Le nouveau Robert Rodriguez : « Planet error » ?

Found footage*, foutage de gueule, terrain de jeu, film train fantôme (mixant Showgirls, Carpenter,
Se passant dans un Texas en pleine déliquescence, c’est un film jouissif à bien des égards, bien plus private joke que le pipi-caca "politiquement correct" de Hot Fuzz. Pour autant, malgré une sauce mexicaine très bien montée par Rodriguez, on reste quelque peu sur notre faim au niveau conceptuel (contrairement au très godardien Boulevard de la mort de Tarantino, bien plus retors, bien plus (auto !)réflexif sur les codes de la narration cinématographique). Planète terreur a ainsi, hélas, les défauts de ses qualités, c’est un shaker XXL pétaradant, grand-guignolesque, abracadabrantesque, cadavres exquis et tout ce que vous voulez au rayon bricolage de l’Hôtel de
L’échappée "zombée" du restaurant est vraiment encore un grand moment de cinéma, samplant Romero et Carpenter, puis, après, de nouveau dans la base militaire, avec l’arrivée (tel un parasite qui phagocyte quelque peu le Rodriguez) de Tarantino himself, jouant - pas si bien ! - un cinéphile pervers, on rit alors gentiment, les gags s’accumulent, les punchlines se veulent déjà cultes avant même d’avoir macéré puis été digérées, certes on sourit comme aux blagues geek d’un vieux copain nerd - sourires de connivence, sous-entendus sous turbo hautement sexuels... - mais on n’évite pas ici les temps morts et les creux. Ouais, on dirait que Rodriguez ne tient pas tellement (contraintes des frères producteurs Weinstein ?) à ce que sa machine cinématographique s’emballe de trop alors, plus le film avance, moins il accélère dans les descentes du mauvais goût et du malsain, préférant ainsi s’arrêter de pédaler à toute berzingue et renouer - en passant quelque peu à côté d’un ovni cinématographique définitivement décalé - avec l’humour potache qui est, somme toute, sa marque de fabrique habituelle style le gentillet apocalyptico-délirant Une Nuit en enfer.
Oui, le Grindhouse de Tarantino vole plus haut, cherchant à atteindre un point limite (zéro), ne craignant pas la cale sèche, superbe Rubik’s cube théorique qui s’assume comme tel. Pendant que son grand frère Quentin roule en Dodge Challenger 1970, Robert Rodriguez, tel un petit frère encore sous haute inspiration, préfère s’amuser et lui emprunter une mini-moto pétaradante à souhait mais quelque peu poussive, avec un cale-pied craignant trop le casse-pieds, ce que Tarantino, lui, ne semble pas craindre - l’ennui au cinéma -, il est plus pirate. Pour tenir la comparaison, il est fort possible que Rodriguez aurait davantage dû mont(r)er la sauce du trash, du macabre et du morbide, faire un cinéma total de mauvais goût se marrant davantage. Un film plus sale, plus protubérant et tuberculeux eût été souhaitable, me semble-t-il. Bien que Boulevard de la mort ne soit pas exempt de défauts (on pourrait parler d’une certaine vacuité d’un cinéma de gamin pourri gâté se complaisant dans le pot de Flanby et de Nutella), Tarantino fait bien un film de cinéma à part, un objet maniériste et réflexif qui glisse sans cesse entre les doigts, pendant que Rodriguez fait simplement un film postmoderne de plus, parmi tant d’autres, sur le mode référentiel. Et ces innombrables références freinent Planète terreur et l’empêchent d’être, in fine, un objet totalement original. Ouais, Robert nous sert une bonne grosse merguez bien juteuse, bien généreuse, bien chaude, pendant que Quentin, plus gourmet que Grand Avalou, nous sert, lui, un suprême cheeseburger Collector - là est la nuance. Pour les cocktails explosifs customisés, Tarantino est un plus grand barman, à la rayure de pellicule près du verre grossissant.
AgoraVox, à la vôtre !
* Found foutage : c’est du cinéma expérimental qui consiste à retravailler un film pour en modifier la matière. Par exemple, dans Outer Space (1999), Peter Tscherkassky utilise Entity (L’Emprise, 1981) de Sidney J. Furie et, à l’aide de ralentis, de zooms, d’accélérés et de tout ce qui peut être utilisé, en modifie la représentation et, par-là même, la signification. Vrai travail conceptuel sur et autour du cinématographe.
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