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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Le mystère Dahlia noir

Le mystère Dahlia noir

Le « Dahlia noir », film tant attendu de Brian de Palma, sort sur les écrans mercredi sous une injuste volée de bois vert de la part d’une critique qu’on a connue plus indulgente quand il s’agit de flatter le cinéma hexagonal...

N’ayant pas grand-chose à en dire pour la plupart des critiques sinon le fait qu’ils se sont ennuyés, les médias se penchent tous davantage sur la mythique affaire originelle du Dalhia noir que sur le film lui-même adapté du roman de James Ellroy.

On sait que James Ellroy s’est inspiré pour son polar culte Le Dahlia noir à la fois de l’assassinat de sa mère en 1958, qui fut retrouvée violée et étranglée à LA quand il avait dix ans, et du meurtre odieux d’Elisabeth Short, vingt-deux ans, apprentie starlette à Hollywood, dix ans auparavant en janvier 1947, surnommée le Dahlia noir à cause de ses cheveux noir de jais.

Deux livres ont paru presque cinquante ans après ce crime, jamais officiellement élucidé, qui proposent chacun un coupable : L’affaire du dalhia noir, de Steve Hodel et Le dossier dahlia noir, de Dan Wolfe.

Le cas de Steve Hodel est singulier : policier à la retraite de la section homicides au LAPD, ce dernier accuse son père... Le documentaire diffusé sur 13e rue lundi soir reprend la thèse de son livre. Le Dr Hodel a quitté LA en 1950 après avoir été accusé d’inceste sur sa propre fille, jugé puis acquitté. D’après Steve Hodel, ce n’est pourtant pas pour cette raison que son père a fui l’Amérique, en exil les quarante années suivantes en Inde. Quand le Dr Hodel, de retour en Californie, y meurt de sa belle mort à quatre-vingt-douze ans, son fils tombe sur une photo du Dahlia noir dans un petit album photo lui appartenant. Il se trouve qu’au moment de l’enquête, occultée parce que dérangeante pour beaucoup trop de monde au sein du LAPD corrompu, on était tout de même convenu que le meurtre d’Elisabeth Short, retrouvée sur un terrain vague, le corps coupé en deux à la taille et éviscéré, était l’œuvre d’un chirurgien. Il se trouve aussi que le Dr Hodel, lui-même brillant chirurgien à la tête d’un réseau clandestin d’avortements, possédait par là des informations compromettantes sur les mœurs dissolues du Hollywood des studios des années 1940. Dans ces conditions, pourquoi avoir exposé le corps dont la police saura rapidement qu’il ne pouvait avoir été mutilé que dans un endroit clos (une maison, une cave, par exemple) ? Pourquoi l’avoir exposé tout près d’une rue avec les bras en arrière de la tête et le tronc sectionné séparé du reste du corps ? Steve Hodel avance l’hypothèse que son père organisait dans leur maison de Hollywood des orgies avec une bande d’amis fervents admirateurs de Sade, dont le peintre Man Ray : la disposition du cadavre avec le tronc coupé en évidence et la bouche fendue d’une oreille à l’autre seraient la représentation de deux des célèbres tableaux de Man Ray à qui le Dr Hodel vouait une admiration sans bornes.

La théorie de Dan Wolfe est un peu différente avec des points communs : un chirurgien avorteur aurait bien mutilé le corps d’Elisabeth Short mais c’était à la demande de la mafia avec le caïd Bugsy Siegel œuvrant pour le compte d’un notable de la ville, magnat de la presse, dont elle refusait d’avorter. S’agissant de la blessure d’une oreille à l’autre, cela ferait référence à ce qu’on infligeait aux traîtres dans la mafia sicilienne. Bugsy Siegel, brute sanguinaire aux deux visages qui jouait les latin lovers avec les stars d’Hollywood (son ami d’enfance était l’acteur George Raft), fut d’ailleurs assassiné peu de temps après. Dan Wolfe, précédemment auteur du livre Marilyn Monroe, enquête sur un assassinat, raconte que c’est en faisant ses recherches sur la mort de Marilyn qu’il a eu accès par hasard aux premiers éléments de celle du Dalhia noir. A noter que les deux mythes (le Dahlia noir étant une sorte de Marilyn brune qui n’aurait pas eu le temps de le devenir) se connaissaient un peu... Elisabeth Short avait croisé Norma Jean Dougherty à ses débuts quand les deux trop jolies femmes se montraient et se vendaient dans les bars pour starlettes de Hollywood. A cette époque des années 1940/1950, LA était une terre de corruption avec sa police infiltrée par la mafia qui fournissait des jolies filles aux magnats des studios. Dans les deux cas, les auteurs ont passé leur enfance à Hollywood : Steve Hodel dans la luxueuse villa de son père et Dan Wolfe dans celle plus modeste de son beau-père travaillant dans le cinéma.

