Le Joker de Suicide Squad, la blague qui pue
A l'occasion de la sortie prochaine d'un film dédié exclusivement au Joker, l'ennemi juré de Batman, je me suis replongé dans les aventures du super vilain issues des comics, des dessins animés, des films, jusqu'à revivre ce terrible épisode qui a laissé pour mort le clown assassin en 2016, et traumatisé son grand public ; le catastrophique Suicide Squad.
Comme n'importe quel fan de l’univers Batman, j'espérais énormément de ce film d'antihéros prometteur. J’étais très impatient de voir des ennemis de la chauve-souris lui voler la vedette, de poser une nouvelle pièce du puzzle de la saga DC Comics sur écran géant, et surtout de découvrir un nouveau Joker. Et comme beaucoup de spectateurs, à l’exception sûrement des producteurs et de leur portefeuille, je n'ai pas tardé à déchanter dans la salle de ciné. L’histoire, les personnages, la réalisation, l’ambiance, la musique, les effets visuels remplissaient les cases vides du cahier des charges d'un film d’action pop-corn insipide et racoleur, flirtant dangereusement avec la dimension série b, et tous ses candidats aux nanars. Alors que je m’attendais simplement à me retrouver dans une histoire dramatique captivante et spectaculaire, que présageait la tonalité plus sombre et « sérieuse » amorcée par Christopher Nolan, et poursuivie par Zack Snyder ; et qui distinguait jusque là les films DC Comics des Marvel (que j’apprécie beaucoup par ailleurs).
Le pire n’était pourtant pas d’avoir droit à un mauvais film avec des vilains de seconde zone, mais d'assister impuissant à un foutage de gueule à destination du Joker, qui compromettait sérieusement ses prochaines apparitions dans les films de l'univers étendu. Le clown meurtrier n’a beau être présent que très peu de temps (un peu moins de 20 min pour 125 min de film), il n’en fallait pas plus pour que les auteurs et artistes travaillant sur le personnage se transforment en une association de « malfaiteurs » ; et dont l’objectif aurait été de démolir pour telle ou telle raison la réputation du Joker dans l’imaginaire populaire. Quand on connaît l’ego surdimensionné du personnage, on imagine aisément sa déception, ou sa fureur plutôt, s’il découvrait de quelle façon la rock star à mi-temps, Jared Leto, endosse son rôle.
Avant de découvrir un Joker qui devrait renaître de ses cendres en octobre, voyons comment des esprits créatifs paumés ont bien failli le tuer, et pourquoi il faut rester sur ses gardes. On va rappeler quelques fondamentaux, et se demander en quoi le Joker de David Ayer et de sa bande est-il autre chose qu’une nouvelle déclinaison du Joker ? Pourquoi le Joker de Suicide Squad est-il mauvais ? Pourquoi souffre-t-il réellement de la comparaison avec la plupart de ses autres et diverses représentations, que ce soit au cinéma, dans les comics, dans les dessins animés ou dans les jeux vidéo ?
A la base, c’est quoi le Joker ?
Lorsqu’on parcourt l’évolution du Joker, de sa création en 1940 à aujourd’hui (source), le personnage se définit essentiellement par son obsession à semer le désordre sur son passage sans autre raison que de s’amuser ; c’est un « agent du chaos », un « chien fou », un anarchiste violent et fantasque, un candidat anti-système par excellence. Toutes les occasions lui sont bonnes pour mettre sérieusement le bazar à Gotham City (The Dark Knight (2008, film), Batman Arkham Asylum (2009, jeu-vidéo)), surtout il s’agit pour ça de s’en prendre aux acolytes de Batman (The Killing Joke (1988, comics) , Le Deuil de la Famille (2014, comics)). Le Joker incarne une forme d’émancipation, de libération radicale et esthétisée aux règles (morales, légales) de cohésion sociale plus ou moins contraignantes qui s’imposent à chacun, et qu’incarne Batman ; le désordre vs l’ordre.
