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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Le tableau St Christophe de Jusepe de Ribera

Le tableau St Christophe de Jusepe de Ribera

Cet article est d’une brûlante actualité. En ces temps d’élections présidentielles imminentes qui embollisent notre raisonnement et rendent tout le monde fou même devant la réflexion la plus simple, il est fondamental de prendre la tangente, de voyager, de faire l’école buissonnière pour retrouver notre esprit, rien que ça, et éviter de faire des bêtises.

St_christopher_ribera01Quelques notes pour une étude du tableau SAINT CHRISTOPHE du peintre espagnol JUSEPE DE RIBERA

(Cliquez sur l’image pour la voir en grand, ce sera plus confortable)

Ce tableau d’apparence très simple récèle des trésors, c’est ce que nous allons montrer ici.

La légende raconte comment le géant Ophe porte le Christ enfant sur ses épaules pour lui faire traverser un fleuve, et comment, immergé par le poids de l’Enfant, il est baptisé et reçoit le nom de Christophe (porteur du Christ). Texte de Daniela Kumor

Saint Christophe est communément représenté par un homme traversant un cours d’eau et portant un enfant sur l’épaule, l’enfant figure le Christ. L’iconographie s’est élargie en certain lieux : certaines icônes d’église orientale le représente tel un homme à tête de chien avec à la main un crucifix : Christophoros, expliquant ainsi qu’il est un passeur permettant de voyager d’une rive à une autre ; cette représentation fait ainsi le lien avec l’iconographie égyptienne représentant le dieu Anubis passeur des âmes après la mort. (Wikipedia)

Notre étude sera SYMBOLIQUE, au sens où l’entend Emile Male, qui appelait ainsi la recherche des correspondances entre les scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament et que nous interprèterons nous, dans le domaine visuel, comme l’étude de la SYMETRIE.

Dans ce tableau nous voyions, à l’intérieur du "globe terrestre" que tient l’enfant, une sorte de forme claire qui fait penser à un crâne. Comme si l’enfant tenait de sa main droite la tête de Saint-Christophe et de l’autre son crâne, ou disons son âme, et même sa volonté. La couleur noire de la chevelure de l’adulte qui est identique à celle de la sphère invite irrésistiblement à cette association. Peut-être y en a-t-il même une troisième avec les yeux anormalement sombres du Christ. L’image finale s’accorderait bien avec un des sens du tableau : Le Christ passeur des âmes.

De même, l’avant-bras veineux en avant-plan du Saint répond au bâton noueux qui prend la place de l’autre avant-bras que nous devrions voir. Pour augmenter l’effet, l’arrondi de l’épaule droite se poursuit par un autre arrondi presque identique dans le bois du bâton (qui devient noir en partie haute). Il y a donc bien là le désir du peintre de remplacer cet avant-bras droit par autre chose. En lisant la légende, cela pourrait être une patte de chien. Cette idée est confortée par le bout du bâton en bas du tableau, bout qui ressemble vaguement à l’extrémité d’une patte. Le tableau exprimerait alors simultanément les deux états de la transformation du géant en baptisé.

Le pied droit de l’enfant est en parfaite symétrie avec la seule artère carotide visible du géant. il la remplace donc il y a ici un SYMBOLE : le sang circulant dans le corps du Saint est le même que celui du Christ.

L’homme protège curieusement son corps par un vêtement comme le ferait une femme sa poitrine.
Est-ce simplement un artifice de peinture pour mieux faire apparaitre le bras en en noircissant le fond avec une étoffe sombre ?
Ou bien le peintre a-t-il voulu exprimer par là qu’en devenant baptisé, l’ancien géant sortait de son animalité et donc se couvrait ?
Sans doute l’artiste a voulu faire plutôt une nouvelle correspondance symbolique entre
- les doigts fermés autour du bâton de sa main gauche comme celle d’un singe, symbole de l’ancien géant buté et animal,
- et les doigts ouverts tenant l’étoffe, qui serait alors l’image du baptisé maintenant éveillé et protecteur.

