Les Amants, Anora, La Cité des femmes...
Voir « les Amants », « Anora », « la Cité des femmes » en quelques jours, c’est plonger dans la vision de la femme de trois créateurs masculins, à quelques dizaines d’années de distance, dans des époques et des mondes différents, France, Italie, États-Unis.
Et le spectateur qui a déjà vu de ces films à leur sortie, se retrouve dans un monde où images, souvenirs, mœurs se télescopent et brouillent son florilège personnel...
« Les Amants » de Louis Malle, un film de 90 mn, a eu le Grand prix du jury à la Mostra de Venise en 1958. Il a beaucoup choqué à sa sortie.
Une femme (Jeanne Moreau) essaie de sortir de son ennui conjugal avec un notable de province, par des escapades chez une amie parisienne et auprès d’un amant exotique. Suite à une panne de voiture, elle rencontre un jeune en rupture de la classe à laquelle ils appartiennent tous deux.
Il est archéologue, roule en 2-chevaux, image de son mari avant sa fossilisation ?
Un repas aux dialogues codés réunit mari, femme, amie, amant et le jeune dépanneur. La nuit venue, l’insomnie conjoint la femme et son dépanneur qui lui fait connaître, dans une atmosphère romantique, clair de lune et poésie, l’épanouissement amoureux... Scène seulement suggérée. Qui a fait scandale à la sortie du film, a entraîné son interdiction au Royaume-Uni et servi à la Cour suprême des États-Unis, en 1964, pour définir ce qui était pornographie.
Le film n’en était pas pour la Cour.
Le côté transgressif du film n’est pas la scène osée. Mais l’abandon de tout un monde pesant par une femme, laissant enfant et sécurité matérielle, pour vivre sa liberté avec un jeune amant devant son mari, son amant, son amie qui les regardent partir en 2-chevaux... Médusés !
« Anora » de Sean Baker (138 mn) a aussi été récompensé à Cannes où il a remporté la Palme d’or en 2024. « Anora » n’a pas scandalisé. Les images de strip-teaseuses à la chaîne sont peut-être même encore attractives. Dans une société habituée. Et des scènes d’accouplements de la strip-teaseuse avec un fils d’oligarque, infantile, aussi mécaniques et addictifs que les jeux vidéos et les beuveries qui remplissent sa vie de faux étudiant.
La jeune strip-teaseuse, louée pour une semaine, et le futur oligarque incarnent une parodie de deux faces du rêve étasunien. Promotion sociale et liberté. Par le sexe et l’amour pour elle et la carte verte pour lui.
Mais la lutte entre le réalisme de la mère oligarque et les rêves de la jeune strip-teaseuse, entre ces deux femmes, les hommes n’existent pas, pour conserver ce jeune immature est inégal.
Le mariage-minute est annulé aussi rapidement qu’il avait été conclu.
On est loin de la libération de l’un ou de l’autre.
À son départ, le jeune avoue : il a bien kiffé pendant quelques jours.
Elle se retrouve, seule, en pleurs, auprès d’un garde du corps, méprisé, qui aurait pu, pourrait...
« La Cité des femmes » (La città delle donne), film (140 mn) de Federico Fellini (1979). L’auteur-personnage, sous les traits de son double habituel, Marcello Mastroiani, descend d’un train en rase campagne pour suivre une femme de rêve, de tous ses rêves de femmes qu’il va vivre successivement, simultanément. Dans un magnifique feu d’artifice de scènes qui illustrent les fantasmes, les obsessions du héros-auteur… Avec même un brin de mauvaise conscience (le film a été tourné avec la participation de femmes féministes !), de dérision…
Quand le héros revient au réel dans le train, il retrouve sa femme et d’autres femmes bien réelles, il ne peut que refermer les yeux et repartir pour la Cité des femmes.
Le bonheur est-il dans un amour authentique enrobé de romantisme (un peu appuyé dans le film) ? Peut-il être encore dans une société du clinquant, du quantitatif, de la performance (exhibitionniste dans le film) ? Ou faut-il se résigner au rêve individualiste, prolongé, assumé…
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