Le clown meurtrier est tout ce que le justicier masqué n’est pas. Lorsque la chauve-souris s’interdit systématiquement de tuer le Joker, pour être raccord avec son code de l’honneur, et au risque de se faire des gros nœuds dans la tête, son double machiavélique demande à son fidèle et irréprochable bras droit un revolver pour l’assassiner aussitôt, sans la moindre raison ni le moindre remord (Batman (1989, film)) ; si la résolution sans failles de Batman à rester moral et raisonnable peut agacer, l’absence de motifs identifiables dans les exactions du Joker dérange fortement. Ils se complètent pour décrire à travers leur éternel combat, le pire et le meilleur d’entre nous. C’est ce rapport d’opposition qui définit le Joker, et qui interpelle le lecteur, spectateur, ou joueur sur son propre rapport à l’ordre social, au sens, à l’absurdité des actions de l’homme.
S’il agit de manière rationnelle dans l’organisation de ses forfaits, ce n’est pas à des fins pratiques. Il ne cherche pas à conquérir ou à détruire froidement le monde pour le diriger, comme c’est souvent le cas avec les supers méchants. Il veut juste perturber de façon aussi violente que créative l’activité de ses contemporains parce que ça l’amuse énormément. Cette singularité en fait un des meilleurs supers vilains, sinon à mon sens et à ma connaissance le meilleur des comics, sinon le plus intéressant ; et ce d’autant plus qu’il n’a aucun pouvoir surnaturel, le rapprochant davantage du genre humain.
L’idée d’anarchie délirante que personnifie le Joker est renforcée par une allure inquiétante et fantaisiste. Son apparence très singulière l’inscrit d’emblée en marge de la société. On le désigne par une expression, qui en plus de renvoyer au rire (« joker » en anglais peut se traduire par « blagueur »), évoque l’image du bouffon des jeux de cartes, d’où il tire son nom et auquel il ressemble, le « joker » ; souvent représenté avec un visage blafard, et souriant à pleines dents. Le portrait de l’ennemi juré de Batman n’a guère évolué depuis la création du personnage ; une peau décolorée, des lèvres rouges écarlates, des cheveux verts, un sourire presque figé, une dentition de carnassier. Sa tenue vestimentaire est elle aussi restée sensiblement la même ; généralement un complet violet avec quelques variantes pour le reste au niveau couleur (chemise, nœud papillon, fleur dans la poche de la veste, …). Son aspect fantaisiste et coloré contraste fortement avec le costume monochrome et sombre de son antagoniste, pour se rapprocher de celui d’un clown en smoking ; comme une parodie de l’homme des villes, une sorte de col blanc bien dérangé.
Tous ces éléments, physiques et vestimentaires, confèrent au Joker une apparence particulièrement codifiée. Concernant ses armes, il semble aimer faire dans la diversité ; armes blanches, armes à feu, armes chimiques, ses poings, ses pieds, des gadgets fantaisistes (comme un pistolet qui tire un gant de boxe). Enfin, il lui arrive de signer ses exploits en laissant une carte à son effigie.
Le Joker et Harley Quinn , « Je t’aime, moi non plus » ?
Au vu de la description du Joker, on l’imagine difficilement s’engager dans une relation sérieuse et stable avec qui que ce soit ; sinon avec le crime. Et pourtant les créateurs de la série animée Batman, The Animated Serie ont eu l’idée saugrenue, mais très intéressante, de donner vie à un nouveau personnage pour accompagner le loup solitaire dans ses délires, la bien nommée Harley Quinn.
