Le Jimmy Gralton de Ken Loach : un véritable « Working class hero » !
Comme souvent, les films de Ken Loach éveillent le goût des luttes et aident à redresser la tête en ces temps de sombre résignation. Il en est ainsi de Jimmy's Hall, son petit dernier, qui narre l'histoire du club dancing de Jimmy Gralton en Irlande, haut lieu de solidarité et de subversion de l'ordre du capitalisme prédateur qui fit trembler les notables installés. Le blog de République et socialisme 77 en publie une recension et conseille à toutes et tous d'aller le voir.
Avertissement : cet article dévoile des éléments de l'intrigue et de la conclusion du film.
Le cinéaste militant a donc décidé de revenir poser sa caméra en Irlande. Huit ans après le magistral Le Vent se lève, où sur fond de révolution et de guerre civile, Ken Loach narrait avec émotion le destin de deux frères pris dans la tourmente de l’Histoire, le nouveau film du britannique nous transporte à nouveau sur l’île rebelle.
L’action se situe au début des années 1930 alors que la crise du capitalisme fait sentir ses effets économiques et sociaux dévastateurs dans toute l’Europe. Jimmy Gralton, héros de la lutte d’indépendance et militant communiste, revient dans son village natal après dix ans d’exil aux États-Unis. Il retrouve sa mère, une modeste paysanne passionnée de lecture et qui a transmis à son fils l’amour des livres, et tous ces petits métayers qui n’ont que leur force de travail pour vivre. Il n’a rien renié de ses idéaux de gauche et a découvert aux États-Unis le jazz qui ouvre des horizons nouveaux à toute une jeunesse éprise de liberté, désireuse de faire voler en éclats les codes du monde ancien. Les habitants du village poussent aussitôt Gralton à rouvrir le dancing qui existait jadis et où les travailleurs de la région venaient danser, s’instruire et discuter loin du regard étouffant de l'Église catholique. Gralton relève le défi et offre une nouvelle vie à ce dancing que les habitants ont bâti de leurs mains. Ce local fait trembler les notables locaux qui y décèlent un foyer d’insoumission et de désordre. Ce lieu, où le peuple apprend à être heureux loin de ses maîtres, est un véritable laboratoire de la société nouvelle. Gralton doit rapidement faire face aux prêtres inquiets pour leur influence et désireux de concilier les contradictions entre les riches et les pauvres autour du message catholique. Les plus coriaces ennemis se dressant face à Gralton sont néanmoins les barons notabilisés de l’IRA soldant les vieux comptes de la guerre civile. La force de Loach est d’éviter tout manichéisme excessif en révélant notamment les hésitations du prêtre face au courage de Gralton. La mise en lumière des contradictions de ces hommes d'Église pris en étau entre leur hiérarchie, soucieuse de maintenir son pouvoir, et les métayers au milieu desquels ils vivent est également une belle réussite.
Une scène retient tout particulièrement l’attention, celle où les paysans viennent réinstaller une famille expulsée par un puissant propriétaire. A leur tête, Gralton prononce un vibrant plaidoyer en faveur de la justice sociale et du partage qu’il oppose aux logiques prédatrices de la grande bourgeoisie. A l’heure où les peuples restent pris à la gorge par la finance et les banquiers, la démonstration d’une intransigeante solidarité de classe met du baume au cœur. Cette remise en cause du sacro-saint droit de propriété est la goutte d’eau qui fait déborder le vase pour les autorités locales. Le dancing est incendié et un avis d’expulsion est émis à l’encontre du leader communiste. Traqué sans relâche, il se cache plusieurs mois avant d’être arrêté et expulsé vers les États-Unis. Il y meurt en 1945 sans jamais avoir revu sa terre d’Irlande.
Alors que notre camp cherche, à tâtons, une issue pour tourner la page mortifère des politiques austéritaires, les combats de Gralton, l’esprit de son dancing, le souffle de la solidarité et du jazz redonnent à l’évidence le goût de la lutte collective pour construire un autre monde.
Merci à Ken Loach d’avoir sorti de l’ombre cette belle figure !
Julien GUERIN (République et Socialisme 77)
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