L’enfant est blond quand l’adulte a une chevelure très noire, mais surtout celui-ci semble porter, avec sa barbe très sombre, comme une sorte de masque qui contraste énormément avec le visage lumineux et nu du Christ. Les deux bouches, l’une ouverte, l’autre fermée, s’opposent aussi visiblement. L’effet est surprenant : L’enfant a l’air d’être sérieux comme une grande personne quand le géant semble lui effrayé comme un enfant. On comprend clairement que le Christ, tout jeune qu’il soit, "domine " le Saint, même s’il regarde dans le vide comme s’il avait une vision intérieure, quand Saint Christophe regarde lui indubitablement vers l’enfant. Il se dégage entre les deux visages si différents physiquement et si rapprochés dans le tableau, une émotion d’une grande beauté.

Une lumière derrière l’enfant a une vague forme d’aile et donne l’impression que le peintre a voulu représenter le Christ comme une sorte d’ange (on lit presque une auréole sur la tête). Ce serait une erreur sémantique : le Christ n’est pas un ange. Mais il y a là comme un désir de cette aîle pour exprimer traditionnellement la sainteté du corps ou bien est-ce plus simplement l’habitude des peintres de cette époque de dessiner beaucoup de chérubins ailés qui a conduit à cette lumière. Une étude du tableau réel y trouvera peut-être un repentir.


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11 réactions à cet article    


  • Marie Pierre (---.---.207.139) 1er mars 2007 12:34

    Bonjour,

    Article très intéressant. Le bâton de St Christophe est toujours représenté par ce qui peut ressembler à des pattes, déjà figurant sur des estampes du 13° siècle, puisque la légende veut que le Christ lui demande de planter son bâton et que le lendemain un palmier surgit.


    • David Orbach david Orbach 1er mars 2007 12:48

      Oui Marie-Pierre,

      plusieurs légendes s’entrecroisent sur St-Christophe. J’ai pris celle que le peintre semblait avoir choisi.

      cordialement


    • angelo (---.---.204.252) 1er mars 2007 13:02

      Il me semblait que Christophe ,ça venait de Christos et de phore : phore qui porte(photophore) et christos pour le Christ. me trompe-je ?


      • David Orbach david Orbach 1er mars 2007 13:20

        Oui Angelo

        Le nom de Christophe vient bien de son rôle christophore (porteur du Christ) mais ce n’est pas incompatible avec la légende décrite ci-dessus. Car celle-ci a pu reprendre le nom de « Christophe », le recomposer en Christ-ophe et créer ainsi le nom de son géant. Elle redonne un sens nouveau au nom, ce qui est bien le but d’une légende, non ?


      • David Orbach david Orbach 1er mars 2007 16:25

        Heu je veux dire « non Angelo, tu ne te trompes pas »


      • Pierre R. (---.---.231.186) 1er mars 2007 13:20

        Si tous les critiques d’art présentaient une analyse aussi simple, aussi limpide et aussi passionante que celle-ci, l’art retrouverait la place qui devrait lui revenir dans notre société. Méditer sur ces oeuvres nous contraindrait à un arrêt obligatoire et salutaire.

        Pierre R.

        Montréal (Québec)


        • David Orbach david Orbach 1er mars 2007 13:36

          Merci Pierre R.


        • Le furtif (---.---.105.54) 1er mars 2007 13:39

          C’est trop beau , ça ne va pas durer....

          Merci David

          Le furtif


          • David Orbach david Orbach 1er mars 2007 14:16

            Hélas oui Furtif, rien ne dure en ce monde... smiley


          • Marie Pierre (---.---.207.139) 1er mars 2007 13:58

            « Le Christ passeur des âmes » comme Charron ? St Christophe en Atlas ?

            Il n’est pas rare de trouver des statues de St Christophe juste à l’entrée des ponts pour protéger ceux qui les franchissaient. Bon, plus tard, les chauffeurs de taxi avaient la médaille de St Christophe, patron des transporteurs, accrochée à leur rétroviseur.


            • Guil (---.---.203.7) 1er mars 2007 16:16

              Bravo pour cette analyse très pertinente, ça nous change un peu les idées smiley Récément j’ai relu « Le roi des Aulnes » de Michel Tournier, où il donne de l’histoire de Christophe et de Jésus une version symboliqe un peu heu... spéciale smiley Mais pas si bête non plus, au fond. Je vous invite à le lire !

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