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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Marie Stuart : reine martyre ou intrigante ?

Marie Stuart : reine martyre ou intrigante ?

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Le 8 février 1587, dix heures du matin. Marie Stuart, ancienne reine d’Ecosse et de France et légitime reine d’Angleterre pour les catholiques, est décapitée sur les ordres de sa cousine Elisabeth d’Angleterre. La raison : elle aurait comploté l’assassinat de cette dernière dans le but de la remplacer sur le trône.

 L’exécution est terrible. Marie n’a pas droit au glaive (pourtant réservé aux personnes de la noblesse) mais à la hache, et on lui arrache sa croix catholique. Le premier coup de hache s’abat sur l’occiput. Pas encore morte, on lui assène un second coup sur la nuque qui ne l’achève toujours pas. Il faudra scier ce qui reste pour que le calvaire de Marie Stuart s’arrête enfin.

 Cette exécution est entrée dans la légende. L’horreur des faits ne fait qu’accentuer l’image d’une Marie Stuart martyre, image que les catholiques souhaitent à tout prix lui octroyer. Mais Marie Stuart est-elle réellement la pauvre victime innocente d’une Elisabeth intransigeante et inhumaine ou bien a-t-elle vraiment attenté à la vie de sa cousine anglaise ?

Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord remonter à l’enfance de la reine écossaise et remettre les faits un contexte historique plus large.

L’enfance de Marie Stuart et le séjour en France

 Marie Stuart naît le 8 décembre 1542 au palais de Linlithgow, en Ecosse. Son père, le roi Jacques V d’Ecosse meurt six jours après : Marie se retrouve alors reine. Sa mère, la française Marie de Guise-Lorraine, assure la régence. Dès lors, la petite fille va devenir l’objet de convoitises de la part du roi Henri VIII d’Angleterre. Alors qu’elle n’a qu’un an, il émet le souhait de la marier à son fils Edouard. Son objectif ? Annexer l’Ecosse à son royaume.

 Soutenue par le Parlement écossais, Marie de Guise refuse la proposition d’Henri VIII. Ce dernier, furieux, tente alors d’enlever la petite reine lorsqu’elle a quatre ans. C’est un échec, mais un événement révélateur pour Marie de Guise : elle doit protéger l’Ecosse des désirs impérialistes de l’Angleterre, donc sa fille. Elle prend la décision de l’envoyer en France, sa terre natale, avec laquelle elle passe alors une sorte de « contrat » : pour resserrer l’alliance entre les deux gouvernements, Marie Stuart devra épouser le futur roi de France, François, de deux ans son cadet.

Commence alors pour elle (elle n’a que six ans) une vie de bonheur. En effet, jamais elle ne sera plus heureuse que lorsqu’elle fut en France. La reine Catherine de Médicis prend soin de son éducation et son instruction. Elle est aimée et choyée, elle grandit auprès de François, son fiancé, avec lequel elle entretient une grande complicité. Ils se marient dans la cathédrale Notre-Dame le 24 avril 1558, alors qu’ils sont respectivement âgés de seize et quatorze ans. En juillet 1559, le roi de France Henri II meurt suite aux blessures subies lors d’un tournoi quelques jours plus tôt. François hérite de la couronne et prend le nom de François II, Marie se retrouve reine. Son destin semble être parti sous de bons augures.

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Marie Stuart et François II 

 Environ au même moment, en novembre 1558 exactement, en Angleterre, Elisabeth, fille du roi Henri VIII, monte sur le trône après la mort de sa demi-sœur, la reine Marie Tudor. Fidèle aux désirs de son père qui avait rompu avec le Pape opposé à son divorce avec Catherine d’Aragon (créant alors ce que l’on va appeler l’anglicanisme), son régime est protestant. Pour les catholiques, Elisabeth est donc une souveraine hérétique mais aussi illégitime. Elle est en effet la fille qu’Henri VIII a eue de Anne Boleyn, sa seconde épouse et surtout la femme pour laquelle il y a justement eu schisme religieux.

Pour les catholiques, Elisabeth est donc une usurpatrice. Pour eux, la véritable reine d’Angleterre est… Marie Stuart. Mais par quel lien familial peut-elle prétendre au trône ? Pour répondre à cette question, il faut remonter deux générations. En effet, la grand-mère de Marie Stuart, Marguerite Stuart qui épousa en 1503 Jacques IV, roi d’Ecosse, n’est autre que… la sœur aînée du roi Henri VIII !

