Le YouTube du jeu vidéo
Présenté comme l’avenir du partage de la création ludique, le logiciel de Microsoft XNA n’est en réalité qu’une manière d’asseoir une stratégie marketing.
Pour partager sa musique, il y avait Napster. Pour les fichiers vidéo : YouTube. Peut-on penser sur le même modèle, un partage des jeux vidéo ? C’est le pari de Microsoft, qui a sorti le 11 décembre un logiciel de partage sur X-Box 360, XNA.
« Les développeurs contemporains sont des enfoirés de chanceux (lucky bastards) ». Ceci n’est pas un aphorisme tiré d’une revue anglosaxonne qui se dit hype ; ni le propos d’un patron de start-up sur le retour, encore aigri par l’éclatement de la bulle Internet. La formule est abrupte, voire vulgaire, mais elle est à moitié excusée, car proférée par Peter Molyneux, l’éminent game designer britannique, lorsqu’il a appris l’existence du programme de Microsoft.
Alors qu’il déplorait il y a encore quelques mois la condition difficile du développeur indépendant, l’auteur de Black and White s’est très vite ravisé. Microsoft lui a rendu l’enthousiasme, qu’il estime nécessaire à la création d’un jeu. Pour le game designer anglais, l’outil de création XNA permettra aux développeurs encore anonymes, mais talentueux, d’accéder à la notoriété. « Si XNA devient l’équivalent de YouTube pour le game design, ce sera une chose très très profitable », explique-t-il.
Peter Molyneux reprend mot pour mot les propos du directeur marketing de Microsoft, qui n’en demandait pas tant. Il n’est pas anodin de faire référence à la vidéothèque de Babel que constitue You tube. La firme de Bill Gates pourrait-elle inspirer amorcer une révolution, dans le partage des ressources ludiques ?
Certes, les jeux en flash disponibles gratuitement fourmillent sur Internet. Mais avec XNA, Microsoft propose un véritable saut quantique. De véritables jeux, et non des casual games, pourraient être partagés. Et Microsoft deviendrait le joyeux chantre du communisme vidéoludique.
Il va de soi que la vérité est tout autre. Interviewé par les journalistes de Gamasutra, Dave Mitchell, le directeur marketing de Microsoft, révèle bien malgré lui l’aspect uniquement commercial du logiciel XNA.
« Le disque dur est un élément indispensable », précise M. Mitchell. Entendez que les joueurs ne disposant que de la version « core » de la X-Box 360 sont a priori exclus.
Assez placidement, le responsable marketing annonce que les possibilités de partager ses créations seront minimes. Pour s’en expliquer, la direction avance un argument presque moral. « La pire chose qui pourrait advenir serait d’apprendre trop tard que nous avons des jeux, proposant un contenu indésirable, auquel nous ne nous attendions pas. » C’est donc pour exercer un contrôle préventif, affirme Microsoft, que le projet collaboratif XNA est vidé de sa substance.
Peu disert sur les réelles possibilités du logiciels, M. Mitchell, dont la séance n’est pas la dernière, dispose de plus d’arguments pour vanter les atouts mercantiles du XNA.
« Nous pourrions avoir de la publicité dans les jeux. Plus il y aura de joueurs dans votre jeu, plus de revenu publicitaire sera généré. Nous pouvons envisager un partage de ce revenu avec le créateur . Une autre possibilité pour le développeur est de signer avec Microsoft un accord de distribution. [...] Un autre atout dont nous disposons est cette grande ressource appelée X-Box live Markeplace. Il suffirait simplement de mettre le jeu en vente, d’établir un prix, et les consommateurs n’auraient qu’à le télécharger. Nous avons de telles infrastructures avec le X-Box live et Marketplace que nous pouvons en faire un business-model, et contre lesquelles peu de gens sont capables de rivaliser. »
Peut-on raisonnablement penser, avec M. Molyneux, que l’avenir du jeu est dans ce modèle ?
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