« Le dernier roi d’Ecosse », ou la beauté du Diable

Le titre est celui d’un drame shakespearien, son thème en est digne.
Kevin Macdonald a choisi de nous faire vivre à la cour du défunt dictateur fantasque Idi Amin Dada (Forest Whitaker), à travers les tribulations d’un jeune médecin écossais, Nicholas Garrigan (James McAvoy). Ce dernier, parti en Afrique en quête d’aventure(s), voit son existence bouleversée après sa rencontre avec le président, qui le prend d’abord en affection. Etant donnée la personnalité changeante et paranoïaque d’Amin, le rêve tourne peu à peu au cauchemar, tandis que le jeune docteur, devenu complice, s’enfonce en enfer à la suite du peuple ougandais.
Forest Whitaker nous livre ici une nouvelle performance
inoubliable (souvenez-vous de Samuraï Dog, par exemple) en jouant un dictateur
très crédible, tour à tour affable et sanguinaire, joueur, séducteur, puis
sadique et pervers ; un tyran qui alterne magnifiquement le chaud et le
froid pour jouer avec ses sujets comme un chat joue avec une souris. Son jeu
est certainement digne de sa nomination aux Oscars 2007.
James McAvoy, lui, oscille entre le rôle de faire-valoir du
maître-acteur (ce qui est bien normal, étant donné le scénario et la puissance
de Whitaker), et celui du jeune homme fringant, un peu chien fou, qui perd peu
à peu ses illusions.
L’ambiance de l’Afrique noire est admirablement rendue, avec
sa dose de surprises et d’invraisemblables évènements qu’elle réserve à un
jeune Blanc qui n’avait jamais quitté son Ecosse natale.
L’Ouganda, univers semi-opaque au docteur Garrigan, lui devient
d’abord un terrain de jeu dont Idi Amin Dada serait à la fois chef de
bande et Père Noël, et où il pense pouvoir réaliser ses ambitions. Puis la face
cachée et bien réelle de la vie sous la dictature lui apparaît, trop tard pour
qu’il en sorte indemne.
Tout le mécanisme de la corruption physique et
morale est là. Un chef assez charismatique pour qu’on accepte de passer sur de petites
choses, puis de s’aveugler un temps face aux doutes grandissants, avant de
réaliser avec amertume qu’on est depuis longtemps passé de l’autre côté.
Malgré toutes ces qualités, le film pèche par les
approximations historiques du scénario. Tiré d’un roman de Giles Foden, déjà
lui-même dérivé de la réalité avec un mélange de personnages fictifs et d’anecdotes véridiques, il procède à
des raccourcis dont l’invraisemblance est certes compatible avec l’atmosphère
de folie qui règne autour du dictateur - ne dit-on pas que la réalité dépasse
souvent la fiction -, mais penche aussi quelquefois vers les défauts d’une
réécriture hollywoodienne simplificatrice. Le dénouement, notamment, est assez bâclé, et pourrait
figurer dans une série B. Pour obtenir une happy end, les scénaristes ont visiblement forcé l’évasion du
héros pris dans une situation devenue inextricable. Le tour de passe-passe
final est cousu de fil blanc. Le personnage réel sur lequel a été modelé Garrigan dut, lui, croupir quelques années dans les geôles ougandiennes avant son retour au pays...
Restent le bonheur d’une admirable leçon sur la corruption et les illusions de jeunesse sur la vie facile, accompagnées de la performance magistrale de Whitaker, deux raisons amplement suffisantes pour aller voir ce film.
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