Le Musée Guimet est un bateau ivre...
Après les millions d'euros engagés, à juste titre, pour faire du musée un Guimet le numéro un mondial pour l'exposition et la conservation des arts orientaux, après quelques triomphes auprès du public, depuis trois ans l'établissement public sombre doucement, perdant la moitié de ses visiteurs. La faute à une politique sans vision ni ambition, s'éloignant de la mission de Guimet : montrer des trésors, l'histoire des mythes, des religions parfois croisées. Bref la mondialisation de la beauté et de l'humanisme. Avec les épisodes qui ont précédé la nomination du nouveau patron, Olivier de Bernon, il n'est pas certain que les choses s'arrangent. Justement, l'arrangement (petit et entre amis), n'a pas été absent, comme trop souvent avec Frédéric Mitterrand, des couloirs du ministère de la Culture
Depuis le 1er septembre ce bateau ivre qu’est le musée Guimet a un nouveau barreur. Il succède à l’invisible Jacques Giès, devenu célèbre pour être un homme aussi mou qu’une montre de Dali. Ce commandant de bord, tout neuf, porte le fier nom d’Olivier de Bernon. Ce qui pose bien en cette période où la particule est élémentaire. Mais ce qui est intéressant, chers lecteurs et pourquoi pas électeurs et contribuables, c’est de savoir comment ce Bernon est arrivé jusqu’à la dunette d’où il va diriger l’Arche de Noé de la place d’Iéna…
L’affaire commence lors d’un voyage de Frédéric Mitterrand à Bangkok, pays où l’eau inonde, où les jeunes boxeurs ont tous plus de quarante ans. Ici Frédo tombe sur l’excellent Olivier de Bernon, fleuron de l’Ecole Française d’Extrême Orient et présentement prof d’archéologie à l’université Silapakorn, dans la capitale thaï. L’Olivier fait si bien visiter Bangkok au neveu de Tonton -du sol au plafond tel une tornade blanche- que le futur ministre de la Culture (et ami de Ben Ali), sort de là tout esbaudi, conquis par Bangkok et ces secrets de la ville révélés par le prof. Ah, qu’à l’Ecole Française d’Extrême Orient on en apprend de bien jolies choses.
Autre visite de Frédo, cette fois à Phnom Penh. C’est encore notre cicérone surdoué, Bernon, qui guide Mitterrand. Cette fois dans les arcanes de la monarchie. Imaginez Frédéric heureux. Lui qui jubile à la simple vue du prince Albert voilà qu’on l’introduit auprès du souverain khmer Sihamoni ! Délicieux ce Bernon, un homme protée.
Inutile de préciser qu’au moment de nommer un successeur à l’irremplaçable Giès à la tête de Guimet, le Bernon est tout indiqué. Sûr de lui, pendant que d’autres candidats remplissent des brouettes de leurs bons états de service, notre aristo reste habité par sa force tranquille. Le ministre fait savoir aux administrateurs de Guimet, et à sa communauté de savants, que le futur patron sera Bernon. Même si la salle de conseil est non fumeur, ça tousse à l’évocation du rôle que l’on veut donner au guide de Frédo. De courageux émissaires sont envoyés jusqu’au président de la République. Qui réplique, je ne vous livre pas la lettre mais le fond, Mitterrand est un ami de Carla, je ne peux sans cesse le contrarier…
Et voilà comment l’admirable musée Guimet a été livré au protégé de l’ami d’une chanteuse. Certes, Olivier n’est pas rien que guide, il est aussi diplômé et parle des langues que personne n’entend. Mais sa victoire dans la bataille d’Iéna a épaté trop d’experts. Depuis que Jean-François Jarrige, en 2008, a quitté la présidence de ce musée des arts asiatiques, cet établissement merveilleux et exemplaire (remis à neuf par Chirac) n’a cessé de perdre les visiteurs comme la Grèce ses points Moody’s. De façon si inquiétante que le doigt du péril sonne à la porte. Pas grave. On peut vendre les collections et, en leur place, mettre une salle de boxe.
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