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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Les Puces : émotions durables ?

Les Puces : émotions durables ?

Ce week-end, c’était la fête des Puces, plus exactement le 3e Mondial de l’Antiquité. Vendredi soir, j’avais la chance d’assister à la soirée de lancement... Un instant magique, jusqu’au moment où le conte a viré en western : rencontre avec des puciers rebelles pour la bonne cause, puis découverte de notre carrosse transformé en citrouille.

Le plus grand marché d’antiquité du monde (7 hectares, 17 marchés, 2 000 boutiques et stands) s’est mis sur son 31 pour ce week-end festif : vendredi soir (entrée sur invitation des commerçants) stands en fête, lumières irréelles, musique... une ambiance magique, savoureux mélange de décor de cinéma et de caverne d’Ali baba-cabinet de curiosités.
D’un stand à l’autre, vous êtes transportés dans le formica orange des années 70, les commodes ventripotantes Louis XV, le mobilier industriel, les objets scientifiques ou l’art de la table. Même le soleil capricieux du XXIe siècle était du voyage spacio-temporel... Signe du destin ?

Et hop, téléportation dans l’enfance avec ces figurines Casimir et Goldorak... dans l’histoire familiale et/ou sociétale : vieux Paris-Match, robes années 50, effets militaires... Musée vivant et attachant avec tous ces marchands généreux en anecdotes...
Chaque objet tout seul, chez vous ou ailleurs, ne serait presque rien, mais là happé dans la multitude, habilement mis en scène et amoureusement raconté par son futur ex-propriétaire, il devient star.
Cette porte monumentale d’un château de Draveil (murs sauvés par transfo en copropriété d’appartements, mais intérieur démantibulé) est théâtralement adossée contre un mur de boutique de Saint-Ouen.
Ce morceau de patrimoine sera après-demain un bout de France en Australie, en Russie ou au Canada.
J’ai même aperçu quelques people (si ça peut aider l’image des Puces et favoriser le commerce...)... Ironie du sort, leurs objets fétiches, livres ou disques seront peut-être demain aux Puces ? Comme l’étagère Onkel Ikea dans vingt ans ?

Peut-être, à condition que ce lieu à l’ambiance unique perdure.
Deux marchés, Paul Bert et Serpette sont déjà menacés. Un fond de pension, propriété du duc de Westminster, a acquis ces deux « marchés-branchés » en 2005 pour 50 millions d’euros et souhaite aujourd’hui augmenter les baux de 35 à 70 %, mais aussi rénover. Leur conviction : « l’activité réalisée sur ces deux marchés, de même que sur l’ensemble des Puces de Paris Saint-Ouen, peut être fortement dynamisée. »
Comment maintenir les marges et des prix accessibles dans ces conditions ?
Comment faire cohabiter rentabilité d’un fond de pension avec pérennité d’un lieu unique au monde et faisant vivre plus de 2 000 commerçants, sans compter les retombées économiques-touristiques pour Saint-Ouen et Paris ?

Les Puces de Paris-Saint-Ouen, c’est un « lieu d’errance à part », comme le disait l’anthropologue sur Europe 1 ce dimanche 7 octobre matin.
Une atmosphère, un spectacle surprenant, une source inépuisable d’objets de décoration et de prêt-à-porter, haute-couture parfois, mais pas un supermarché ni le Louvre des Antiquaires, le n° 2 plus luxueux du marché de l’antiquité.
Amis planneurs stratégiques et autres pubards, je vous défis de mettre des concepts sur ce positionnement mercantile ;-)).

Les puciers ont donc décidé de riposter
Les Puces, un lieu en prise directe avec notre société (déco, socio, conso...) et ouvert sur le monde (clientèle de plus en plus internationale), sans doute la raison pour laquelle les puciers ont choisi d’adopter les méthodes éprouvées de guérillas marketing, avec une pincée de patrimoine bien sûr : et ça donne une marchande invoquant Robin des bois ou La Fontaine habilement re-mixés avec des slogans publicitaires...
Vêtus de tee-shirts noirs comme le deuil, les puciers ont distribué la version revisitée de la fable de Jean de La Fontaine, Le Savetier et le Financier : « Nous ne sommes pas à vendre, gardez vos 100 écus, regagnez la perfide Albion ! »

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Les puciers comptent bien se battre. Ils ont déjà réussi à faire classer les Puces ZPPAUP, c’est-à-dire pour l’ambiance et le patrimoine paysagé, une catégorie unique en France.
Ce classement a permis de se prémunir contre la schizophrénie des élus communistes de Saint-Ouen qui vantent les Puces dans leurs guides touristiques, mais refusent d’y construire des parking et vidéo-surveillance pour en faciliter et sécuriser l’accès.
Waouh, de quoi s’y perdre : les puciers emploient des recettes marketing pour lutter contre le capitalisme triomphant, mais ne sont pas toujours soutenus par les disciples du collectivisme ? Un casse-tête à la hauteur du paradoxe des Puces...


medium_Puces_Allee.2.jpg Rénovation pour améliorer le confort pourquoi pas, mais pas au détriment de l’ambiance unique des Puces

Créées il y a 120 ans sur les contreforts des Fortifs de Paname, les Puces sont constituées de baraques, maisonnettes, hangars. De cette disparité architecturale est née l’hétéroclisme, la diversité, le caractère et surtout l’âme des Puces.
De mon enfance lors des balades avec mes parents (chiant quand on est petit les Antiquités et amusant à la fois de voir les adultes s’emballer pour des vieux trucs poussiéreux), puis mon frangin et mes copines (bcp plus drôle la recherche du 501 usé ou du perfecto...) à aujourd’hui, j’ai pu observer, comme tant d’autres, l’évolution des Puces.