A vrai dire, ces livres sont nettement plus captivants que le film de Brian de Palma. En prise avec la dualité du livre de James Ellroy et son inclination pour le thème du double comme dans tous ses films, B. de Palma met en scène pas moins de trois femmes... Le film, à la fois contemplatif et compliqué, pèche par son surcroît narratif tout en faisant impasse sur l’obsession de l’enquêteur et de l’Amérique pour ce meurtre, moteur de l’histoire, ce qui est un comble pour le réalisateur d’Obsession... Néanmoins, ce n’est nullement un mauvais film comme se sont plu à l’affirmer à peu près tous les critiques de la presse écrite sans plus d’arguments que l’idée qu’on en attendait davantage... La photo superbe dans le style de LA confidential (autre roman d’Ellroy) typiquement film noir et femmes fatales vaut à elle seule le déplacement (on peut lire aussi ma critique du film sur mon blog Cinémaniac ).


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20 réactions à cet article    


  • Demian West (---.---.161.29) 8 novembre 2006 09:53

    Excellent article comme c’est votre coutume.

    Quand, un article d’une femme sur l’ArenaVox est, en préalable, un évément en soi.

    Demian West


    • Demian West (---.---.161.29) 8 novembre 2006 09:54

      « événement » j’ai presque écrit eve’ment. Mince alors je vais être interdit.

      DW


    • Dragoncat Dragoncat 12 novembre 2006 20:46

      @ Demian

      Hello Demian. Tu n’as plus droit à une photo ou c’est un choix de ta part ?

      Cordialement.


    • Demian West (---.---.218.82) 12 novembre 2006 21:00

      DrachenKatz,

      Je suis exclu de la rédaction, par une décision personnelle, et pourtant j’ai accès de temps en temps au club des rédacteurs.

      Carlo Revelli déclare que si les rédacteurs demandent ma réintégration, il s’y pliera : ce qu’il ne fait pas, puisque des rédacteurs considèrent qu’il a commis une erreur.

      Je suis un auteur libre qui parle du fond de ses tripes et du cerveau qu’il a dans ses gonades aussi.

      Qu’en pensez-vous ?

      Demian West


    • Depi Depi 8 novembre 2006 10:11

      Il n’y a pas de mauvais films. Tout est subjectif, on trouve toujours un public !


      • Forest Ent Forest Ent 8 novembre 2006 11:53

        Ce n’était pas un mauvais roman policier, mais pas un chef d’oeuvre non plus (à moins qu’il n’ait souffert de la traduction car je l’ai lu en français).


        • Stravos (---.---.132.162) 8 novembre 2006 11:59

          Sans doute n’est-ce pas un mauvais film, mais le fan de James Ellroy que je suis risque d’être déçu... Ellroy, c’est d’abord un style - ce qui est rare dans le polar. Or, un style est impossible à transposer. Mais ne jetons pas prématurément la pierre au réalisateur, car aucun roman n’est complétement adaptable... Saluons plûtot une tentative héroïque... et désespérée !


          • Jojo2 (---.---.223.5) 8 novembre 2006 22:03

            J’avais pourtant trouvé la transposition de LA confidential plutôt bonne.


          • Stravos (---.---.132.162) 9 novembre 2006 08:47

            Peut-être suis-je un intégriste de la littérature ?... Mais deux heures de film ne pourront jamais transposer des centaines de pages. Forcément, il y aura des pertes, des simplifications... Seul les mauvais romans peuvent être améliorés par un film. A mon sens, pour aimer une bonne transposition, il faut oublier l’original le temps de la projection... Exercice parfois difficile !


          • (---.---.28.181) 8 novembre 2006 13:58

            @l’auteur,

            j’aime tellement Brian de Palma que je n’ai pas lu votre article pour voir ce film à l’état pur.

            Merci de nous parler de Brian de Palma

            Demian, arrête. smiley


            • Savapa (---.---.110.14) 8 novembre 2006 15:41

              Il paraît que James E lui-même défend ce film bec et ongles...

