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Mantegna au Louvre : l’événement de la rentrée

Pari herculéen réussi ! Le Louvre réalise là une exceptionnelle prouesse : celle d’organiser, pour la première fois en France, une gigantesque rétrospective de l’immense et talentueux fresquiste du Quattrocento : Andrea Mantegna. Deux cents chefs-d’œuvre la composent dont soixante-dix d’entre eux correspondent soit à des autoportraits soit à des représentations de sa famille et de son entourage. Il est en effet à la fois très audacieux et extrêmement difficile de réunir autant de trésors pour un artiste d’une telle envergure, en raison de leur très grande fragilité. D’ailleurs, de rares vestiges intransportables, tels que le monumental Triptyque de San Zeno, sont restés entre les mains de leur propriétaire et jalousement gardés en lieu sûr à Vérone ou dans d’autres terres de passage du maître. A l’occasion de cet événement unique, Melting-Actu vous a dressé un portrait exclusif de l’artiste à découvrir sans hésitation dans ce temple parisien sacré de l’art.

Andrea Mantegna naît en 1431 à Isola di Carturo au nord de l’Italie et meurt à Mantoue le 13 septembre 1506. Ce superbe artiste est issu du courant Renaissance, plus particulièrement de la période Première Renaissance encore appelée « Quattrocento », en pleine rupture avec la période médiévale gothique. Il intégra à l’âge de 10 ans l’atelier de Francesco Squarcione et devint son principal disciple à Padoue, ville en pleine effervescence, attrayante et dynamique pour tous les jeunes artistes florentins, toscans ou vénitiens comme lui. A 17 ans, il s’émancipe et quitte son maître. Ses créations révèlent la très forte influence de la formation artistique dispensée par son ancien professeur, fondée essentiellement sur la Rome et Grèce antique sans oublier la prégnance des peintres Ucello et Donatello.

C’est alors qu’en 1448, il peignit sa première œuvre avec la collaboration du peintre Nicollo Pizolo : les fabuleuses fresques de la Chapelle des Eremitani de Padoue, hélas partiellement détruites par un bombardement en 1944. Le succès gagna très rapidement ce jeune prodige surdoué. Il créa en 1457 un célébrissime retable Pala di San Zeno pour l’église de Vérone puis d’autres bijoux verront progressivement le jour au cours de son existence comme La Prière au jardin des oliviers, tableau conservé au musée des Beaux-Arts de Tours, La Circoncision, la superbe Mort de la Vierge du musée du Prado, L’Adoration des Bergers, Saint Marc ou enfin La Vierge à l’Enfant.

Son travail au fil du temps prend toujours plus d’ampleur, s’affine et gagne en maturité. Sa maîtrise époustouflante de la perspective enrichie de références antiques constituera sa principale marque de fabrique. La Crucifixion ou Le Martyre de saint Sébastien en sont d’ailleurs les plus parfaites illustrations. Son talent lui permet bientôt de gagner rapidement la Cour pontificale de Rome, un tournant cependant très sombre dans la vie de l’artiste durant lequel sa facture se modifie. Il ne restera dans la capitale que deux courtes années.

En 1460, Mantegna est nommé artiste de Cour auprès du Marquis Louis III de Gonzague à Mantoue et s’y installe avec sa famille puisqu’il se marie avec la sœur de l’illustre Giovanni Bellini. C’est là qu’il entreprend durant quatorze années l’un de ses plus grands joyaux La Chambre des époux, une fresque représentant la famille Gonzague au quotidien. A partir de 1474, le maître subit une période de « vaches maigres » de dix années et ce n’est qu’avec le couronnement de François II que les affaires reprennent. En 1483, il achève son splendide Saint Sébastien et, en 1488, sur commande du Vatican, il démarre une œuvre majestueuse à l’effigie du plus invincible empereur de la civilisation romaine : Le Triomphe de Jules César.

En 1490, il se lie très étroitement avec la nouvelle marquise Isabelle d’Este. Sa santé décline toutefois, mais son hyperactivité débordante reste intacte. La somptueuse Lamentation au-dessus du Christ Mort s’ajoute à son prestigieux palmarès ainsi que La Madone de la Victoire, une pièce à contempler au Louvre et peinte en 1495. En 1497, sur la demande d’Isabelle Este, il représente les chants mythologiques du poète de Cour Paride Ceresara sous la forme de plusieurs peintures sur toile, dont Minerve chassant les vices du jardin de la vertu. Ces dernières seront dispersées les années suivantes. L’une d’entre elles, inachevée, sera terminée par Costa de Lorenzo, son successeur à la Cour. Mantegna meurt en 1506, ruiné. Il sera inhumé dans une chapelle mortuaire contenant un retable qu’il avait personnellement érigé.

