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LES TROIS SŒURS en langue des signes russe au Festival d’automne

Dans le cadre du Festival d’automne, le Théâtre de L’Europe-Odéon a proposé durant 10 jours, début octobre, un spectacle atypique dont la plupart des spectateurs s’y rendaient en n’escomptant a priori que l’originalité d’une mise en scène décalée de l’une des plus célèbres pièces de Tchekhov.

 

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LES TROIS SOEURS
Timofeï Kouliabine © Theothea.com

  

A l’origine de cette création en tournée française à Paris & Toulouse, Timofeï Kouliabine, jeune metteur en scène formé par l’Académie du Théâtre de Russie et désormais directeur du Théâtre de la Torche rouge de Novossibirsk, a eu l’intuition, deux ans auparavant, que le texte des « Trois sœurs » pourrait être, de par sa notoriété, l’un des meilleurs vecteurs expérimentaux pour une interprétation en langage des signes russe acquise délibérément par des comédiens eux-mêmes sans handicap de l’écoute et du parler.

La modalité de cette démarche serait de rendre chorégraphique un ballet où les mains des acteurs se constitueraient en perspective focale du public pouvant, par ailleurs, suivre le surtitrage sur écran.

Ainsi, au sein d’une synchronisation interactive silencieuse, aux comédiens serait attribuée la charge d’objectiver l’enjeu du relationnel, aux spectateurs celle d’en verbaliser subjectivement le récit tchekhovien.

En substituant le sujet parlant, Timofeï Kouliabine faisait bien davantage que d’inventer une bizarrerie théâtrale, c’est l’univers entier de la représentation du spectacle qui basculerait dans un ailleurs à la fois étrange et propice à une intensité émotionnelle jamais atteinte.

 

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LES TROIS SOEURS
Timofeï Kouliabine © Victor Dmitriev

  

C’est comme si peu à peu le public se glissait lui-même dans le monde de la surdité et du mutisme, en s’y plongeant en apnée durant plus de quatre heures s’avançant en crescendo.

Cependant, cette progression s’effectue dans un bruitage permanent, celui précisément que produit la communication des sourds et muets en accompagnant leurs gestes de heurts, de petits cris, de borborygmes concomitants aux expressions signifiantes des visages qui doivent se suivre des yeux pour être en phase de compréhension mutuelle.

Il est alors étonnant pour l’observateur de se rendre compte qu’il peut lui-même suivre plusieurs actions simultanées sur le plateau pourvu qu’il puisse en identifier spatialement les sources, même mobiles.

En quatre séquences d’une heure environ chacune, interrompues par trois entractes de dix minutes, la destinée des trois soeurs, Olga (Irina Krivonos), Macha (Daria Lemelianova) et Irina (Linda Akhmetzianova) aspirant à rejoindre Moscou pour échapper à la pesanteur provinciale qui s’annonce encore plus rude avec le départ définitif du régiment militaire, ne pourra se résoudre que par une acceptation, fort difficile à assumer, du principe de réalité.

 

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LES TROIS SOEURS
Timofeï Kouliabine © Victor Dmitriev

  

La trame de cette prise de conscience respective sera menée de main magistrale par Timofeï Kouliabine qui compose autant de tableaux se succédant dans le passage progressif de l’extériorité vers l’intériorité, de la pensée initiale disposée à la fuite en avant vers celle qui aboutit à une intimité dramatique encline au volontarisme devant l’impasse avérée.

En pratique, dans les premières minutes du spectacle, est diffusé un clip de Miley Cyrus mondialement connu par les adolescents dont Irina n’est censée percevoir que l’image et non la diffusion du son exacerbé.

Cela, néanmoins, suffit pour la mettre positivement en contact avec la mondialisation de l’époque. L’espoir de s’en sortir est, à ce moment, tout entier pointé vers Moscou, leur Eldorado promis.

Quatre heures plus tard, L’Odéon Berthier est en prise avec l’intensité émotionnelle plongée dans un silence presque absolu où le temps semble s’allonger inexorablement sur l’impossibilité d’échapper au vide sidéral qui les enveloppe et que seule leur sororité devrait pouvoir endiguer.

 

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LES TROIS SOEURS
Timofeï Kouliabine © Theothea.com

  

A la réplique finale « Si l’on savait ! Si l’on savait ! », le retour à l’immédiateté des applaudissements n’est, de toute évidence, pas aisé pour les trois comédiennes qui remontent à la surface par étapes, telles des plongeuses de bas-fond en eaux tumultueuses dont le visage porterait encore les stigmates mentaux du dépit destructeur.

Mais c’est, de fait en cet ultime instant du spectacle, un moment très fort qui unit les spectateurs à cette jeune compagnie menée par un maître en devenir du Théâtre russe.

   

photos 1, 4 & 5 © Theothea.com 
photos 2 & 3 © Victor Dmitriev
   
LES TROIS SOEURS - **** Theothea.com - de Anton Tchekhov - mise en scène Timofeï Kouliabine - avec Ilia Mouzyko, Anton Voïnalovitch, Klavdia Katchoussova, Valeria Kroutchinina, Irina Krivonos, Daria Iemelianova, Linda Akhmetzianova, Denis Frank, Alexeï Mejov, Pavel Poliakov, Konstantin Télégine, Andreï Tchernykh, Sergeï Bogomolov, Sergeï Novikov & Ielena Drinevskaïa - Théâtre de L'Europe Odéon Berthier / Théâtre Garonne, Toulouse

 

 

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LES TROIS SOEURS
Timofeï Kouliabine © Theothea.com

    


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2 réactions à cet article    


  • Taverne Taverne 19 octobre 2017 09:17

    IRINA : « Vous dites : la vie est belle. Oui, mais si c’était une erreur ? Pour nous, les trois sœurs, la vie n’a pas encore été belle, elle nous a étouffées, comme une mauvaise herbe... »

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