Le LINCOLN de Spielberg

Je viens de voir le dernier Spielberg et je ne suis pas déçu. Je ne suis pas déçu car que je ne me fais aucune illusion quand je vais voir un films de Spielberg. Il n’est pas Kubrick, ni Altman, ni même Woody Allen.
Comme l’écrit plaisamment Wikipédia, « il est surnommé le « roi du divertissement », est souvent cité comme le meilleur représentant de l'industrie cinématographique hollywoodienne dont il a promu, sur le plan mondial, l'efficacité technique, la science du grand spectacle et le pouvoir illusionniste. Son œuvre présente néanmoins çà et là une note plus personnelle ».
De temps en temps, il délaisse un peu le divertissement : La liste de Schindler (1993 : la même année que Jurassik Park) ; Il faut sauver le soldat Ryan (1998) et Munich (2006). Il fait alors dans la fresque historique, mais il le fait de façon divertissante. Je veux dire il ne force pas le spectateur à une réflexion trop pénible. Je veux dire que l’émotion l’emporte toujours.
C’est à cette série de films que doit être rattaché son Lincoln. Les actions de ces trois films se déroulaient en Europe, deux avaient pour cadre la Deuxième Guerre mondiale ; le troisième, une conséquence de cette guerre. Cette fois, l’action se situe en Amérique, pendant une autre guerre, une guerre fondatrice, qu’on appelle Guerre de Sécession en français, mais qu’aux Etats-Unis on nomme Civil War.
Abraham Lincoln aura été le « prétexte » de trois films américains en un an. Celui de Spielberg sera sorti après Abraham Lincoln : chasseur de vampires (sorti en août) et avant The Green Blade Rises. Mais son film devrait plutôt être comparé avec celui de Griffith (sorti en 1930) dont Wikipédia écrit :
« C'est le premier des deux seuls films parlants réalisés par Griffith ; le film n'a pas connu le succès à sa sortie mais est à présent considéré comme le meilleur sur Lincoln à ce jour. Le récit contient pourtant de nombreuses inexactitudes historiques, dont la romance avec Ann Rutledge, réfutée par certains historiens. »
Peut-être un contributeur de Wikipédia pourra-t-il reprendre ces propos pour étoffer la fiche du film de Spielberg ? A l’heure qu’il est, cette fiche n’est qu’une fiche technique et commerciale, une liste de participants et une liste de récompenses introduites par ce résumé :
« Il s'agit de l'adaptation du livre Team of Rivals : The Political Genius of Abraham Lincoln n de Doris Kearns Goodwin. »
Je n’ai pas vu le Lincoln de Griffith, pas plus que sa Naissance d'une nation [1](sorti en 1915). Je n’ai pas lu non plus le livre de Doris Kearns Goodwin qui est connue pour ses biographies de chefs d’Etat (Johnson, Kennedy, Roosevelt). Mais j’ai lu ces quelques lignes de Daniel Boorstin :
« C’est avec Abraham Lincoln que le pouvoir du verbe trouva son illustration la plus parfaite et la plus durable. Ce n’est pas un mince paradoxe que toute la réputation de ce géant de la littérature américaine ne repose en fait que sur ses discours. Il sut réunir les courants divergents mais complémentaires de la littérature déclamatoire. Il purifie le discours public en le débarrassant de ce qu’il avait de pompeux, d’artificiel et affecté et en même temps il purifia l’anecdote et la plaisanterie familière de sa vulgarité et de sa grossièreté. »
Spielberg a donné à Daniel Day-Lewis l’occasion de se livrer à quelques envolées oratoires, parfois en formes de paraboles. Je garde en souvenir celle du portrait de George Washington dans un cabinet d’aisance anglais.
Mais j’ai surtout été impressionné (comme toujours) par le jeu de Tommy Lee Jones campant Thaddeus Stevens (1792-1868), un radical du Parti Républicain prônant l’égalité raciale. Et on verra qu’il ne se contente pas de le faire dans la chambre des représentants, mais aussi dans la sienne.
[1] Ce film a été qualifié de raciste et Wikipédia écrit que Griffith a pris « le parti de faire jouer le rôle des Noirs par des acteurs blancs grimés (mais faire jouer des rôles de non occidentaux à des Occidentaux était une pratique courante qui n'a pris fin que des dizaines d'années plus tard). La dernière partie du film est aussi une apologie du Ku Klux Klan qui est dépeint comme un groupe de preux chevaliers venus défendre les Blancs de féroces Noirs venus du nord. »
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