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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Le nouveau Robert Rodriguez : « Planet error » ?

Le nouveau Robert Rodriguez : « Planet error » ?

Found footage*, foutage de gueule, terrain de jeu, film train fantôme (mixant Showgirls, Carpenter, La Nuit des morts-vivants de Romero, Supervixens de Russ Meyer (1975) - Cherry (alias Rose McGowan ) rappelant Shari Eubank -, Matrix lorsque la gogo danseuse unijambiste échappe aux balles, le poor lonesome cowboy en la personne de Wray, roi ninja du colt, Michael Biehn revenu de Sarah Connor et d’entre les morts de Terminator, un Bruce Willis qui a tué Ben Laden (!), Tom Savini, alias Sex Machine, dans Une Nuit en enfer (1996), Frankenstein venant croiser Mel Brooks ou encore le bis italien (zombies et militaires de L’Avion de l’apocalypse ), etc. ), jeu de coudes, clins d’oeil incessants entre Rodriguez et le spectateur : oui ce film - Planet terror - a tout pour séduire, il est vintage à souhait (scratchs, jump cuts, jeux de son, brûlures de pellicule, bobine absente rappelant l’image qui "s’enrayait" dans Gremlins 2 de Joe Dante, coloris marronasses superbes style années 70 et 80, avec des tirages commençant à virer avec le temps, variations d’étalonnage...).

Se passant dans un Texas en pleine déliquescence, c’est un film jouissif à bien des égards, bien plus private joke que le pipi-caca "politiquement correct" de Hot Fuzz. Pour autant, malgré une sauce mexicaine très bien montée par Rodriguez, on reste quelque peu sur notre faim au niveau conceptuel (contrairement au très godardien Boulevard de la mort de Tarantino, bien plus retors, bien plus (auto !)réflexif sur les codes de la narration cinématographique). Planète terreur a ainsi, hélas, les défauts de ses qualités, c’est un shaker XXL pétaradant, grand-guignolesque, abracadabrantesque, cadavres exquis et tout ce que vous voulez au rayon bricolage de l’Hôtel de la Trouille, mais qui, à force de jouer le fourre-tout et la voiture-balai filant tous azimuts, finit par faire quelque peu du surplace, la farce retombe un peu en cours de route, tel un pétard mouillé ou un soufflé limite à bout de souffle sur la fin. OK, la première heure est sensas, la bande-annonce de Machette, métonymie du film qui pourrait presque suffire face à 1h45 de Planet terror, est à mourir de rire - ma voisine de salle était écroulée ! -, le plantage du décor, en trois lieux, parfait (une base militaire secrète, lieu d’expérimentations cauchemardesques, un hôpital fantasque où la gangrène attaque les patients et où le service médical, pour régler les problèmes de couple, s’affronte à coups de seringues hypodermiques (!) et un restaurant fièrement tenu par l’ex (ou futur) champion texan de la sauce barbecue number one).

L’échappée "zombée" du restaurant est vraiment encore un grand moment de cinéma, samplant Romero et Carpenter, puis, après, de nouveau dans la base militaire, avec l’arrivée (tel un parasite qui phagocyte quelque peu le Rodriguez) de Tarantino himself, jouant - pas si bien ! - un cinéphile pervers, on rit alors gentiment, les gags s’accumulent, les punchlines se veulent déjà cultes avant même d’avoir macéré puis été digérées, certes on sourit comme aux blagues geek d’un vieux copain nerd - sourires de connivence, sous-entendus sous turbo hautement sexuels... - mais on n’évite pas ici les temps morts et les creux. Ouais, on dirait que Rodriguez ne tient pas tellement (contraintes des frères producteurs Weinstein ?) à ce que sa machine cinématographique s’emballe de trop alors, plus le film avance, moins il accélère dans les descentes du mauvais goût et du malsain, préférant ainsi s’arrêter de pédaler à toute berzingue et renouer - en passant quelque peu à côté d’un ovni cinématographique définitivement décalé - avec l’humour potache qui est, somme toute, sa marque de fabrique habituelle style le gentillet apocalyptico-délirant Une Nuit en enfer.

Oui, le Grindhouse de Tarantino vole plus haut, cherchant à atteindre un point limite (zéro), ne craignant pas la cale sèche, superbe Rubik’s cube théorique qui s’assume comme tel. Pendant que son grand frère Quentin roule en Dodge Challenger 1970, Robert Rodriguez, tel un petit frère encore sous haute inspiration, préfère s’amuser et lui emprunter une mini-moto pétaradante à souhait mais quelque peu poussive, avec un cale-pied craignant trop le casse-pieds, ce que Tarantino, lui, ne semble pas craindre - l’ennui au cinéma -, il est plus pirate. Pour tenir la comparaison, il est fort possible que Rodriguez aurait davantage dû mont(r)er la sauce du trash, du macabre et du morbide, faire un cinéma total de mauvais goût se marrant davantage. Un film plus sale, plus protubérant et tuberculeux eût été souhaitable, me semble-t-il. Bien que Boulevard de la mort ne soit pas exempt de défauts (on pourrait parler d’une certaine vacuité d’un cinéma de gamin pourri gâté se complaisant dans le pot de Flanby et de Nutella), Tarantino fait bien un film de cinéma à part, un objet maniériste et réflexif qui glisse sans cesse entre les doigts, pendant que Rodriguez fait simplement un film postmoderne de plus, parmi tant d’autres, sur le mode référentiel. Et ces innombrables références freinent Planète terreur et l’empêchent d’être, in fine, un objet totalement original. Ouais, Robert nous sert une bonne grosse merguez bien juteuse, bien généreuse, bien chaude, pendant que Quentin, plus gourmet que Grand Avalou, nous sert, lui, un suprême cheeseburger Collector - là est la nuance. Pour les cocktails explosifs customisés, Tarantino est un plus grand barman, à la rayure de pellicule près du verre grossissant.

AgoraVox, à la vôtre !

* Found foutage : c’est du cinéma expérimental qui consiste à retravailler un film pour en modifier la matière. Par exemple, dans Outer Space (1999), Peter Tscherkassky utilise Entity (L’Emprise, 1981) de Sidney J. Furie et, à l’aide de ralentis, de zooms, d’accélérés et de tout ce qui peut être utilisé, en modifie la représentation et, par-là même, la signification. Vrai travail conceptuel sur et autour du cinématographe.

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Le nouveau Robert Rodriguez : « Planet error » ?

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3 réactions à cet article    


  • tvargentine.com lerma 30 août 2007 12:56

    Si a chaque fois que vous allez au cinéma,vous vous posez des questions métaphysiques,c’est un peu grave !

    Pas besoin d’écrire si long pour dire que c’est une bonne parodie des morts vivants et des films des années 60 avec des poupées barbies au gros néné

    Un bon moment à passer et à rigoler


    • karg se 30 août 2007 20:14

      Lerma vous êtes en positif ^^ Vous n’avez ni parlé de Nicolas ni de Ségolène Bravo !


    • Xav 31 août 2007 19:06

      Je n’ai pas encore vu le film mais connaissant la filmographie de Rodriguez, je suis à peu près certain de l’apprécier pour ce qu’il semble être : un bon défouloir ! Pour autant je trouve cet article bien écrit et surtout bien argumenté, informatif quoi...

      Lerma semble penser que c’est une tare de réfléchir, cela explique probablement l’interet proche du zéro absolu que dégage sa prose habituelle. smiley

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