Marie Stuart, aux yeux d’Elisabeth, représente donc un véritable danger, d’autant plus que son pouvoir, remis en cause par les papistes, est fragile. En effet, le début de son règne est difficile : elle doit se montrer ferme dans ses décisions et faire sans cesse ses preuves pour renforcer sa légitimité aux yeux non seulement de son pays, mais aussi de l’Europe tout entière. Les choses deviennent encore plus ardues lorsque Marie Stuart, soutenue par l’Eglise et le Pape et déjà forte de ses titres de reine d’Ecosse et reine de France, revendique officiellement le trône d’Angleterre : la guerre entre les deux femmes est déclarée.

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Elisabeth d’Angleterre 

Le retour en Ecosse

Alors que la position de Marie Stuart semblait bien confortable, un événement imprévu va précipiter son destin : de santé déjà fragile, le roi François II meurt le 5 décembre 1560 d’une otite mal soignée. Son frère Charles lui succède. Marie se retrouve veuve et sa vie bascule : Catherine de Médicis, qui détient la réalité du pouvoir, ne veut plus d’elle à la Cour de France. Marie ressent une solitude absolue. Elle n’a qu’un recours : retourner en Ecosse qu’elle a quittée, rappelons-le, alors qu’elle n’avait que six ans. C’est pour elle un pays inconnu.

Marie n’est pas préparée au pouvoir. Son retour s’annonce difficile, d’autant plus que les protestants, menés par John Knox, sont à la tête du gouvernement. Son titre de reine d’Ecosse est par conséquent plus formel que réel. Pourtant, elle va tenter de faire basculer la situation. Pour cela, elle songe à un mariage qui renforcerait sa position. Elle pense alors à son cousin Lord Darnley, qui a le double avantage d’être un successeur potentiel au trône d’Angleterre et d’être catholique. Au départ mariage de raison, cette union va se révéler pour elle un véritable désastre sentimental. Marie tombe folle amoureuse de son époux qui lui rend son amour par coups d’infidélités et de maltraitances physiques. Humiliée, déprimée malgré la naissance d’un fils, Marie prend un amant : Lord Bothwell, un de ses conseillers.

Dès lors, l’image de Marie Stuart, déjà négative, va être de plus en plus dépréciée. On lui attribue les maux féminins que sont la passion des sens et la légèreté sexuelle. Par ailleurs, Lord Bothwell n’est pas apprécié par une grande partie de la noblesse écossaise. Marie, qui voulait consolider son pouvoir, se voit de plus en plus discréditée. Mais les choses ne s’arrêtent pas là et sa passion amoureuse va l’amener à empirer la situation. En effet, Lord Bothwell est extrêmement ambitieux. Ce qu’il désire : épouser Marie Stuart pour accéder au trône d’Ecosse. Pour cela, il doit éliminer l’époux de cette dernière, Lord Darnley. Le 9 février 1567, il le fait étouffer dans son jardin après avoir incendié sa demeure. Marie Stuart est accusée de complicité, bien qu’il n’y ait jamais eu de preuves de sa participation à ce crime. Et, comble de l’intolérable pour ses ennemis, elle finit par épouser Lord Bothwell le 15 mai 1567. Cette union fait scandale, à tel point qu’un soulèvement populaire a lieu. Les protestants, menés par des nobles écossais, profitent de ce désordre pour tenter d’évincer Marie du trône. Dans leur lutte, ils sont militairement soutenus par Elisabeth d’Angleterre. Les deux armées s’affrontent et la défaite est cuisante pour Marie. Arrêtée, elle est enfermée au château de Lochlaven. Bothwell l’abandonne à son malheur et s’enfuit.

Marie est forcée d’abdiquer le 24 juillet 1567 au profit de son fils, le petit Jacques, qui n’a qu’un an. Jamais elle ne reconnaîtra la valeur de cette abdication, car elle fut exécutée sous contrainte.

L’évasion et la captivité en Angleterre

Le 2 mai 1568, Marie parvient à s’échapper de la forteresse de Lochlaven. Ne sachant où aller, elle décide de trouver refuge chez sa cousine Elisabeth d’Angleterre. Cela semble fort paradoxal, mais Marie se sent confiante. En effet, depuis des années, sans l’avoir jamais rencontrée, elle entretient une correspondance avec la souveraine anglaise qui, malgré qu’elle soit son ennemie politique, se montre fort courtoise et bienveillante. Marie n’a pas conscience du danger.

