Mémoire de courgette en perspective du 70ème Festival de Cannes
A chaque édition du Festival, sa couleur, ses symboles, son ressenti en compagnie privilégiée de ses festivaliers qui en effectuent la différenciation d’une année sur l’autre.
Au-delà des simples anecdotes qui peuvent se multiplier à l’infini selon chacun des participants à ce fameux happening cinématographique annuel, des figures représentatives de l’air du temps peuvent s’y inscrire en signes annonciateurs d’un état des choses, des lieux et des esprits en mouvement.
Libre ensuite à d’aucuns d’interpréter ces présences concomitantes en de savantes synthèses sur les idéologies à la mode ou, tout au contraire, de feindre leur juxtaposition comme le fruit d’une spontanéité impulsée par des organisateurs inspirés de manière aléatoire par telle ou telle thématique.
C’est ainsi que la dédicace de cette 69ème édition aurait pu aisément se conceptualiser sous tendance « vie de courgette » exprimant l’indéniable propension, en toile de fond, à une sympathique candeur revendiquée ou non.
De fait, la sélection « Cannes Classics », initiée quelques années auparavant par Thierry Frémaux, pourrait fort bien être le vivier symbolique réactualisé de ces émergences, de ces fulgurances, de ces signes emblématiques au gré d’un patrimoine sans cesse revisité et ainsi mis en valeur d’avenir !
Dans cette perspective revenait comme en boomerang, lors de cette édition 2016, toute la violence contradictoire de « Midnight Express » avec la vivacité analytique de Billy Hayes, focalisée sur le rétroviseur des seventies, dont les stigmates lui collent à la peau alors même, qu’en posture d’« auto-commentateur » du documentaire « Midnight returns », cet anti-héros assumé semble y effectuer davantage leçon pédagogique pour l’Histoire plutôt que fond de commerce médiatique nécessairement tentant.
Et comme pour lui répondre en écho de l’autre bout de La Croisette, Julian Assange jetait à la Quinzaine des Réalisateurs son cri strident de lanceur d’alertes, relayé par l’équipe de « Risk » et de Laura Poitras sa réalisatrice, tous totalement impliqués dans la cause « éthique » de WikiLeaks encadrée par Sarah Harrison journaliste juridique et, en quelque sorte, son égérie en communication.
A égales distances de ces deux pôles idéologiquement contrastés mais sans cesse sous vigilance latente, installez Jean-Pierre Léaud en contrepied sur le trône, remettez-lui une palme d’honneur pour l’ensemble de sa carrière en marge des conventions et hors des normes consensuelles, vous verrez alors triompher l’esprit rebelle dans la plénitude conquise des quartiers de noblesse cannoise…
Alors pourront apparaître « Divines » en apothéose de La Quinzaine, et toute une équipe de « jeunes pousses » descendues d’au-delà du périphérique, sans doute en filigrane du futur Grand Paris, avec à sa tête Houda Benyamina, personnalité à casser la baraque de tout statu quo cinéphilique et qui eut, à quelques soirs d’intervalle, l’audace et le talent pour beaucoup ( au prix de l’exaspération pour d’autres ) d’haranguer tour à tour le Palais Croisette lors de la projection officielle ainsi que le Grand Auditorium lors de la soirée de clôture où lui fut remis la tant convoitée « Caméra d’or » récompensant chaque année un premier film, toutes sélections confondues.
Et puis, s’avançant tel le leitmotiv d’un retour en grâce scénique autant que médiatique tout au long de l’année 2016, un peu comme si l’emprise sur le conformisme actuel valait viatique idéologique revenu des enfers, voilà Iggy Pop, grand Seigneur, validé et encensé par Jim Jarmusch se projetant lui merveilleusement en transcendance poétique sur "Paterson" tout en consacrant au survivant des sixties « Gimme Danger » témoignant ainsi d’une époque où la Musique avait valeur existentielle bien que celle de la star résiliante se révèle paradoxalement en prise sur la contemporanéité !
Cependant qu’en embuscade défensive dès que le cinéma se doit de rappeler ses fondamentaux cannois, Claude Lelouch l'éternel Pygmalion d’ « Un homme et une femme » ainsi que Bertrand Tavernier accompagnant de son « Voyage à travers le cinéma français » l’ensemble du patrimoine cinéphilique national, répondaient de pair « présents » au Festival international du film à l’instar de quelques bonnes fées bienveillantes d’une destinée bientôt septuagénaire dont Gilles Jacob, son mentor de facto, contribua considérablement à susciter l’exigence qualitative à dimension universelle en prise sur Le 7ème Art.
Toutefois, n’en déplaise aux puristes toujours plus perfectionnistes eux-mêmes que les comités des différentes sélections, il faut bien admettre que des cycles de créativité s’imposent avec leurs pauses relatives et autres contingences…
Et donc en 2016, en contrepoint de la nécessaire Palme d’or attribuée à l’opus toujours « ô combien social » de Ken loach « Moi, Daniel Blake » sous la judicieuse présidence de George Miller, sachons également rendre considération à parité et faire ainsi place à « Ma vie de courgette » pour la vie affective intense qui lui ressemble au sein d’un film d’animation plein de compassion positive à travers le monde fictif de marionnettes vibrant au prorata empathique de l’enfance solidaire mais aussi pareillement à « Divines » symbole d'un renouveau générationnel joyeux et charismatique... s'inscrivant en perspective du forcément magistral 70ème Festival de Cannes en 2017.
- Festival de Cannes 2016
- DIVINES - Caméra d’or 2016 - Deborah Lukumuena, Oulaya Amamra & Houda Benyamina
© Theothea.com
FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DE CANNES 2016
" L'Année Courgette " sur Theothea.com
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