Les jazzwomen venues du froid
Une question taraude les amateurs de voix jazz féminines : comment expliquer l’impressionnant vivier scandinave ?
L’engouement des Scandinaves pour le jazz remonte aux années 60. Une renaissance qui doit beaucoup à la manne du gouvernement suédois car, après la guerre, l’intérêt pour cette musique avait sérieusement décliné dans le nord de l‘europe.
Cette année-là, le JazzHus Montmartre ouvrait ses portes aux grands noms du jazz américain sur le modèle des hotclubs new-yorkais ou parisiens (d‘où la référence montmartroise).
Des musiciens mythiques comme Dexter Gordon, Ben Webster, Bill Evans, Archie Shepp, Miles Davis, Dizzy Gillespie, s’y sont succédé pour le plus grand bonheur des amateurs locaux.
Si le Danemark est plus connu pour ses nombreux instrumentistes de qualité, il compte également quelques voix talentueuses, comme Sidsel Storm ou Susi Hyldgaard.
Si la réputation de la première n’a pas encore dépassé les frontières de son pays, elle ne devrait pas tarder à se faire un nom. La voix de Sidsel est soyeuse, bien posée, parfaite pour le jazz tamisé et intimiste. Il faut dire qu‘elle est aussi soutenue par d’excellents musiciens capables de se frotter aux standards américains.
La deuxième, Susi Hyldgaard, vient de sortir un nouvel album de facture plutôt éclectique puisqu’on y retrouve des reprises qui courent de Franck Sinatra à Michel Legrand, en passant par Mungo Jerry, c’est dire.
La chanteuse n’hésite pas à s’aventurer vers d’autres univers musicaux aux frontières de la la soul ou du R&B. Certains morceaux rappellent la chanteuse islandaise Bjork. Un talent plus apparent sur des morceaux comme Teach me Tonight que sur sa reprise des Parapluies de Cherbourg.
La Norvège se signale par l’univers intimiste, étrange et parfois sombre d’Anja Garbarek, la fille du célèbre saxophoniste Jan Garbarek. Classée jazz, pour certains, pop par d’autres, sa musique est proche de l’univers du cinéaste Tim Burton ; pour public de connaisseurs donc.
Autre voix, plus consensuelle venue du pays des fjords, est celle de Silje Nergaard dont le dernier album Darkness out of Blue est sorti il y a quelques mois en Norvège et en France. Certains voient en elle la Nora Jones nordique.
Mais c’est en Suède que l’on trouve le plus grand nombre de pépites. Les égéries musicales du moment sont Rebecka Törnkvist et Lisa Ekdahl.
Consacrée meilleure voix de jazz suédoise, Rebecka Törnkvist se signale aussi par sa particularité de ne pas hésiter à chanter en suédois. (témoin Vad Jag Vill un album sorti en 2006).
Lisa Ekdahl est l’autre grand nom du jazz suédois. Originaire de Stockholm,
cette chanteuse a une voix très personnelle, à la fois cristalline et chaleureuse, enfantine comme sa bouille, tout comme une remarquable maîtrise vocale, avec beaucoup de sensibilité et de délicatesse.
Autre chanteuse, moins charismatique que les deux premières, mais néanmoins de grand talent est Rigmor Gustafson. Avec sa voix médium grave, accompagnée de Jacky Terrasson, elle revisite avec application les standards de grands noms du jazz comme Michel Legrand ou Dionne Warwick.
(Voice, tracks 17-22)
S’ajoutent à cette liste déjà prestigieuse des chanteuses non moins prestigieuses comme Viktoria Tolstoy, Rebekka Bakken, Marie Boine, Solveig Slettahjell, Ida Sand et tant d’autres encore...
Une compilation de ces voix est d’ailleurs sortie tout récemment sous le titre de Magic Nordic Voices au label allemand ACT. Une occasion de découvrir une génération exceptionnelle, dans la mesure où ces voix scandinaves actuelles n’ont rien à envier à celles de leurs consoeurs d’outre-Atlantique, telles Diana Krall ou Cassandra Wilson.
De quoi susciter la jalousie chez nous car, si la France peut s’enorgueillir de talents jazz de réputation internationale, force est de constater que 95 % d’entre eux sont des instrumentistes. Et, contrairement à la Suède, la France manque singulièrement de grandes voix jazz.
Seul éclair dans la grisaille, Fredrika Stahl est l’égérie jazz du moment.
Sauf que, jeune Parisienne d’adoption de 21 ans, Fredrika n’est pas française, bien qu’elle ait fréquenté un temps les bancs de nos écoles, mais... suédoise.
A l’instar des talents de la scène française du R&B en pleine vogue, on se prend pourtant à rêver d’un destin aussi prometteur pour nos jazzwomen. Espérons que Fredrika sera notre bonne fée et qu’elle saura susciter chez nous des vocations.
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