Comme dans Suicide Squad, il s’agit du Docteur Harleen Quinzel, psychiatre à l’asile d’Arkham, en charge du cas très délicat du super vilain, et qui tombe follement amoureuse de son patient pour vite le suivre dans le chaos. A la différence du film, Harley Quinn est ici plus un jouet que le Joker affectionne particulièrement et n’hésite pas à maltraiter, que la tendre moitié qui le compléterait. Pour prendre un exemple, on peut citer l’épisode Mad Love dans lequel Harley Quinn prend l’initiative de kidnapper Batman pour ensuite le livrer à l’élu de son cœur, pensant lui faire plaisir. Quelque peu contrarié qu’un autre s’en prenne à sa chauve-souris préférée, le clown s’empresse de balancer par la fenêtre d’un building sa plus grande groupie ; lui permettant de faire un plongeon d’une dizaine d’étages sur le bitume, heureusement amorti par quelques cartons bien répartis. Ce traitement que lui réserve le Joker est en adéquation complète avec sa psychologie de taré égocentrique indépendant et de ses motivations de destruction. Il se fiche royalement des conséquences de ses actes , que ce soit sur les autres ou sur lui ; du moment que ça le fait rire.
Quelle place peut-il y avoir pour une quelconque forme d’amour avec ce genre de profil ? Aucune il me semble. A moins d’intégrer dans l’idée d’Amour la maltraitance, que connaissent bien certaines femmes battues par leur conjoint. En se disant peut-être « qui aime bien, châtie bien » ; acceptant une relation amoureuse qui alternerait des épisodes de tendresse et de détresse. Pourquoi pas alors ? Vu comme ça, le Joker pourrait vraiment avoir des sentiments amoureux pour son ancienne psychiatre. Et ses pulsions meurtrières à l’encontre de sa bien aimée ne seraient finalement que des concessions irrévocables auxquelles souscrirait en connaissance de cause sa promise. Ce qui impliquerait chez elle une tendance suicidaire qui serait cohérente avec son personnage de cinglé amoureuse, et avec la fin de l’épisode du dessin-animé ; Harley Quinn, alitée dans sa cellule, bien amochée par son vol plané, et recouverte de bandages de la tête aux pieds, découvre sur sa table de chevet un vase avec une fleur, et un message « Feel better soon, J ». A la lecture du mot du Joker, la jeune femme blessée sourit tendrement et renonce une nouvelle fois à le quitter. Aussi difficile que ce soit à comprendre, du moins lorsqu’on écarte de la notion d’Amour toute forme de maltraitance (même occasionnelle), l’ancienne psychiatre est bien heureuse de recevoir le message de prompt rétablissement que lui souhaite l’homme qui l’a mise dans cet état quasi végétatif.
Pour résumer cette relation amoureuse très particulière, nous avons donc d’un côté un bad boy qui peut être très violent avec sa copine, et de l’autre nous avons une fille follement amoureuse qui a complètement embrassé la cause de son copain, au risque de s’en prendre plein la figure. On observe donc un rapport de force en faveur du Joker, avec un mâle bien dominant et une femelle bien dominée, mais qui n’empêche pas du tout des moments de complicité, et d’affection.
Le Joker, un poetic lover qui s’ignore ?
Sur la base de cette tentative de compréhension des rapports amoureux originels entre le clown et son arlequin, qu’en est-il des 2 « tourtereaux » dans Suicide Squad ?
Le Joker n’existe dans ce film qu’à travers sa relation amoureuse avec Harley Quinn ; des préliminaires de leur idylle où il la rejette, jusqu’à l’organisation du sauvetage de sa copine où il la rejoint. Il n’est donc pas question ici pour le clown d’avoir des motivations reposant sur son combat hilare contre l’ordre établi. Son objectif n’est rien d’autre que de sauver sa petite amie des griffes de la terrible Amanda Waller. Est-ce suffisant, pertinent d’invoquer la présence de ce grand vilain pour une simple histoire d’amour ?
A mon sens, et en me reposant sur ce qu’est censé incarner le Joker, non. Sa relation avec Harley Quinn est périphérique à ses motivations, qui sont de semer le chaos, et de s’amuser avec Batman. Le problème ici est qu’il semble dépendant de ses sentiments amoureux pour avoir l’énergie d’agir (séquence de la chambre d’hôtel : le joker en pleine déprime) ; au point de vouloir la sauver à tout prix, en venant la récupérer en hélico ou à coups d’explosifs dans la prison de Belle Reve. Je parle de sentiments amoureux parce qu’Harley n’est pas ici qu’un simple « jouet » dont le Joker se servirait pour s’amuser, et qu’il voudrait récupérer. Il fournit à plusieurs moments des preuves de son affection sincère, par des attentions (bisous, mots affectueux), et en protégeant son honneur (séquence de la boite de nuit côté VIP), son intégrité physique (séquence de l’hélicoptère), au risque même de se sacrifier.
