Le petit chaperon rouge revu et... corrigé
Une idée cadeau à ne pas mettre entre toutes les mains.

Bon on s’en doutait un peu que "Le Petit Chaperon Rouge" était un conte à double détente, fait à l’origine pour prévenir les adolescentes juste pubères (symbolique de la couleur rouge du capuchon) des dangers de quitter le droit chemin et de se laisser compter fleurette par des individus dont le seul dessein est de leur ravir la leur.
Mais la version qu’en livre Angela Carter (1940-1992) romancière anglaise, dans « The Bloody Chamber » en est tout simplement époustouflante.
Pourtant l’adolescence d’Angela ne présageait en rien de la violence érotique, teintée d’érotisme et de fantastique, qui allait imprégner son œuvre : jeune fille alanguie et anorexique sortie trop tôt du monde enchanté de Béatrix Potter pour se marier et avoir une première expérience sexuelle dont le résultat sera probablement source de son inspiration.
Trouvant probablement ce mariage insuffisant à peupler ses aspirations, Angela reprend ses études universitaires et après avoir taillé ses premières plumes pour écrire articles et critiques dans une feuille de chou locale, elle attaque ses premiers romans dont « The Magic Toyshop »-le titre est déjà tout un programme - et où apparaît déjà son talent pour mélanger, ce sera un des thèmes récurrents de son oeuvre, l’ambiance « fairy tales » (conte de fées) à certains égarements, épicés d’un sadomasochisme "soft", engendrés par la défloration d’une jeune fille naïve, mais pas stupide pour autant.
Après avoir divorcé (1970) l’anglaise file pour, deux ans, au Japon pour y exercer plusieurs métiers dont celui, enrichissant pour la suite de sa carrière, d’hôtesse de bar.
A son retour elle publie un roman dont le titre est à lui seul une accroche : « The Infernal Desires Machine of Dr Hoffmann ». Et elle décroche pour ce livre le « Somerset Maugham Award » rien que ça !
Elle atteint dans ces années la maturité de son style, elle se classe elle-même comme une « post-modernist » pure produit d’un pays sur le déclin , post-colonialiste et post –industriel.
Elle se définit aussi comme adepte du« pluralism feminism », elle transgresse la tradition patriarcale de soumission féminine et détourne le merveilleux des contes de fées pour régler ses comptes avec une société trop prude et trop traditionnelle ; mais revenons au résumé du« petit chaperon rouge » un des contes de son recueil paru en 1979 : « The Bloody Chamber » attention ça décoiffe !
L’héroïne tout d’abord est plus âgée que chez Perrault, déjà plus Lempicka (coté " parfum de femme") que Lolita et plutôt Godiva (coté "merci pour le chocolat") que Lady. Le conte commence classique, la jeune fille va rendre visite à sa grand mère, traverse la forêt et rencontre en chemin un jeune et beau chasseur avec qui elle va lier connaissance, le chasseur parie avec elle de qui sera le premier arrivé à la chaumière de la "granny". Et là on va suivre le chasseur qui arrive premier (comme prévu)chez la mère-grand et soudain- horreur- retire d’un seul coup (façon Chippendale) son accoutrement de chasseur pour révéler sa nature abominable : un loup menaçant pourvu d’une mâchoire acérée et sanguinolente et… d’énormes « genitals ». Il est aussi couvert d’une pilosité touffue mais qui laisse poindre au niveau de la poitrine deux tétons qui laissent entrevoir une féminité sous-jacente, le lycanthrope serait-il aussi sexuellement « bi » ? Bon, bien sûr il dévore la grand-mère- foin du symbole de la tradition patriarcale !
Arrive le chaperon et on reprend le fil du conte avec le jeu équivoque des questions réponses et on arrive au "climax" crucial : « comme vous avez de grandes que… nottes » et là ,soudain, le loup, révèle à nouveau sa véritable nature exhibe, encore une fois, mâchoire sanglante et énormes « genitals » et déclare son intention de faire de l’appétissant chaperon son plat de résistance… la donzelle éclate de rires : « je ne suis pas de celles qu’on mange ! », lui précise-elle… (quel ballot ce loup il n’a vraiment rien compris !)
Et dès ce moment c’est elle qui prend, si l’on peut dire, les choses en main et initie la brute velue aux plaisirs raffinés de la chair, le transformant en amant expert en tous points : … il s’endormira entre ses bras, repu d’amour et doux comme un agneau…
Bon, je vous l’ai fait courte et sans le style admirable de l’auteur- teinté d’un délicieux érotisme et prenant plaisir à décrire l’art d’apprivoiser un machisme malhabile pour servir un goût pour un sadomasochisme de boudoir, à la dentelle délicieusement ourlée- ça c’est à vous de le découvrir, si vous manquez d’idées pour vos cadeaux de fin d’année, ou si vous voulez ajouter un peu d’épices à votre Christmas Pudding.
Ah, un dernier point, la version française de « The Bloody Chamber » a pour titre « La Compagnie des Loups », recueil d’une dizaine de contes tout aussi revus et... corrigés.
24 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON