Maurice Biraud, l’ami nonchalant
Je ne résiste pas au plaisir de me repasser en boucle la saga des comédies en noir et blanc nourries aux inénarrables dialogues du père Audiard, comme les Tontons flingueurs, le Cave se rebiffe, et j’en passe.., du ciné enjoué, idéal pour meubler un long et monotone Dimanche de novembre.
D’une génération qui n’était pas la mienne, les Blier, Carmet, Blanche figurent en bonne place dans ma galerie d’acteurs fétiches, au côté du grand Clint Eastwood, sans rapport, il est vrai, avec ces gars là.
Mais il y en a un pour qui j’éprouve une certaine tendresse, comme pour le pote que j’aurais aimé avoir, le genre de gars qui vous est fidèle dans les bons comme dans les mauvais jours et qui sait aussi vous dire merde sans hésitation, quand il le faut.
Ce gars, c’est Maurice Biraud, disparu subitement en 1982 à l’âge de 60 ans, lâché par son palpitant dans sa Peugeot 203, parti pour ainsi dire comme un voleur.
Vrai que pour moi à l’époque, l’actualité française passait au second plan, loin derrière mes amours bataves. Depuis, j’ai comme une pointe de remords de n’avoir été présent pour l’ultime adieu que l’on adresse à un ami disparu.
Avec sa gueule de parigot un poil ombrageux des quartiers populaires, il symbolise le français moyen type, celui qui ne rit pas beaucoup, qui ne transige pas et vous balance un non qui ne flirte pas avec le oui, franc du collier quoi.
Avec sa dégaine commune, Biraud pouvait camper plus vrai que nature le garagiste gouailleur, le vendeur de bazar, le graveur aux doigts de fée, le cheminot qui regarde passer les trains, des rôles de travailleur plutôt dans le genre pépère et intègre.
Pépère, mais à l’écran seulement...
Elève médiocre, Biraud passe son certif en 1939. Après la guerre, il prend ses quartiers du côté de la RTF. De planton, il gravit les échelons et devient aide comptable, puis discothécaire et même technicien réalisateur.
A force d’arpenter les couloirs de la radio, il se pique au jeu et décroche une tranche d’antenne. Le succès est immédiat. Sur radio Luxembourg, il anime le Club des vedettes et sur Europe 1, il régale les auditeurs au coté de Pierre Dac et de Francis Blanche. C’est la grande épopée de la radio, marquée par les légendaires feuilletons radiophoniques comme "Malheur aux barbus" ou « signé Furax ».
Avec ses calembours et son bagout, Maurice Biraud préfigure l’animateur moderne.
II fricote parallèlement avec le cinéma, à temps partiel, des petits rôles sans importance jusqu’au Taxi pour Tobrouk. Dès lors, il devient un acteur prisé du grand écran, enquillant les seconds rôles et campant avec bonheur le rigolo de service qui ne rit pas,
Devenu pote avec Audiard grâce aux plateaux, Biraud se montre impeccable dans le fameux rôle du « cave qui se rebiffe » au côté de Gabin dit « le Dabe », un si savoureux vocable dans la bouche d’un Blier.
C’est là que nous avons - pour ainsi dire - fait connaissance, Biraud et moi. Une vague ressemblance d’avec mon pater, peut-être aussi ce geste élégant de l’ouvrier qui enfile sa sacoche en partant au turbin.
Biraud, c’est tantôt Louis Naudin, garagiste dans Mélodie en sous sol au côté de Delon et Gabin, tantôt Jo, petit truand dans Les Pissenlits par la racine, ou encore Emile, chauffeur de taxi dans Le Cri du cormoran le soir au dessus des jonques, des nanars comme on n’en fait plus, malheureusement.
Au final, un touche à tout... homme de radio, de télévision, de cinéma, de réclame, il a même poussé la chansonnette avec France Gall et fait le zouave avec d’autres, dans sa période de traversée du désert notamment.
Mais je reste persuadé que l’homme n’a pas eu l’heur d’en souffrir, bourré qu’il était de projets et de chantiers, plein de son goût des autres et du travail bien fait.
Un homme modeste et pince sans rire que ce Maurice là.
D’ailleurs, son épitaphe le prouve amplement :
« Ici repose Maurice Biraud, qui n’a jamais eu besoin de porteur - pour son bagage intellectuel »
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