Les Noces rebelles de Sam Mendes
Sam Mendes à offert un joli cadeau à son épouse, l’actrice anglaise Kate Winslet. Le rôle tenu par cette dernière dans Les Noces rebelles lui a valu de remporter un Golden Globes la semaine dernière. Joli cadeau donc. Pourtant ce projet, parce que son sujet est difficile, aurait pu agir en épouvantail pour le couple. Fort heureusement pour nous spectateurs, chez les Mendes, on ne semble pas superstitieux.
Nous arrivons déjà au terme d’une décennie, la première de ce siècle. Il est curieux de noter que Les Noces rebelles réunit tous les principaux talents qui ont émergés à la fin de la décennie précédente, et n’ont ensuite jamais déçu. Leonardo DiCaprio et Kate Winslet forment un couple mythique de l’histoire du cinéma, grâce à James Cameron et son Titanic (1997). Sam Mendes, alors seulement reconnu pour ses talents de metteur en scène de théâtre, a lui fait une entrée remarquée et remarquable dans le monde du cinéma avec l’exquis American Beauty en 2000. Déjà, Sam Mendes observait à la loupe le délitement d’une famille, mais avec humour - caustique certes -, ce qui n’est pas du tout le cas ici.
Depuis, Mendes s’est tourné vers des projets radicalement différents, Les Sentiers de la perdition d’abord, Jarhead ensuite, et confirmé son réel talent de cinéaste. Les retrouvailles entre DiCaprio et Winslet, sous l’oeil malin du mari à la ville de cette dernière, suscite une légitime curiosité.
Sam Mendes a du prendre un malin plaisir à représenter la destruction du couple de Titanic. Les Noces rebelles raconte l’histoire d’un jeune couple de mariés, dans les années 50, à qui la vie semble sourire parfaitement. Le cadre de l’histoire - les 50’s - est important puisqu’il donne tout son sens au titre - français -. Dans une Amérique conformiste, le couple que sont les Wheeler répond finalement mal aux conventions. Les tensions entre les deux apparaissent très vite. Ils se sont mariés rapidement, ne savent pas vraiment s’ils s’aiment, mais s’attirent irrémédiablement. Ils étouffent pourtant l’un à côté de l’autre, et les disputes sont courantes.
Peut-être pour correspondre aux conformités de l’époque, même s’il est probable que la raison est ailleurs, le couple cherche pourtant des solutions à son équilibre. La naissance de deux enfants vont le symboliser. Mais si le symbole est flagrant c’est parce que ce qui est en fait remarquable c’est cette absence quasi générale des enfants au coeur de cette intrigue. Les enfants ne sont pas un enjeux, on évoque rarement leurs cas et leurs places aux sein de cette famille. S’ils n’existaient pas, ce serait presque pareille. Ces enfants - on finit par nous en avouer la raison - n’ont finalement été conçus que pour redonner du souffle à un couple qui n’arrive pas à cohabiter et qui implose facilement au moindre écueil.
Les deux époux sont terriblement frustrés, ce qui les paralyse probablement en partie. L’une se verrait bien actrice mais comprend bien trop rapidement que ça ne peut être sa vocation, l’autre rêvait d’une vie plus remplie que celle vécue par son père mais exerce malheureusement pour lui exactement le même travail.
Alors comment dépasser cette frustration, comment être heureux ensemble ? En se raccrochant à des rêves, qu’importe qu’ils puissent paraître utopiques. April convint Franck de changer de vie radicalement, de fuir cette banlieue qu’ils habitent, de fuir leur emprisonnement social, et de s’évader en Europe, à Paris. Ce projet est une audace, une provocation même, par rapport au milieu social dans lequel le couple évolue. Le couple choc et eux même s’en amusent, se comparant à celui qui est considéré comme un illuminé mais qui en fait est le seul à lire dans leurs façons d’être et d’agir. Le voyage pour rallier l’Europe est lui programmé et se fera en bateau. L’ironie est fabuleuse. Sam Mendes va réussir à faire couler de nouveau le paquebot sensé réunir Kate et Léo.
Et Sam Mendes le fait brillamment. Tout le métrage se construit par petites touches subtiles. La sophistication de la mise en scène se marie à merveille avec le jeu toute en nuance des acteurs. La pluspart des émotions ne sont pas exprimées directement mais ressenties par les plissements de visages des deux acteurs. A ce jeu là, Kate Winslet est même bouleversante.
Le film s’achève de manière relativement inattendue mais, surtout, de façon intelligente. Dans d’autres mains, Les Noces rebelles aurait pu s’achever dans un final étiré est larmoyant. Ce n’est donc pas le cas. La conclusion, toute en ellipse, est juste sublime de retenue et de subtilité.
Les Noces rebelles évolue sur un registre assez proche de Kramer contre Kramer (Benton, 79). Le genre de sujet qui peut effrayer le grand public, plutôt réceptif aux contes de fées que le contraire. Le dernier film en date sur un sujet proche doit être La Rupture de Peyton Reed (2006), pour lequel j’ai beaucoup d’affection mais qui a été pas mal ignoré. En revanche, le film est idéal pour émouvoir l’académie des Oscars. Je n’ai aucune idée de l’ampleur du succès public de Kramer contre Kramer à l’époque mais il a été récompensé par cinq Oscars, dont deux pour le couple maudit incarné par Dustin Hoffman et Meryl Streep.
Les Noces rebelles pourrait très bien récolter une semblable moisson. Tout s’y prête, et d’abord parce que le film est bon. Sam Mendes est en plus familié de l’exercice (cf. American Beauty). Kate Winslet est elle sur la bonne voie, si l’on se fie à la route tracée à partir des Golden Globes. DiCaprio est lui plus maudit (3 fois nommé, jamais vainqueur) et devra faire face à une concurrence redoutable, Mickey Rourke en tête. Bref, Les Noces rebelles sera sans doute un des favoris pour la prochaine cérémonie (le 22 février) et dont les nominations seront annoncée jeudi.
Benoît Thevenin
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