Les derniers jours de Stephan Zweig avec Timsit & Zylberstein
Poursuivis dans leur exil au Brésil par les fantômes des nazis développant toujours davantage leur emprise destructrice sur le monde, Stephan et Lotte ont trouvé refuge à Petropolis, en cette année 1942, dans un appartement en location temporaire.
- Les derniers jours de Stephan Zweig
- photo © Bernard Richebe
Lors de ces derniers jours qu’il leur reste à vivre, le roman et la pièce de Laurent Seksik se rejoignent en un tableau de clinique psychiatrique où la non assistance en personnes en danger serait imputable à la fuite épuisante du repliement sur soi… celui de Stephan décourageant tout contact avec autrui.
En effet, quelles que soient les tentatives de Lotte pour lui transmettre son désir de vivre leur passion amoureuse sans laisser prise à l’angoisse existentielle les taraudant jusque dans leurs retranchements, tout va se passer comme si la mauvaise conscience du réfugié politique les harcelait à l’instar de l’œil pourchassant Caïn jusque dans l’obscurité de la tombe où celui-ci s’était retranché.
C’est, bel et bien, la dépression qui travaille le corps et l’esprit de Stephan Zweig qui, au vu des informations internationales, réussissant à parvenir jusqu’à eux, abandonne peu à peu l’idée que le cours des évènements puisse se renverser en son contraire.
L’acuité exigeante de son analyse géopolitique a même fixé, précisément, que lorsque Singapour tomberait sous l’avancée allemande, le signal de la phase finale irréversible serait atteint.
L’écrivain est donc, désormais, déterminé à en finir avec cet ersatz de bonheur à deux, impossible à partager sous les calamités du bannissement mondial.
Lotte qui, tout en étant fragilisée par ses crises d’asthme, respire profondément la joie de vivre, est effondrée par cette perspective ultime et se résoudra, dans un premier temps, à fuir le lieu du drame à venir.
C’est, sous la vigilance bienveillante de Gérard Gélas, qu’Elsa Zylberstein et Patrick Timsit habitent ces deux rôles romantiques à souhait, en incarnant l’impossibilité psychique du bonheur individuel lorsque celui-ci est confronté au concept de désolation universelle.
Lui, taiseux et soucieux, elle, enjouée et volubile, semblent lancés sur une trajectoire perdue d’avance car la lutte menée, en tâche de fond à leur insu, entre les pulsions de vie et les pulsions de mort, est un combat symbolique dont-ils ne possèdent, ni l’un ni l’autre, les clefs de l’éventuelle distanciation.
A apprécier avec l’âme d’une tragédie grecque.
photos © Bernard Richebe
LES DERNIERS JOURS DE STEPHAN ZWEIG - ***. Theothea.com - de Laurent Seksik - mise en scène : Gérard Gélas - avec Patrick Timsit, Elsa Zylberstein, Jacky Nercessian, Bernadette Rollin & Gyselle Soares - Théâtre Antoine
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