« Le Chien » d’Eric-Emmanuel Schmitt c’est Le Théâtre de son Maître
« Si les hommes ont la naïveté de croire en Dieu, les chiens ont la naïveté de croire en l’homme ». Eric-Emmanuel Schmitt a l’art de prendre le lecteur, en l’occurrence, ici, le spectateur, par la main afin de l’emmener dans un monde où l’émotion et le sentiment sont si proches de la métaphysique que tout système défensif rompt les amarres en s’ouvrant sur des dimensions tellement humaines que celles-ci semblent, d’évidence, présentes de toute éternité.
Sur la scène du Rive-Gauche, deux comédiens, comme venus d’ailleurs, apparaissent dans la sobriété tamisée du décor constitué exclusivement de quelques cubes improbables.
Durant cette phase initiale, l’alter ego restera à la fois étrange et muet à la différence de son partenaire, au premier plan, mi-sourire aux lèvres, entreprenant le récit, à la manière d’un conteur prenant tout son temps car déjà empreint de l’adhésion du public aux sortilèges annoncés…
L’enjeu de l’histoire va, en effet, s’échafauder autour d’un secret, celui d’un médecin octogénaire ayant exercé avec compétence dans son village jusqu’à la retraite sans que jamais personne n’ait réussi à franchir le mur de son intimité.
En effet, on ne lui aurait jamais connu d’autre compagnie durant quarante ans que son chien ou plus exactement ses chiens successifs… toujours le même Beauceron appelé Argos.
Cependant le croisement à répétition, au cours de promenades rituelles, d’un écrivain nouveau venu au bourg, suscitera peu à peu une approche qui, bien que réservée, pourrait néanmoins se sublimer en affinités autour de bonnes bouteilles… sans jamais, malgré tout, outrepasser la sphère du privé.
Malheureusement, au retour d’une tournée littéraire promotionnelle, le narrateur sera confronté à la terrible nouvelle de la disparition accidentelle d’Argos et celle suicidaire de son maître Samuel Heymann.
Comme mue par la destinée, sa rencontre opportune avec Miranda, la fille du médecin, révélera dans une stupéfaction progressive la saga en déportation de toute une famille juive ayant subi l’abjection au plus haut point.
Cette prise de conscience a posteriori initiera une démarche de résilience par personnes interposées trouvant son apogée au sein d’une lettre révélatrice de forces telluriques, empathiques et quasiment salvatrices, bien que celles-ci fussent étonnement de nature « canine » !
L’intensité du verbe, la douceur du ton, la force du regard, la persuasion de la torpeur et l’imaginaire en plein émoi, tout se mêle dans l’entendement du spectateur suspendu, entre la rive du trop-plein monstrueux et celle de la plénitude inespérée, aux lèvres de ces deux comédiens, Mathieu Barbier et Patrice Dehent, vibrant de pair au diapason d’Eric-Emmanuel Schmitt au sein d’une mise en perspective avec un tact infini par Marie-Françoise & Jean-Claude Broche… dans le prolongement de leur création plébiscitée en Avignon off.
photos 1 & 2 © LD. Rive-Gauche
photos 3 © Theothea.com
LE CHIEN - *** Theothea.com - de Eric-Emmanuel Schmitt - mise en scène MF & JC Broche - avec Mathieu Barbier & Patrice Dehent - Théâtre Rive-Gauche
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