instincts, des désirs, quel serait sa raison, s’il ne réalise pas ce pourquoi il existe ? Le crucifié l’appelle à s’interdire tout ce qui est nature en lui. Or, le surhomme n’est que l’homme avisé, capable de choisir la vision de Dionysos et de dépasser celle du crucifié. L’éternel retour n’est que cette nature infinie. La volonté de puissance n’est que cette résistance contre la peur, le ressentiment, l’angoisse d’être crucifié, c’est-à-dire d’être puni. L’homme avisé détruit les idoles. Le désir sexuel pousse l’homme par la passion à agir, alors il s’agit, peu importe les manières et les risques, d’aboutir à la jouissance qui, une fois acquise, le désir sexuel reprend : Voilà ce qu’est l’éternel retour. Cependant, la morale du crucifié reste une contre nature, et le surhomme crée une autre éthique, une autre vision de la vie, de l’art, de soi … etc.
En fait pourquoi Nietzsche employait à plusieurs reprises cette expression : Nous les psychologues ? Sans doute, ce sont ces malades de pitié, de chasteté, de dénouement et dévouement, de bonté et de toutes les qualités humaines, trop humaines ! Ne faut-il pas soigner ces malades ? Or, dans les yeux doux de la pitié et de l’amour guette aussi la volonté de puissance, c’est-à-dire, la volonté d’investir l’autre et lui confisquer la puissance. Les sept péchés capitaux ne sont –ils pas, un des spectres de ce qu’est la volonté de puissance ? Je crois que la volonté de puissance est bien cette richesse grandiose dans l’homme, qui le pousse à se rassasier de la vie, même si cela comporte un danger mortel, un risque de mourir. Mais il ne se rassasie pas ; plus il en réalise, plus il en veut ; affirmant l’éternel retour.
Je pense aussi que l’éternel retour est cette volonté qui ne peut que continuer, se perpétuer, se faire et se refaire infiniment, mais sous différentes formes, en employant tous les moyens, anciens et nouveaux, pour s’affirmer et s’imposer. La guerre est une simple idée en tête, mais elle est aussi ce phénomène qui ne cessera jamais de retourner éternellement sous différentes formes, avec de nouvelles valeurs. Où est donc la répétition ? Pour changer l’exemple de dé souvent abordé pour parler de l’éternel retour, je dirai que lorsque je décide de rentrer au glaive, je fais face à la mort, et je parie avec ma vie pour le trophée, soit je meurs, soit je gagne, ainsi le veut ma volonté (La volonté de puissance), et ça continue, avec moi ou sans moi (L’éternel retour). A l’aube de l’humanité, les nobles étaient ces hommes toujours prêts à parier avec leurs vies, et ils ont mérité leurs statuts. La généalogie des nobles nous mène vers des guerriers tueurs libérés de pitié et de valeurs pareilles. Ainsi va la vie des gens au quotidien, et pendant toutes les époques ! Que le surhomme vienne pour affirmer ses droits sans avoir recours à la morale des sages. Une autre morale cultivée à la base de la volonté de puissance, du respect de soi, sublimée vers un homme au-delà le bien et le mal. N’y a-t-il pas d’indice à cela dans notre troisième millénaire ? Napoléon disait déjà : « Dieu est avec ceux qui ont plus de canons », voilà que la volonté de l’homme transforme Dieu en puissance réelle, en canons qui produisent l’effet sur terre et créent la victoire. L’après Nietzsche c’est ce pas géant dans le chemin qui mène au-delà bien et mal, parce qu’il est temps de parler droit au but, de parler sans mensonges, sachant que les valeurs morales sont nos propres créations, et comme nous les avons créées, nous pourrons les détruire pour en créer d’autres, car se taire est un poison qui nous tuera, et le silence dégénérera notre espèce ; alors que toutes les vers de la terre ont donné de leurs mieux, nous devons dépasser ce qui est singe en nous, pour mériter notre souveraineté. Nietzsche disait : « Qu’est ce qui est bon ? Tout ce qui exalte en l’homme le sentiment de puissance, la volonté de puissance, la puissance même. Qu’est ce qui est mauvais ? Tout ce qui vient de la faiblesse »
Le dépassement de la métaphysique
Notre monde n’est plus un simulacre, il est notre réalité que nous sommes capables de changer dans une lutte interminable. Nietzsche est l’auteur de ce renversement ; une nouvelle époque vient de commencer alors ; et des philosophes, que Nietzsche voyait venir, les philosophes du danger, vont continuer ce chemin grave, ce Holzweg. Sur un autre niveau, les sciences évoluent sans cesse, sur tous les domaines, y compris le domaine humain, ouvrant d’autres perspectives, et réalisant d’autres découvertes qui feront disparaître tout ce qui est resté de la métaphysique et ses ramifications. L’Ontologie n’a plus donc de place, et les valeurs de la peur ont cédé leurs places aux valeurs du gai savoir et de l’Antéchrist. Maintenant, nous assistons au deuil de la métaphysique !
Heidegger a tenté une confrontation philosophique très dangereuse : Reprendre la métaphysique pour en finir ; reprendre le thème fondamental de l’Ontologie pour le serrer. Pourquoi y a-t-il l’étant et non pas plutôt rien ? Qu’est ce que l’être ? Qu’est ce que l’étant ? Qu’est ce que penser ? Dans ce chemin épineux, Heidegger s’est montré très vigilant, minutieux, très soucieux de mettre la main sur le noyau dur de la métaphysique : L’être et l’étant en rapport avec le temps. Je crois qu’il a fini, par trouver cela : La question de l’être est une fausse question, sinon, une question inaccessible ou même banale ; L’essence de l’être ne peut pas se dévoiler, puisqu’on se dévoilant, elle n’est plus de l’ordre de l’essence, ni de l’ordre de l’être, mais de l’étant. L’être c’est ce qui est là. Ça pourrait paraître, rien et futile comme conclusion, mais « Dans la forêt, il y a des chemins qui, le plus souvent encombrés de broussailles, s’arrêtent soudain dans le non frayé. On les appelle holzwege. Chacun suit son propre chemin, mais dans la même forêt. Souvent, il semble que l’un ressemble à l’autre. Mais ce n’est qu’une apparence. Bûcherons et forestiers s’y connaissent en chemins. Ils savent ce que veut dire : être sur un Holzweg, sur un chemin qui ne mène nulle part » M. Heidegger. Certains, se sont précipités pour dire que c’est là une non possibilité de comprendre ! C’est une très mauvaise lecture de Heidegger, mais voyons un peu : cette forêt n’est pas une impasse, un néant, puisque bûcherons et forestiers s’y connaissent, ainsi pour la pensée, ceux qui s’y connaissent ont la facilité d’aller loin, très loin même dans le chemin de la pensée. Dans cette voie rude, déserte, tortueuse, des philosophes graves, ont continué leur chemin pour amplifier et investir le nouveau monde de questionnements que Nietzsche a ouvert.
TRIBAK AHMED