Toutes ces actions correspondent bien à l’expression d’un intérêt pour le bien être d’une personne précise et autre que soi-même. Une personne que le clown considère comme sa compagne, dès lors qu’elle décide de le rejoindre dans son monde, à travers un baptême du feu dans la cuve d’acide. Et si le Joker n’hésite pas à l’abandonner dans une voiture immergée, on comprend au vu de sa détermination à vouloir la retrouver par la suite, que c’est uniquement pour échapper à Batman ; laissant temporairement sa belle au bon soin du justicier masqué.
Il ne s’agit même pas dans ce film d’un amour vache trash, comme observé précédemment dans le dessin-animé avec un Joker qui serait parfois très désagréable avec sa copine. La seule fois où il la martyrise (en l’électrocutant à la tête), c’est avant qu’elle ne devienne Harley Quinn. Jusque là, elle était juste pour lui un moyen de s’évader d’Arkham. Une fois transformée, on ne nous donne aucune image représentant une femme torturée à intervalles réguliers par son conjoint ; et ce n’est pas la tendre affection remarquée du Joker pour son arlequin qui pourrait soutenir cette éventualité.
Ils ne forment finalement dans Suicide Squad qu’un couple épris d’une liberté ultime qui s’incarne par un amour qui ravage tout sur son passage, et qu’on a dérangé. Sauf que cette représentation de la relation Joker/Harley Quinn s’avère maladroite et simpliste ; parce qu’elle n’est pas compatible avec la personnalité du Joker, qui se retrouve alors dépossédé de son aura diabolique et de ses intentions systématiquement malveillantes. Et ce malgré toutes volontés d’originalité ; à moins d’entendre par originalité, ne plus respecter le matériau de base pour faire tout et n’importe quoi. Ce qui semble être clairement le mot d’ordre sur ce film. En effet, en plus de justifier la présence du Joker pour de mauvaises raisons avec cette romance, le super vilain y subit une expérience artistique des plus étranges à travers une mise à jour de son personnage complètement buggée.
Pourquoi faire bien quand on peut faire mal ?
La nouvelle déclinaison du Joker est tellement ratée qu’il est très difficile de dégager aisément les responsabilités de chacun. Ils s’y sont mis à plusieurs (David Ayer, Jared Leto, les scénaristes, les maquilleurs (malgré un oscar), les costumiers, les character designers, les producteurs, …) pour massacrer le personnage ; allant jusqu’à rendre sérieuse l’inscription du clown à la galerie des supers vilains guignolesques gribouillés par Joel Schumacher en son temps (Batman Forever (1995, film), Batman et Robin (1997, film)).
Commençons par le character design. Le Joker de Jared Leto est physiquement très différent de ses prédécesseurs tous formats confondus, et du dress-code classique. On oublie la classe excentrique du complet violet pour un défilé de mode bling-bling composé de toutes une palette d’artifices aussi utiles que criards : vestes croco couleur bordeaux, dorée, chemises entre-ouvertes, nœud papillon défait, bagues en or, chaînes en or, bracelets en or, diamants aux oreilles, torse nu musclé, tatouages, dents argentés, et autres accessoires tape-à-l’œil. On a eu le droit en moins de 20 minutes au tour complet de toute la garde robe du Joker, et à en voir bien plus qu’en 77 ans d’existence. Est-ce intéressant ? Si l’idée était de transformer le clown en doublure superficielle de Marilyn Manson version Hip Hop américain, histoire d’en faire une figure contemporaine du crime qui soit grotesque, oui. Sinon, non.
