Le Benjamin Biolay nouveau est arrivé... ou presque !
Il y a parfois des coups d’accélérateurs dans la vie. Benjamin Biolay est bien placé pour le savoir. Revenu du néant en octobre 2009 avec son double album « La Superbe », bientôt adulé par les médias (Télérama et les Inrocks en tête), le voilà qui rafle une double récompense aux Victoires de la Musique, puis qui est invité à jouer les trouble-fêtes dans le couple ultra-présidentiel. Retour sur cinq mois mouvementés et premières impressions sur ses performances live.
Alors même qu’il réalisait la sortie-promo de « Trash yéyé » en 2007, Biolay n’hésitait pas à clamer sur tous les toits qu’il se trouvait… à la rue ! Lâché par sa maison de disque, jugé impopulaire et surtout incontrôlable en public : on le croyait dès lors enterré au paradis des chanteurs morts-nés et se perpétuant avec difficulté dans un anonymat complet du grand public. Il en fallait visiblement plus pour abattre le lion (on reconnaitra la parenthèse à l’ami Salvador…) ! Au terme d’une période personnelle plutôt agitée (un divorce entre autre !) et d’engueulades franches et diverses (Bénabar et Christophe Willem en témoigneront), on croyait pourtant que Benji allait définitivement changer… de carrière. Si on l’a vu métamorphosé en mercenaire dans le téléfilm Sang Froid sur Arte, on l’a également vu en papa émouvant dans le film français Stella, tourné avec une amie de longue date : Sylvie Verheyde. Après cela, l’automne 2008 a fait croire à la possibilité d’une reconversion télé. On a parlé pendant un temps de Biolay comme chroniqueur musical pour un talk-show animé par Estelle Denis. Le projet tombera définitivement à l’eau. En clair, on le croyait définitivement rayé du paysage musical français.
Mais impossible n’est pas français. Si il y a un an, on le pensait au bout du rouleau, le voilà pourtant aujourd’hui lancé dans une vaste tournée aux quatre coins de la France. Mieux encore, il a du rajouter des dates pour ses fans franciliens au casino de Paris ! Lui qui, lors de sa dernière boucle avait quelque peu boudé la France avec à peine pas une dizaine de dates, a cette fois décidé de prendre la mesure du succès (de faire aussi un gros pari ?...) qui est le sien. Il faut dire que Biolay, lors de la tournée de Trash Yéyé, et malgré l’enregistrement d’un titre remix live à Bordeaux (Rendez-vous qui sais ?), avait une popularité presque plus forte à l’étranger qu’en France. En font foi ses séries de concerts en Espagne. On ne le répétera certainement jamais assez, mais l’enfant terrible de la chanson française n’est pourtant pas un débutant. Co-auteur du Jardin d’Hiver de Salvador, il recevait déjà en 2001, la Victoire du meilleur espoir pour Rose Kennedy. Il lui aura fallu attendre presque 10 ans, des années de galère, de dérapages, d’insultes et de paquets de clopes pour reparaitre la tête haute devant les caméras. Entre temps, Biolay s’est dévoué aux amis. Des chansons composées pour Elodie Frégé, des arrangements pour Julien Clerc ou encore une réalisation presque complète pour Carla Bruni-Sarkozy… On ne peut pas dire que le Parisien d’adoption ait chômé ! Et dans tout cela, on ne peut pas oublier la phrase devenue presque culte et prononcé par un néanmoins ami de Biolay : « Y’a pas écrit Benjamin Biolay sur mon front. » Autrement dit, si je fais de la musique, c’est pour être connu et reconnu : je ne bosse pas pour des prunes… Charmante phrase donc que celle de Joey Starr dans Le Bal des Actrices, film de Maïwenn Le Besco. Voilà le dilemme de Biolay plutôt bien résumé jusqu’à un un beau jour d’automne 2009. Sur internet, le clip de La Superbe circule déjà depuis août. On y voit un Benjamin aux cheveux plus longs que jamais et bien huilés, savoir toujours aussi bien se mettre en scène. Pourtant, le clip n’est pas buzz…
Lorsque son double album sort en Octobre 2009, la lancée est timide. Une interview chez les Inrocks, de bonnes notes dans les médias dédiés… Il faut encore attendre quelques semaines pour que Biolay apparaisse partout. Un passage au Grand Journal de Denisot clôt la saison 2009 de Canal sur une bonne note. On note un passage chez Ruquier, un live intimiste sur France Inter, plusieurs rencontres sympathiques avec Nagui pour Taratata, et voilà plus d’apparition à la TV et à la radio pour Biolay en 2 mois qu’il n’en a eu ces cinq dernières années ! Alors, explosion du succès ? Et pourquoi pas ? A l’époque de Trash Yéyé, le Lyonnais était considéré comme à contre-courant des styles musicaux de l’époque, notamment des Bénabar, Renan Luce, Vincent Delerm et autres… Les choses ont-elles changées ? La réponse est oui, légèrement.