              Bizarre que De Palma fasse abstraction de l’intérêt obsessionnel qu’ont porté les américains et les flics sur ce crime. Cet aspect était particulièrement mis en exergue dans le roman d’Ellroy. D’ailleurs, l’oeuvre d’Ellroy était tellement riche que De Palma a nécessairement fait d’autres coupes franches par rapport au bouquin qui pourraient s’avérer un peu gênante pour les fans... Cela dit, j’irai quand même juger sur pièce...


              • Jack The Ripper (---.---.218.193) 8 novembre 2006 16:16

                « James Ellroy défend lui-même ce film », en effet, dans le cas présent, il défend en même temps ses propres intérêts ! Business is business.


              • Savapa (---.---.110.14) 8 novembre 2006 16:50

                Pas si sûr... Souvent, on paie très cher aux auteurs le droit d’adapter leur oeuvre pour le cinéma.Ensuite, ces derniers n’ont plus le droit que de garder le silence. C’est pourquoi bcp d’écrivains déclinent toute responsabilité quand à l’adaptation cinématographique. Par ailleurs, J.E est depuis longtemps et pour plusieurs générations à l’abri de besoin...

                Conclusion : son point de vue est peut-être objectif...


              • Stravos (---.---.132.162) 8 novembre 2006 17:18

                De toute manière, J.Ellroy, ancien marginal devenu auteur culte, n’a pas besoin d’un film pour assurer sa renommée.


              • Vierasouto (---.---.235.183) 15 novembre 2006 01:40

                Au festival de Deauville, James Ellroy a dit en plaisantant qu’avec les droits de « LA confidential », il avait payé son premier divorce et qu’avec ceux du « Dahlia noir », ce serait pour son second divorce...


              • Jack The Ripper (---.---.218.193) 8 novembre 2006 16:14

                Votre article est intéressant car il rappelle implicitement que le roman de James Ellroy est comme son nom l’indique un roman, et non une véritable enquête sur ce meurtre étonnant. Le livre de Hodel est effectivement intéressant... on ne sera cependant jamais qui est le criminel. En ce qui concerne le film vous allez vite en besogne car les critiques parues aujourd’hui, jour de sortie du film, ne sont pas si mauvaises que cela, bien au contraire. De plus ce n’est pas parce que cette affaire (ce mystère) intrigue l’Amérique depuis 60 ans et que le réalisateur est De Palma qu’il s’agit forcément d’un bon film. A voir, donc, sans se laisser influencer par les critiques, bonnes ou mauvaises, tout en se rappelant qu’il s’agit d’une oeuvre de fiction.


                • Stravos (---.---.132.162) 8 novembre 2006 18:02

                  Un roman ? Certes. Mais quel roman ! C’est l’une des sept merveilles du polar. Ellroy a fait mieux que tous ses prédécésseurs en romans noirs... Il les a presque complétement démodés. Depuis que je le lis, je n’arrive plus à lire les Chandler et les autres grands ancêtres...Ils me tombent des mains ! heureusement qu’il y a encore l’increvable Simenon, mais ce n’est pas du roman noir qu’il fait, lui... Quoiqu’il soit lui aussi un maître dans sa catégorie, et on a tord de le réduire à la figure du commissaire Maigret : les romans sans le célébre fumeur de pipe sont en fait les meilleures (il les appellait ses « roman roman »). Pour en revenir à Ellroy, ce qui fait la différence, c’est le style d’écriture, et sa capacité à créer des personnages fascinants, tel Lloyd Hopkins, le « flic sans loi ». Ce dernier rejoint les grands archétypes humains : Ellroy a crée le flic mythique, celui qu’aucun flic ne peut ni ne pourra de sa vie incarner, mais dont il révera toute sa vie d’être l’incarnation. Lloyd Hopkin, c’est le rêve secret qui se cache au fond de chaque flic, et même au fond de ceux qui font profession de détester les flics... ( et dont je suis, m’autoqualifiant du titre de « respectable ennemi »... mais juste pour rire un peu, car il faut désacraliser les uniformes).


                • Stravos (---.---.132.162) 8 novembre 2006 18:06

                  Un regret néanmoins : l’auteur de cet article aurait du attendre la sortie du film, ce qui aurait permis aux internautes qui l’auraient visionné d’échanger « pièces en mains », et non de spéculer sur des hypotèses...


                  • Prêtresse Prêtresse 11 novembre 2006 18:56

                    L’élément mystique (...)

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