Or, la reine Elisabeth ne sait que faire d’elle. Elle décide alors de la placer en résidence surveillée. Cette détention va durer dix-neuf ans. Elisabeth n’ayant pas un mauvais fond, les débuts de la captivité sont assez « dorés » : Marie a des serviteurs, des dames de compagnie, elle chasse, se promène… En bref, elle mène une vie relativement agréable.

Cependant, au bout de quelques années, la tension monte. Marie se sent prisonnière et n’a toujours pas renoncé à ses prétentions au trône d’Angleterre. Sous l’influence du duc de Norfolk qui souhaite renverser Elisabeth et ensuite épouser Marie qui deviendrait par conséquent reine d’Angleterre, elle accepte le complot. C’est un échec. Norfolk est arrêté et exécuté ; la surveillance vis-à-vis de Marie se restreint drastiquement. Elle n’a notamment plus le droit de correspondre et ses conditions de vie ne sont plus celles des débuts : elle vivra désormais dans des forteresses glaciales, sans aucun confort.

Les choses s’accélèrent dans les années 1584-1585. Une partie de l’entourage d’Elisabeth, dont son plus proche conseiller William Cecil, considère Marie Stuart comme une menace permanente dont il faut se débarrasser. En effet, elle pourrait fort rallier les catholiques et les mécontents du régime anglais. Mais Elisabeth, qui n’est pas une sanguinaire, répugne à exécuter une personne de sang royal. Elle refuse, ou plutôt repousse toujours à plus tard une décision qui se fait pressante.

Devant tant de tergiversations, ses conseillers décident alors, et sans la mettre au courant, de monter un complot contre Marie Stuart. Ils envoient des hommes, dont un certain Guilford, auprès d’elle, afin de lui faire croire qu’ils souhaitent l’aider à renverser sa cousine et s’emparer du trône d’Angleterre. Leur but : faire conspirer Marie Stuart contre Elisabeth afin de créer des preuves. Marie Stuart, pour son plus grand malheur, tombe dans le piège : elle écrit alors des lettres à destination de la France et de l’Espagne, dont elle espère du soutien politique, et correspond avec un groupuscule catholique qui lui offre de faire assassiner Elisabeth. Marie accepte cette proposition. Elle signe là son arrêt de mort : ces lettres sont interceptées par les services secrets anglais.

Pourtant, lorsqu’Elisabeth apprend la nouvelle, elle hésite encore quant à l’exécution de sa cousine. Mais, pressée encore une fois par ses conseillers et le Parlement, son incertitude ne dure pas longtemps : Marie Stuart est alors arrêtée et un procès a lieu.

Il est naturellement inutile de dire que ce procès n’est qu’une formalité. Car dans la loi anglaise, comploter contre le souverain équivaut à la peine de mort. Marie maintient pourtant son innocence, tentant d’expliquer qu’elle n’a été que la victime d’une conspiration. Déclarée coupable, elle est condamnée à la décapitation. Seule Elisabeth peut encore lui faire grâce. On sait qu’elle mit un long moment à signer l’ordre d’exécution…

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L’exécution de Marie Stuart (peinture du 19è siècle)

Bibliographie

 Michel DUCHEIN - Marie Stuart, Fayard, 1987

 Luc MARY - Marie Stuart, la reine aux trois couronnes, L’Archipel, 2009


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4 réactions à cet article    


  • dootjeblauw 30 août 2010 15:35

    Merci pour cet article limpide, j’ai beaucoup aimé surtout après la série télévisée anglaise sur les Tudor. Je m’empresse de lire vos articles.


    • Waldgänger 30 août 2010 20:01

      Article très clair, qui méritait un petit mot de remerciements.


      • Michèle DRAYE 30 août 2010 22:06

        J’ai lu que la Princesse DIANA descendait des STUART et que c’est parce qu’elle « légitimait » le trône qu’elle a été choisie comme épouse du Prince Charles, ce qui expliquerait ce choix car les SPENCER sont de « petite » noblesse

        Les WINDSOR sont d’origine allemande


        • Jude 31 août 2010 11:13

          Article très interessant et bien écrit.

          Ma famille étant fortement liée à l’histoire de cette femme, je ne peux m’empecher de prendre son parti.

          Je me permettrai deux petites choses :

          1- Rajouter un lien photo pour le palais de Linlithgow,
          2- Modifier le nom du chateau d’où elle s’échappa en 1568 : il s’agit de la forteresse de Loch Leven

          Je recommande par ailleurs un site plutot complet mais en anglais http://www.marie-stuart.co.uk/

          Encore merci pour votre texte

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