medium_Puces_EtalBoites.3.jpg Désormais, quasi plus de vêtements vintage, mais de plus en plus de neuf et de baskets le long du périf’. Baskets qui font les bonheurs de mes copines d’Audonie, de leurs enfants et d’ailleurs : j’en ai même expédié en Bretagne (35 euros les Converse, avis aux amateurs... ).
De plus en plus d’antiquaires aussi, et moins de brocanteurs : peut-être concurrencés par les vide-greniers ?
Reste que, au milieu de ce joyeux capharnaüm, se réunit un mélange improbable de visiteurs et de vendeurs, dans un paysage unique. Des rencontres sociales qui ne pourraient pas se nouer ailleurs.
Et c’est ce qui me plaît, ce que je veux voir perdurer.
Et vous connaissez-vous les Puces de Paris Saint-Ouen, vos impressions ?
Envie de venir, de revenir ? Pourquoi ?


Dur de de diriger vers le parking après cette chouette balade. Encore plus dur lorsque nous avons aperçu les bouts de verre sur le bitume et le contenu de la boîte à gants éparpillé sur les sièges de la voiture de nos amis. Le parking de l’ophlm E.Dolet, (2e sous-sol prêté par la ville de Saint-Ouen pour l’événement) était pourtant gardé par un vigile + chien. Les jeunes de la cité se seraient donc sentis "envahis" par un monde auquel ils n’ont pas accès ? Je comprends leur sentiment et en même temps, s’en prendre aux carrosses des « envahisseurs » (seuls les non-93 ont été touchés) contribue encore à creuser le fossé et accentuer les préjugés des uns vis-à-vis des autres.

La fin de soirée a été plutôt glauque au commissariat.
Dur d’entendre les autres victimes « parisiennes » se plaindre de Saint-Ouen et du 9-3 : je les cite, « on nous a délibérément envoyé dans un coupe-gorge ».
- « Non, je ne vis pas dans une colonie dans la bande de Gaza... Oui, il faut revenir... Ne pas rester sur cette impression, tout le monde a droit a une deuxuième chance... »

Point positif : rencontre avec Hervé Luxembourger, le nouveau commissaire arrivé il y a quatre mois. Cest lui qui a demandé l’outre-périph’, après avoir exercé à Cayenne en outre-mer. Pour le commissaire, jusque-là le bilan du Mondial des Puces était « positif... aucun vol avec violence, aucun vol roulotte jusqu’à cet incident ».
Un échec pour lui, sachant qu’il y a avait plus de 40 policiers sur les Puces et même la police montée (tout plein de crottes partout sur le trottoir ;-)

Une interrogation demeure :
comment-pourquoi l’organisation du Mondial et la police (municipale et nationale) ont laissé seul un vigile pour un parking avec 3 niveaux, vigile qui a été totalement débordé lorsque la bande a débarqué pour tout casser.
Erreur de casting ? C’est ce que j’ai cru comprendre en discutant avec Mohammed, calme et désemparé à la fois, venu prendre des nouvelles de son frère : - « C’est grave et pas grave à la fois », répond le policier de garde, mais je ne peux rien vous dire de plus.
- « Pourquoi ? »
- « C’est le règlement ».
Le frère de Mohammed 24 ans, n’en est pas son premier contrôle d’identité, mais cette fois il s’est un peu énervé et les policiers l’ont embarqué. Mohammed espère qu’il n’y aura « pas d’outrage sur son casier, ce serait dommage. »
- D’autres jeunes attendent dehors leurs amis : « C’est tout le quartier qui est ici, t’as vu, c des oufs ».
L’ambiance est paradoxalement calme.
Si mon petit frère était là à quelques mètres, sans que l’on veuille me donner d’explications, je crois que moi aussi je me serais énervée.

J’attends mes amis qui déposent leur plainte. Je repense à cette soirée  : comme parfois à Saint-Ouen, de conte de fées social, elle a viré en western urbain. Avec une note philosophique : vendredi soir, Gaulois, Bobos, Beurjois, Rebeu, ou même Puciers... nous avons tous été victimes de discriminations.


© rédactionnel Chroniques ma banlieue


Webographie

- Europe1.fr, émission faites comme chez vous, animée par Pierre-Louis Basse, en direct des Puces de Paris Saint-Ouen, dimanche 7 octobre 2007 de 12 h à 14 h.

- Site officiel des Puces

- 20minutes.fr, Fronde aux puces de Paris contre le Duc de Westminster.

- Le Monde, Aux puces de Saint-Ouen, le "village gaulois" des antiquaires se mobilise contre un duc anglais.

- LCI.fr, Le duc de Westminster et la guerre des Puces.


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1 réactions à cet article    


  • L'enfoiré L’enfoiré 9 octobre 2007 11:23

    @Zora,

    Merci pour l’article qui compléte le mien sur mon site (URL) et ici, sur AV.

    Mon article était plutôt dû au hasard, car je ne fréquene que très rarement les brocantes. Erreur ? Peut-être. J’avais écrit mon article à l’époque avec un peu de rêve ou de poésie pour changer. C’est un domaine qui ne « rêve » pas vraiment. L’argent est le maître mot et cela je l’ai appris en cherchant un peu plus précisément les fondements.

    Les seuls contacts avec les « vides maison » m’ont, il est vrai, un peu refroidi. Quand on voit que ceux-ci ne prennent souvent en charge que ce qui les intéressent et qui va être du vendable ensuite avec un bénéfice appréciable. La détresse des familles qui vont devoir se défaire de ces vieilleries est parfaitement utilisée et le « juste prix » n’est plus à bord dans ces conditions.

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