Aujourd’hui, le Benjamin Biolay nouveau est toujours aussi dépressif. On ne change jamais vraiment il faut croire… Alors est-ce le chanteur qui a changé ou bien le public ? Un peu des deux certainement. Dès le début de sa campagne de pub pour « La Superbe », le voilà qui fait son méa-culpa dans une utopie onirique où il répète à qui veut l’entendre que ses mots ont bien des fois dépassés ses pensées. Puis le voilà qui ensensse Diam’s et Booba, jolies flatteries qu’il s’empressera de ressortir à chaque sortie média. Alors, posture guillerette téléphonée, où es-tu ? Qu’importe, cette fois, le Biolay gentil fait vendre. La Superbe devient en moins de deux mois disque de platine. Les interviews nombreuses révèlent ensuite l’explication du pourquoi de ce nouvel album. Engagé dans une petite maison de disque, Naïve, le voilà qui expérimente un retour aux sources. Le voilà qui travaille sur ce qu’il aime : en égoiste et pour lui-même. Plus de souci de temps ni de résultat, il reprend même des vieux textes qui lui tiennent à cœur pour les réorchestrer et les améliorer. Et ça marche ! Le résultat transcende les trois derniers albums et les jette aux oubliettes, comme si le seul titre de La Superbe écrasait tout de son aura. Il faut dire que le titre est particulièrement prenant avec un démarrage sur les chapeaux de roues, violons battants et s’achevant même sur des notes de jazz bien senties. A ce titre, les performances lives de la tournée 2010 s’accompagne de violons et harpes, pour des morceaux exceptionnels. On regrettera juste sur le seul titre de La Superbe que le foisonnement d’instruments (et encore plus le soir des Victoires avec l’orchestre symphonique) ne créé un grand brouhaha qui détériore légèrement la qualité symphonique de la composition originale. Innovant et toujours décalé, l’album est un grand puzzle (toujours très inégal, il faut l’avouer) variant les rythmes et les inspirations.
