« Si vous mangez le pain blanc avant le pain noir c'est difficile d'y revenir ».
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Serre_de_Montdenier, le pays de Scipion, vu_de_Majastres 2013 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Sébastien Thébault |
Les hameaux déchus de la montagne enrichissent la plaine comme la Durance enrichit la Crau. Les petits-fils auront-ils seulement à cœur de s’intéresser à la vie des leurs, avant ? Les descendants ne reviennent plus. Ce serait difficile de revenir en arrière ; si la ferme a l'électricité, l'eau provient d'une source... il n'y a pas de toilettes, pas de salle de bains.
Son hameau de Vénascle, à 950 mètres d’altitude, a été colonisé par les Belges. Son voisin qui ne vient jamais a acheté 800 hectares...
Comme c'est le cas concernant nos vignerons du Midi, il tient à redresser un a priori tenace sur ces « fainéants » de méridionaux, qui, à partir de dix heures, discutent en groupes, ou jouent aux boules en buvant le pastis. Conçoivent-ils qu'en plein été, si la journée de travail commence à 4 heures, vers 11 heures, la journée dite “ de longue ” ou coupée en attendant que passe le gros de la chaleur, est loin de faire d'eux des oisifs ?
Les Parisiens pourtant, tout comme chez nous les touristes en général, à l'exception de quelques énergumènes, Scipion ne leur fait pas mauvaise figure, plein de pitié qu'il est pour ceux qui vivent dans la capitale. Mais lui ne se trouve pas bien à Paris.
« Il faut savoir ce que l'on aime... » La Montagne, J. Ferrat, 1967.
On monte chez les rares paysans qui restent.
Une fois, des randonneurs s'exclament :
« Regarde, il la prend par derrière !
— Et comment voulez-vous qu'il fasse, réagit Scipion, à propos du bélier dans ce que les gênes ont commandé à la bête de faire. »
Les échanges profitent à tous ; il leur vend du miel, ils sont contents, cela lui a donné des contacts avec toutes sortes de gens, même hauts placés.
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Haute vallée_de_l'Ubaye,_Maurin, hameau de Maljasset, 2013 the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Anabase4 |
Plus gravement, Marcel Scipion s’inquiète de la montagne qui se meurt, des gouvernants qui laissent faire. « La vallée de l'Ubaye je n'y étais plus allé depuis vingt ans, les hameaux abandonnés, les maisons, quelques estivants de Marseille et d'ailleurs. Faut l'aider, la montagne, permettre de vivre de la terre, la montagne réservoir de produits naturels qui permettraient aux hommes des villes, anémiés, détraqués, de se remettre. Faut un certain courage à vivre là. Il faut des paysans mais instruits c'est mieux. Le député est un avocat, les élus ne sont pas des ruraux... il faut que les agriculteurs s'impliquent parce qu'ils savent... restructurer, aménager la montagne... » (pardon pour les répétitions : c'est de l'oral retranscrit).
Un demi-siècle en arrière, rien que pour la montagne, Scipion n'aurait pu se figurer la perte des prairies, des fleurs sauvages, les dégâts induits par la suppression des haies et bocages... Ah ! le remembrement, une sacrée bonne idée ! Et pour ses abeilles, pouvait-il anticiper le varoa, le frelon asiatique, tout ce que le mondialisme apporte de “ si bon ” et ce, de plus en plus...
Cette prise de conscience ne date pas d'hier. Il y a bien cinquante ans qu'elle s'est formée. Avec le témoignage de Scipion, l’inquiétude dépasse ce qui n’était qu’extravagance de nantis au début, et qui, petit à petit est devenu une obligation sans quoi nous allons à une catastrophe de plus en plus annoncée. Opposants systémiques, ne racontez pas d'histoires, la nature n'opère pas d'elle-même des changements aussi rapides et brutaux !
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Pelotes de chanvre filées en 1826, musée de St-Paul-sur-Ubaye 2006 the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license Auteur JYB Devot |
De timide, le changement de cap devrait se préciser avec moins de bagnole, moins de produits venus de l'autre bout du monde. Fichtre, des fraises du Chili en décembre ! surréaliste ! Plus de proximité, finie l'obsolescence programmée (un moyen de museler un capitalisme aussi fou que meurtrier).
Cinquante ans ont passé... S'il faut en arriver à un siècle de tergiversations, ce n'est plus la peine, c'est foutu !