Le piano retrouvé de Josep Martí i Cristià
Les amateurs de musique espagnole du 20ème siècle peuvent se réjouir, les autres ne doivent pas passer à côté. Aucun enregistrement récent n’avait été dédié au compositeur catalan Josep Martí i Cristià (1884-1918) et l’écoute de celui-ci - réalisé par le pianiste Daniel Blanch chez le label confidentiel La mà de guido - nous prouve que cette musique a été longtemps injustement oubliée. Mort très jeune, et cette donnée étant certainement à prendre en compte dans l’intérêt tardif qui lui est réservé, on se prend à rêver de la destinée que le compositeur aurait pu suivre, lui qui était au seuil de la maturité.

L’Espagne au début du siècle passé et sa foisonnante kyrielle de nouveaux musiciens qui prennent en référence Enric Granados (1867-1916) : tel est le tableau dans lequel se fond cet amoureux de sa région natale. Peu de détails biographiques nous sont parvenus. Sa naissance est datée au 19 août 1884 en Catalogne et sa mort au 6 novembre 1918 à Barcelone, il étudie avec Vallcorba, Granados & Pedrell. Granados en particulier sera élogieux à son propos disant de ses premières compositions que c’était “très beau ; il faut avoir pleuré pour être capable d’écrire de telles choses”. La biographie la plus complète qui nous soit parvenue est celle établie par l’une de ses plus proches amies, Ezequiel Martin, à l’occasion d’un concert donné en 1919 à la mémoire du compositeur. Cette biographie se compose d’un catalogue d’oeuvres en tous genres mais celui-ci est malheureusement incomplet car le compositeur avait détruit un nombre considérable de compositions.
Le programme de ce disque se décompose en trois parties chronologiques. Le premier cycle mis à l’honneur est son Opus 17 Records de joventut (Souvenirs d’enfance) composé entre 1905 et 1909. D’une facilité d’inspiration évidente, ces petites pièces évoquent comme son nom l’indique des scènes précises de son enfance, dont l’idiome est à rapprocher avec les Kinderszenen de Schumann. L’extrait proposé plus bas est la 11ème évocation intitulée Consell maternal.
Entre 1911 et 1915 Josep Martí i Cristià développe son style petit à petit à travers un nombre croissant de pièces courtes. Certaines sont regroupées dans le recueil Siluetes (Silhouettes), un ensemble de pièces de diverses influences où tour à tour les ombres de Grieg et Tchaikovsky se font sentir. Mais aussi où on y décèle un affranchissement des maitres, un langage bien marqué et la recherche d’un son éminemment descriptif de la nature, caractéristique en ce début de 20ème siècle. Il n’est pas anodin d’avoir choisi comme extrait El convent (Le couvent) : composition de facture spirituelle et introspective qui peut dérouter avec ses cadences tout droit sorties d’un choral pour orgue, mais n’est-ce pas là une page extrêmement personnelle et qui atteint son but ?
Sans aucun doute notre compositeur fut influencé par la musique française et spécialement Debussy. Les Tres preludis (Trois préludes) en sont un bon exemple. Recherche de nouvelles sonorités, recherche harmonique, modulations, dissonances, tout y est. La fin du disque se marque parallèlement par deux brillantes pièces plus extraverties, en phase avec le nationalisme espagnol de l’époque. Celle présentée ci-dessous s’appelle Pamplona, une Jota achevée en 1910 et qui fut énormément plébiscitée jusqu’à la mort du compositeur. On pense tout de suite à la Jota des Siete canciones populares españolas de Manuel de Falla ou aux Danzas españolas de Granados.
C’est sur cette pièce d’envergure que s’achève la redécouverte du compositeur mort à seulement 34 ans. Entre 1901 et 1917, il aura composé pas moins de 200 oeuvres de différents styles et pour différentes formations. L’analyse de son évolution nous montre que l’énorme potentiel n’a pas eu le temps d’éclore définitivement mais que déjà, l’interprétation qu’en livre Daniel Blanch est source de grande qualité et de réjouissance.
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Josep Martí i Cristià (1884-1918) : Música per a piano
Daniel Blanch, piano
2010 La mà de guido (LMG 2102)
Extraits
1) Records de joventut : Consell maternal
2) Siluetes : El convent
3) Pamplona : Jota
En illustration : Joaquin Mir (1873-1940) - L’Aleixar
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