Le grand vizir porte le deuil de son père
Iznogoud est donc en deuil, mais nul doute que son cœur fourbe ne se formalisera pas longtemps. N’a-t-il pas consacré sa vie à tuer son maître, le calife Haroun el Poussah ?
Dans cette série de bandes dessinées humoristiques, souvent drôles, parfois irrévérencieuses, on peut voir une réelle réflexion sur le pouvoir et la corruption de l’âme de ceux qui y goûtent.
Entre le calife et le vizir, nous avons les deux extrêmes de la dépravation : l’un hyperactif, avide, avare, cruel et machiavélique, l’autre complètement passif, impotent potentat poussif. Deux individus que la puissance ont fait évoluer de bien sinistre manière. Leurs mauvais penchants naturels ont été débridés par l’accès au pouvoir, et ils s’y sont donné corps et âme.
Un album en particulier m’a particulièrement marqué. Il s’agit du « Complice d’Iznogoud », une histoire abracadabrantesque où l’on voit, comme d’habitude, le vizir se fourvoyer en pensant bien faire, à mesure que ses chances de réussite s’amenuisent, pour finir sur un statu quo.
Dans cette histoire, Iznogoud, pressenti par le maître des enfers pour devenir le « génie du mal de son siècle » se cherche un allié pour prouver à tous qu’il mériterait son poste de tyran. Il arrivera même à obtenir l’arrivée dans son époque d’un autre génie du mal, qui n’est autre qu’Hitler. Avec son aide, le « bon Iznogoud » est persuadé de réussir enfin à vaincre le calife. Il y serait parvenu en effet, si le futur Führer ne l’eut pas évincé dans la course au pouvoir, l’envoyant se faire empaler avant de construire quelques fours… Iznogoud, finalement, termine l’album sur un constat d’échec : il manque de veulerie et de cruauté pour mériter de renverser le calife. Il n’est pas un génie du mal.
Le lecteur se voit opposer, tout au long de la série, les personnages d’un trio atypique : le dévoué, stupide mais infidèle Dilat Larat, au service du vizir omnipotent Iznogoud, qui cependant envie la gloire du calife Haroun el Poussah, incompétent mais dont le nom seul sera retenu par l’histoire. Personnellement le serviteur d’Iznogoud ne m’a jamais inspiré la moindre sympathie, bien trop lâche, fidèle ni au calife, ni au vizir, ni même à sa propre dignité… Les deux opposés, Iznogoud le comploteur et le débonnaire Haroun, ont cependant leurs bons côtés, et m’attirent déjà plus de bienveillance.
Pourquoi Iznogoud, alors qu’il contrôle dans les faits tout le califat (armée, finances, justice, économie…) envie-t-il la position du calife ? Est-ce pour l’imiter dans sa débauche de luxe ? On serait en droit d’en douter, car malgré ses immenses richesses et possibilités, le ministre vit chichement dans son palais. Alors ? Simplement, l’idée, de n’être qu’à la seconde place lui est insupportable.
Entre un Iznogoud vif-argent et un Haroun légumineux, qui choisir ?
Jean Tabary était né le 5 mars 1930 à Stockholm, il est mort à l’âge de 81 ans. Recommandons surtout les albums originaux, scénarisés par le génial Goscinny.
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