Outre son talent pour la peinture et la réalisation de fresques, Mantegna n’en est pas moins un redoutable graveur. Son statut de peintre à la Cour l’empêchait justement de commercialiser et de diffuser ses travaux. La gravure fut donc à ses yeux le meilleur moyen de marquer à jamais son empreinte à travers tout le pays. Plusieurs artistes, essentiellement des sculpteurs lombards, se sont inspirés de fait de ses productions, notamment la fameuse gravure La Mise au tombeau, reproduite dans une abbaye non loin de Varèse sur un relief boisé observable au Louvre dans la section de l’exposition intitulée «  Mantegna invenit ». Ces répliques prouvent la puissante ascendance de Mantegna sur le plan artistique. Toutes ses compositions ont majoritairement servi tant dans les arts décoratifs, que dans la peinture ou la sculpture. On peut citer entre autres : Hercule et Antée, Les dieux marins, Judith avec la tête d’Holopherne, La Déposition de la Croix, La Résurrection ou enfin L’Homme de douleur.

Par son goût démesuré pour l’Antiquité, sa maîtrise de la perspective et de l’illusion optique, Mantegna devient LA figure de proue du Quattrocento italien et passe à la postérité pour la plupart des futurs génies de l’art italien comme Léonard de Vinci, Raphaël, Michel-Ange ou encore pour d’autres contemporains internationaux tels que Dürer. Défini comme austère, il se montre néanmoins toujours capable d’innover et de renouveler ses techniques et de les adapter à celles de son temps. Tantôt adulé de son vivant, tantôt malmené, Mantegna n’en reste pas moins une référence indétrônable pourtant méconnue aujourd’hui du grand public. L’exposition du Louvre a donc le mérite de rendre le travail de ce monument accessible tant pour le néophyte que pour l’amateur éclairé ou l’expert érudit. Mais, en même temps, elle soulève de nombreuses problématiques, à savoir : quelle aurait été la vision de Mantegna sur cette rétrospective ? La dernière date de 1961 à Mantoue. Toutes les précédentes manifestations sur l’artiste suscitèrent à la fois de vastes polémiques et une grande fascination devant cet incroyable géant. En 2006, l’Italie lui rend hommage pour le 500e anniversaire de sa mort et subsistent toujours et encore des questions sur la datation exacte de ses créations et sur d’anciennes hypothèses quant à son statut de graveur ou de sculpteur. D’où la volonté de Paris de confondre l’histoire de Mantegna avec l’Histoire et donc d’établir une chronologie fidèle, grâce à l’appui scientifique de Giovanni Agosti. Cela dit les organisateurs ont surtout cherché à retranscrire à travers tout le parcours les joies, les succès, les peines et les vicissitudes de leur vedette. On ne peut qu’acquiescer en ce sens la citation de Maurice Druon : « Tout homme qui exerce un art, et quel que soit cet art, et même tout homme qui acquiert une œuvre d’art, cherche à prolonger sa durée biologique, à se rattacher au passé et à se projeter dans l’avenir. »

Sandra Wagner (rédactrice sur www.melting-actu.com )

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1 réactions à cet article    


  • Pierre de Vienne Pierre Gangloff 16 octobre 2008 18:48

    Bashung, Mantégna nous avons les mêmes admirations, à la différence qu’ici vous parlez plusieurs fois de la maîtrise par Mantégna de la perspective. Je ne parlerai pas pour ma part de maîtrise mais plutôt de l’usage immodéré d’une technique fraîchement acquise, avec toutes les naïvetés que cela suppose. C’est cette manière toute primitive qui fait que Mantégna est grand. Les corps deviennent quasiment des éléments d’architecture, jambes et torses comme des troncs de colonnes, raccourcis saisissant de corps allongés qui sont comme des éléments d’une ruine. On partage avec lui cet enthousiasme qu’il a du avoir à expérimenter ces nouvelles profondeurs . J’ai hâte de voir cette expo.

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