A vouloir faire original, ils ont réussi à faire n’importe quoi. A quoi bon travestir le Joker en fashion victime, l’associer à l’univers Gangta Rap, le maquiller en un vampire anémique à la crinière vert fluo bien rangée, lui peindre des lèvres rouges écarlates de racoleuse, sinon pour produire une purée bien indigeste ; pour ne pas dire du caca. Difficile à partir de cette drôle de silhouette d’y voir vraiment clair dans l’interprétation de Jared Leto. Mais essayons de rendre à César ce qui appartient à César.
Lorsque le comédien sourit, il semble plus débile qu’effrayant. Le son de son rire évoque plus un asthmatique en train de reprendre sa respiration qu’un psychopathe en pleine euphorie. Le regard hagard, et l’absence de sourcils ne contribuent pas vraiment à dessiner les traits d’une expression qui échappe à celle du demeuré. Pour ce qui est de la gestuelle, difficile de savoir comment interpréter ses fréquents hochements de tête, ses oscillations d’épaules, ses mouvements de bras et de mains qui brassent de l’air. Essaye-t-il de signifier une quelconque agitation, tension, instabilité émotionnelle intérieure ? Ou se raccroche-t-il à son corps pour compenser ce que son visage ne parvient pas à dire du personnage ? Quant à sa voix, ou ce qu’il dit, difficile aussi de s’y retrouver à travers tout cet ensemble bigarré. On retiendra :
« Je veux une mitraillette »,
« Fais sortir la voiture, on va faire une petite virée »,
« Si t’étais pas aussi cinglée je te prendrais pour une aliénée »,
« Est-ce que tu serais prête à mourir pour moi ?…non, est-ce que tu serais prête à vivre pour moi ? »,
« T’es bonne »,
« J’ai mis du jus de raison au frais, et une peau d’ours bien au chaud »,
« On rentre à la maison ».
Jean-Claude Van Damme, et Steven Seagal ont sans doute participé à l’écriture de ses répliques aussi percutantes que philosophiques, et qui nous apprennent que le Joker à des idées très intéressantes et très profondes à partager, pour peu qu’on accepte de basculer en mode mort cérébrale à chaque fois qu’il ouvre sa bouche. Le « Why so serious ? » de Heath Ledger, et le « N’avez-vous jamais dansé avec le diable au clair de lune ? » de Jack Nicholson paraissent alors tellement loin ; trop loin.
Ce qu’on ne peut pas retirer au film, c’est sa capacité à enfoncer encore et toujours plus fort le clown dans le ridicule. On s’arrêtera sur 2 éléments qui renseignent rapidement sur l’incompétence manifeste de l’équipe qui a travaillé sur ce blockbuster, à mettre convenablement en valeur ce nouveau Joker, résolument trop cosmétique ; sa voiture, et sa tenue à la toute fin du film.
Le bolide du super vilain est une voiture de sport violette qui a l’autre particularité de projeter une lumière bleue au sol à partir du châssis. Si les fans de Tuning, et des émissions de mécanique seront ravis, on ne comprend pas l’intérêt qu’aurait un criminel à se balader dans une automobile aussi facilement repérable ; sauf si l’envie de faire son kéké est plus forte que le besoin de se cacher de la police. Même si le Joker est un fervent admirateur des gadgets de Batman, il est censé être fou, pas débile.
