« Le Projet Poutine » Dualité fantasmagorique au La Bruyère
Comment résister au charme du duo formé par Nathalie Mann & Hugues Leforestier, ce dernier étant, de surcroît, l’auteur de cette pièce mettant en perspective Vladimir Poutine… pour le pire et, pourquoi pas, pour le meilleur ?
A mi-chemin entre un procès à charge et une enquête journalistique, la confrontation du Président actuel de la Russie avec une procureure exilée en Sibérie se présente comme un exercice de haute voltige géopolitique et diplomatique d’où la séduction exercée l’un sur l’autre est loin d’être exclue de leur débat hyperréaliste.
Si l’on admet pour véridique et prouvée l’accumulation des griefs et des exactions criminelles égrenés tout au long du réquisitoire destiné à un futur procès en cour internationale, l’avenir de Vladimir ne serait guère prometteur… à moins de réussir à se maintenir « Président à vie ».
Cependant, si ce « Théâtre du réel » s’appuie sur des informations judicieusement sourcées et croisées à l’égard d’un chef d’état en fonction, le rôle de sa partenaire est, lui, bel et bien « fictif » et, de ce fait, permet un effet de miroir en abyme à la fois instructif, pédagogique et métaphorique mais doit néanmoins être appréhendé selon l’ensemble de ses implications publiques et privées.
Ainsi, Svtelana ne serait pas seulement une haute fonctionnaire de la Russie postsoviétique en mission, il s’avère qu’elle est aussi une maîtresse de jeunesse que Vladimir aurait aimée et dont il existerait peut-être un fils « qui lui ressemble ».
Nécessairement, cela influe d’autant plus sur l’enjeu du spectacle puisque c’est bien sur ordre hiérarchique que Svtelana se trouve ici convoquée dans le bureau du Kremlin.
En effet, sous prétexte de prendre connaissance des reproches qu’adresse la dissidence au régime en place, le Président songerait à accorder un poste ministériel dans son gouvernement à cette leader de l’opposition et ira jusqu’à suggérer que ce fils « caché » pourrait éventuellement lui succéder à terme.
Bien entendu, tout ceci ne relève que de l’imagination « fantasmagorique » de l’auteur qui, ainsi, se plaît à mélanger les cartes du pouvoir à celles des options envisagées par la « realpolitik », mais, forcément, cette mise en perspective « visionnaire » relativise les portraits des deux protagonistes tout en les rendant quelque peu glamour et sympathiques, bien que la rébellion, le chantage et les menaces soient les principaux vecteurs de cette rencontre au sommet.
Lors d’une représentation exceptionnelle organisée au Théâtre La Bruyère par « Reporters sans frontières », « Amnesty International France » & « Russie Libertés » le représentant de cette dernière association émit, durant le débat, l’idée que d’être virtuellement à la place de la procureure pourrait fort bien fonder le « rêve » de chaque citoyen russe contemporain ainsi en situation d’interroger et de demander des comptes à Vladimir Poutine.
En effet, si le Président est plébiscité par le peuple pour avoir su renouer avec la grandeur de la Russie, les électeurs, néanmoins, s’interrogent sur les modalités de la politique menée, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Fédération.
L’image du stratège agissant en joueur d’échecs, toujours en avance de plusieurs coups sur ses adversaires, est en soi flatteuse mais correspond-elle aux nécessités imposées par l'enjeu mondialisé ?
Cependant l’épilogue de cette problématique internationale échappe à l’ambition de la pièce qui laisse ouverte, à l’appréciation de chacun, la résolution du dilemme entre Pouvoir absolu, contestation radicale et « failles de l’Amour ».
photos 1 & 2 © LOT
photo 3 © Theothea.com
LE PROJET POUTINE - ***. Theothea.com - de Hugues Leforestier - mise en scène Jacques Decombe - avec Nathalie Mann & Hugues Leforestier - Théâtre La Bruyère
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