Le Palais de la découverte 1937-2009
Alors que près de 600 000 visiteurs se rendent tous les ans au Palais de la découverte pour assister dans la joie et la bonne humeur à des expériences réelles réalisées en direct et commentées par les scientifiques de l’établissement, les pouvoir publics n’ont trouvé rien de mieux que de l’éliminer du Grand Palais pour faire de ce bâtiment un lieu évènementiel accueillant restaurants, boutiques... Le Palais de la découverte résiste.
1937, 1938, 2007, 2009, quelques dates de notre histoire.
1937 : exposition universelle, exposition coloniale, expositions du Front Populaire, la vie est faite de contradictions, mais deux millions de visiteurs passent dans le Grand Palais consacré à une exposition scientifique dont Jean Perrin, prix Nobel de physique, est le maître d’œuvre : le Palais de la Découverte.
1938 : exposition temporaire, exposition permanente, Jean Perrin et Jean Zay, symboles respectifs de la science et de l’éducation, rouvrent le Palais de la Découverte comme musée permanent.
Au cours des années, le Palais de la Découverte se fabrique une identité : il montre la science en train de se faire, dans tous les sens de l’expression. Ce qu’on montre au public, ce sont bien les fondamentaux de la science, et c’est fait devant le visiteur. C’est aussi la science qui s’élabore dans les laboratoires que l’on vient montrer ici : le Palais de la Découverte devient peu à peu la maison commune des scientifiques. Les scientifiques sont heureux de venir y rencontrer le public. Le public est heureux de venir y rencontrer des scientifiques.
Les générations passent, les scientifiques se souviennent avoir pris le virus en visitant le Palais de la Découverte, en famille ou avec leur classe, ou les deux. Les enseignants y emmènent leurs élèves, parce que leurs enseignants les y ont emmenés, quand ils étaient élèves.
La société évolue, la poussière tombe sur le Palais de la découverte qui a perdu une majuscule mais pas sa majesté. Les gouvernements passent, promettent des budgets de rénovation, gauche, droite, gauche, droite, les budgets ne viennent pas. Le personnel déploie des trésors d’ingéniosité pour continuer, coûte que coûte, à montrer les expériences qui sont à l’origine des recherches, à montrer la science en train de se faire, à montrer la science qui donne envie de devenir scientifique.
2007 : la gratuité ne paye plus, seul le privé trouve grâce auprès du pouvoir politique dont l’univers est le bling-bling. Des bureaucrates sans idée inventent ce qu’ils croient être des concepts alors que ce ne sont que des caprices. La RGPP passe sur la culture : il faut éliminer les fonctionnaires, il faut faire place à la société de la connaissance. Le savoir n’est plus gratuit, la science doit se vendre.
Coup d’essai, en janvier 2009, le Grand-Palais annexe la plus grande salle d’exposition du Palais de la découverte, sous l’indifférence générale de la direction. Scientifiques, enseignants, visiteurs, personnel se battent pour protéger le Palais de la découverte. La fin approche, les dinosaures résistent. Le couperet tombe le 2 décembre : le conseil des ministres approuve le projet concocté en haut lieu. Le Palais de la découverte disparaîtra le 31 décembre, et les quelques forces qui lui restent seront utilisées avec celles de la Cité des sciences et de l’industrie pour mener des projets virtuels et coûteux : serious games, web-TV, portail ressources prendront le pas sur le réel des phénomènes. La générosité, la sincérité, la gratuité des scientifiques laissent la place à la mode, au profit et à la publicité au service du CAC40.
2009 : après 72 ans au service du public, dans le service public, et toujours avec un immense succès, le Palais de la découverte arrive à la fin du parcours. Pour partir en beauté, il donne rendez-vous tous les matins à 9h30 dans le Hall d’entrée à ses fans, aux irréductibles, aux enseignants, aux scientifiques, à tous ceux qui veulent venir. Apportez votre thermos de café, vos croissants, votre bonne humeur, votre désintéressement, votre intérêt, votre solidarité. Nous ferons ainsi quelques petits déjeuners informels et sympathiques.
La dernière image du Palais de la découverte sera conforme à son histoire, et à la légende qui se dessine déjà : une institution au service de la diffusion de la science dans l’humanité, qui s’est faite avec des hommes et des femmes. Le soi-disant musée du vingt-et-unième siècle, autoproclamé « de référence internationale » va devoir se mesurer en particulier à la trace laissée par le Palais de la découverte dans la mémoire du public et des scientifiques. Du 8 décembre au 17 décembre, venez au Palais et célébrons une légende qui fera regretter au pouvoir d’avoir voulu assassiner l’esprit du Palais de la découverte !
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