Enfin, sa dernière apparition dans le film en tenue de commando réussit à appuyer encore plus fort là où ça fait déjà bien mal. Il y a 2 détails qui cassent l’intensité dramatique du retour d’entre les morts du super vilain. La mention « JOKER » sur son costume, et la découverte de son visage. Si on imagine fortement qu’il n’y a que lui pour s’amuser à venir en prison aussi discrètement (en explosant les murs) afin de libérer sa copine, on aurait quand même pu nous laisser un peu de suspens sur l’identité de la personne masquée qui se dirige vers Harley. Non, il fallait que l’équipe du film insiste à tout prix sur l’ego surdimensionné du personnage ; au risque de supprimer tout effet de surprise. La révélation sur l’identité du sauveur devient alors inutile, et tous les procédés pour potentiellement surprendre le spectateur deviennent ridicules. Le Joker a beau s’efforcer d’arracher lentement son masque de protection, et la caméra a beau s’avancer vers son visage démasqué, on sait déjà ce qu’on va voir. Ce mouvement de caméra ne fait qu’amplifier l’absurdité de l’intention dramatique, en s’approchant de la tête maquillée d’un type qui porte une panoplie du SWAT. Le problème ici, c’est qu’on ne voit pas un Joker déguisé habilement (cf le Joker version Heath Lodger en policier) en soldat d’une quelconque force spéciale, mais un type du GIGN ou des CRS qui se prend pour Marilyn Manson ; la tenue (casque compris) prenant tellement de place par rapport à la figure du personnage, il est difficile de voir autre chose qu’un guignol, un imposteur. Tout ce faux suspens pour découvrir un tel décalage, à un moment aussi important du film (sa fin), et pour la résolution d’une des quêtes du film (les retrouvailles du clown et d’Harley), rend la dernière apparition du Joker particulièrement grotesque.
Rien à sauver
J’ai beau chercher, je n’arrive pas à trouver de bons points à ce Joker. Que ce soit dans sa relation avec Harley Quinn, la raison de sa présence dans le film, les différentes situations dans lesquelles il est impliqué, ou dans sa représentation générale (interprétation, character design, répliques, références), ce Joker là s’écarte trop de ses propriétés essentielles, de ses caractéristiques, de ses motivations pour être une nouvelle déclinaison de l’ennemi juré de Batman. Il est autre chose, et c’est là tout le problème. Je ne sais pas vraiment quoi, sinon un méchant qui n’a finalement d’effrayant, et d’intéressant que son look grotesque. C’est à dire tellement peu, pour ne pas souffrir de la comparaison avec ses prédécesseurs ; il est intégralement inauthentique.
Il ne suffit pas de mettre un acteur à la mode avec des cheveux verts qui rigole bêtement à coups de mitraillette, et de glisser rapidement quelques références au matériau de base (cf naissance des sentiments amoureux d’Harley : séquence thérapie du Joker, origine du Joker : séquence cuve d’acide, dessins d’Alex Ross : séquence danse du Joker et d’Harley) pour proposer un contenu fidèle, consistant, pertinent, cool ou original, susceptible de satisfaire les fans de Batman. Pour moi, ce Joker est mauvais à tous les niveaux ; à l’image du film d’ailleurs, qui constitue un portage sur Grand Écran aussi nécessaire et indispensable à la réputation des personnages de Bob Kane et au cinéma en général, que le Catwoman (2004) de Pitof.
Il aurait juste suffi pour bien faire, et proposer un bon clown assassin, de faire un simple copier-coller du dessin-animé Assaut sur Arkham (2014). Avec ou sans David Ayer à la réalisation, avec ou sans Jared Leto dans le rôle du Joker, mais surtout sans cette compilation musicale écœurante qui va partout et nulle part histoire de ratisser large, et sans recourir à ce filtre vidéo fluo nauséeux pour illustrer la folie de certains personnages (ex : 1er flashback d’ Harley Quinn ).
Je suis très curieux de voir comment le Joker de Todd Phillips et de Joaquin Phoenix va réussir l'exploit de redorer l'image d'un super vilain salement amoché. Au vu des trailers, des premiers retours de la presse, et de la récolte de prestigieuses récompenses à des festivals (Lion d'or à la Mostra de Venise), c'est apparemment miracle accompli. Mais restons prudents.
Warner Bros avec Suicide Squad, a trop trahi les attentes des spectateurs et l'esprit du Joker pour écarter le danger d'une autre mauvaise surprise. C'est rarement aussi bon que ça en a l'air. Vivement le 9 octobre, pour peut-être enfin retrouver le Joker, au moins au sommet de son art, et savoir si son rire a de nouveau quelque chose à nous dire.
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