« Les Temps difficiles », d’Edouard Bourdet, au Théâtre du Vieux-Colombier

Dans l’esprit de Les affaires sont les affaires d’Octave Mirbeau, Les temps difficiles, qui exposent en toile de fond la faillite d’une entreprise industrielle lyonnaise annonçant le krach de 1929, dépeignent le milieu social de la grande bourgeoisie en proie à des contradictions éthiques.
En effet, souhaitant concilier l’esprit de famille avec les intérêts vitaux du pragmatisme confrontés aux prémisses d’une absorption patrimoniale, Jérôme Antonin Faure, le capitaine d’industrie, cherche désespérément à conserver au sein de sa parenté la majorité des parts que celle-ci possède.
Mais ses efforts ne suffiront pas, car au dernier moment, l’OPA est abandonnée par ses rivaux financiers, laissant apparaître un dépôt de bilan inéluctable.
Entre-temps le spectateur aura fait connaissance avec chacun des membres de la tribu qui, comme il se doit, cultive ardemment la haine affective enrobée de tout un savoir-vivre dont il est piquant de constater les compromis et les lâchetés.
Les travers stéréotypés et dérisoires de la grande bourgeoisie y culminent en opposant un train de vie quasi oisif et bavard, qui tente vaille que vaille de maintenir son luxe de classe, avec les contraintes très tchekhoviennes de la réalité économique revenant en boomerang de la Belle époque ayant épuisé son pain blanc.
Cette pièce d’Edouard Bourdet donne l’occasion à Jean-Claude Berutti d’opérer une mise en scène d’entomologiste dans laquelle il est savoureux d’observer se débattre des "insectes" pris au piège de leurs lacunes élevées en système de vie cherchant à se perpétuer.
Un drame purement racinien va se tramer autour d’une Iphigénie de circonstance, tendant à l’unir conjugalement avec un fils dégénéré d’une branche voisine en grande fortune, elle-même plus menacée que les apparences ne le laissent supposer.
Cependant, s’embarrassant peu de crédibilité psychologique, la raison fantasque trouvera une issue en trompe-l’oeil aux épineux tracas d’argent attribuant au subterfuge plongé en plein flou artistique un véritable statut moral !
Jouée par des comédiens campant avec grande justesse des personnages hauts en couleurs contrastées (Catherine Ferran, Dominique Constanza, Catherine Sauval, Bruno Raffaelli, Alain Lenglet, Pierre Vial, Guillaume Gallienne, Christian Cloarec, Madeleine Marion, Denis Leger-Milhau, Valérie Bauchau, Flora Brunier et Pio Marmaï), cette comédie est un régal dont le Théâtre du Vieux-Colombier devrait plus souvent nous gâter.
Photo © Mirco Cosimo Magliocca avec de gauche à droite : Catherine Ferrran, Guillaume Gallienne, Madeleine Marion et Dominique Constanza
LES TEMPS DIFFICILES - **** Theothea.com - d’Edouard Bourdet - mise en scène : Jean-Claude Berutti - Théâtre du Vieux-Colombier -
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