Et puis, il y a l’homme, celui qui peut-être répond à une époque et à un courant de vie. A jamais Gainsbourg dans l’âme, on retrouve certainement en lui un peu de l’homme à tête de chou, de nouveau mis au panthéon il ya quelques mois avec cette fameuse Vie Héroique de Joann Sfar. Car Biolay est aussi un contestataire discret mais affirmé. Et il le prouve avec son fameux « dans la Sarko-Benz » en live pour reprendre la « Merco-benz » ou encore plus simplement dans les paroles de « Sans viser Personne » où il raconte ses déceptions politiques diverses, dans quel camp que ce soit. Alors Biolay répond-il au besoin d’une génération nouvelle, dans laquelle il aurait enfin trouvé sa place ? Peut-être. Mais comme on l’a déjà dit, l’homme aussi a changé. Au-delà de son comportement devant les médias, c’est son instinct scénique qui s’est également métamorphosé. Autrefois plus timide, moins audacieux, le voilà qui pour cette nouvelle tournée, renoue avec un public qui l’a si longtemps boudé. Plus généreux, mais aussi largement plus rock qu’avant (son live de Dans la Merco-Benz et le finish de A l’Origine sont hallucinants), Benjamin semble véritablement prendre la mesure d’un succès inopportun, encore imprévu il y a un an. Il faut dire que, toujours bien accompagné (il tourne toujours avec ses amis depuis de nombreuses années), il n’hésite pas réveiller les fans de longue date en reprenant ses meilleurs succès des albums précédents comme la BO de Clara et Moi (et non par Carla et moi !) ou A l’Origine. On ne se refait pas cependant, c’est toujours la clope au bec qu’il finit ses concerts, l’ombre d’un Gainsbourg, parfois écrasante certainement, hante vraisemblablement pour longtemps les pas musicaux de Benjamin. Certains ne lui pardonnent pas. Comme ceux-là même, ou d’autres, lui reprochent des textes plats et livides. Pourtant, Biolay est le premier à se revendiquer des plumes aussi diverses que celles de Verlaine (voir la chanson « Si tu suis mon regard ») ou de F. Scott Fitzgerald, ce dernier lui inspirant en fait le titre même l’album avec son roman Gatsby le Magnifique.
Mais sur scène, Benji se lâche plus. Surtout, il se lâche bien davantage comparé au strict live de La Superbe, performance de retenue qu’il avait livrée au soir des Victoires de la Musique et qui lui avait valu la victoire. En tournée, on a par exemple droit à ses petites affections personnelles comme une reprise au piano de Clint Eastwood, l’ovni musical devenu mythique du groupe anglais Gorillaz. Cependant, Biolay parviendra-t-il vraiment à échapper à ses démons ? Quelques heures seulement après sa double récompense, le voilà embarqué dans une histoire abracadabrantesque. Lui, qui avait participé à la réalisation du précédent album de Carla Bruni, le voilà nommé briseur de couple présidentiel en chef. Toutes les allégations vont bon train : selon certains médias, Biolay a emmené madame la première dame en vacances avec lui, mais son mari l’a faite revenir au plus vite par avion… Seul hic, pendant ce temps, Benjamin est en tourné, un jour à Caen, l’autre au Mans, puis enchainant Angers et Nantes. A l’origine de telles rumeurs, la grande proximité des deux artistes il ya quelques années et surtout, les félicitations très empressées de la première dame au soir du succès des Victoires. Il n’en fallait pas plus aux mauvaises langues pour attribuer les prix obtenus à un soutien présidentiel(le), à défaut d’un véritable talent récompensé… Notons que lorsqu’on a face à soit Johnny Hallyday, l’exubérant Helmut Fritz, le « charmant » Bénabar et le vétéran Marc Lavoine, il est dur de faire un choix... Bref, les Victoires de la Musique cette année, à la vue des nominations, pouvaient-elles véritablement ménager un suspense digne de ce nom, sinon amener à faire triompher (enfin) un vent de nouveauté et de fraicheur ? Mais c’est un autre sujet et chacun a son avis. Seulement, peut-être faudra-t-il trouver d’autres arguments pour remettre en cause l’un des seuls moments de gloire de la carrière d’un artiste hétéroclite.
Le plus dommage dans tout cela, c’est certainement que l’on oublie une autre victoire. Autre que Biolay lui-même a souligné : celle des petites compagnies face aux grosses sociétés de production. En raflant deux trophées, Benjamin soigne son goal average (car monsieur est aussi fan de football !), mais contribue aussi à l’affirmation de petits labels face aux géants de l’industrie du disque. Mais, beau joueur, il tenait tout de même à remercier au moment de la remise des prix, son ancien label, sans qui il n’en serait pas arrivé là. Et nous non plus, on ne se serait pas régalé de La Superbe si EMI n’avait pas mis Biolay au caniveau ! Vraisemblablement, l’incompétence des uns peut tout de même faire le bonheur des autres…
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