« Les Fausses Confidences » Marivaux / Françon Tournée 24-25 passant par Les Amandiers
A la suite de sa création en 2021 de « La seconde surprise de l’amour » lui ayant permis par antidote apaisante de faire résilience à une agression vitale subie et par essence traumatisante, Alain Françon prolonge désormais son délicieux compagnonnage de Marivaux avec une comédie amoureuse où la spéculation des sentiments est soumis à un essorage sensiblement peu délicat.
C’est donc précisément à l’aune des tourments et entraves successifs que pourra être éprouvée la réelle valeur des convictions affichées face aux pressions influentes fusant contradictoirement de toutes parts.
S’éloignant résolument de tout psychologisme, le metteur en scène décide une fois pour toutes de n’accorder son crédit qu’au texte, à ses inflexions, à ses intonations, à son rythme quitte à les contredire ponctuellement par des relâchements inopinés et décalés dans la gestuelle des comédiens.
Fort de cette perspective, point d’explication sémiologique à priori, c’est exclusivement par la parole marivaudienne exprimée dans l’instant présent que se fera la compréhension des enjeux en présence.
Ainsi d’emblée nous découvrons que Dorante est follement épris d’Araminte mais que cet amour lui semble inaccessible tant leurs situations financières sont dissemblables. Dubois son ancien valet entré au service d’Araminte va s’improviser stratège en lui conseillant de postuler au rôle d’intendant laissé vacant alors que Monsieur Remy oncle de Dorante contribuera à cette entrée en fonction sous le regard courroucé et méfiant de la mère d’Araminte...
Une fois en place, bien des quiproquos fomentés ou spontanés vont émailler l’objectif amoureux poursuivi... alors que moult propos alambiqués à la fois par pudeur ou vénalité vont tisser un labyrinthe de malentendus feints ou candides.
Cependant le cheminement de cette intrigue sera réellement dicté par les tergiversations d’Araminte tentant de démeler le vrai du faux, la sincérité du calcul, la posture de l’imposture mais surtout cherchant à voir clair dans son propre désir de femme...
En effet ces « confidences » pourraient fort bien dissimuler et, de fait, constituer le narratif contrarié d’une émancipation malaisée mais ardemment souhaitée.
Aussi qu’un portrait survienne inopinément dans le fatras de la réfutation ou de l’aspiration et voilà que les coeurs et les esprits s’emballent sur l’identité de l’auteur et du sujet au point d’en brouiller la pertinence du ressenti collectif.
C’est bien pourquoi Alain Françon recommande à ses comédiens de ne ne prêter leur attention qu’à ce qu’ils disent plutôt qu’à ce qu’ils pourraient éventuellement penser ou intuitionner.
Ainsi de leurs échanges dialectiques complexes, maladroits voire évanescents naîtra dans l’imaginaire du spectateur la lueur d’une sincérité échappant au rationnel, celle d’un « marivaudage » en l’occurrence bien compris.
Dans un décor de colonnades conceptuelles néo-classiques où failles et ouvertures invitent aux échappées belles hors-champ, la dizaine de comédiens (Compagnie des nuages de neige) se relaient sur les planches, ce soir-là donc aux Amandiers, dans une chorégraphie du verbe resté indéchiffré mais tellement plaisant jusqu’à rendre le potentiel de l’Amour flagrant et indéniable.
photos 1 à 6 © Jean-Louis Fernandez
photos 7 & 8 © Theothea.com
LES FAUSSES CONFIDENCES - **** Theothea.com - de Marivaux - mise en scène Alain Françon - avec Pierre-François GAREL, Guillaume LÉVÊQUE, Gilles PRIVAT, Yasmina RÉMIL, Séraphin Rousseau, Alexandre RUBY, Georgia SCALLIET, Maxime TERLIN, Dominique VALADIÉ - Tournée 24-25 Les Amandiers Nanterre
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON