Musique : balade africaine
La musique africaine a beaucoup évolué lors des dernières décennies ; et ses traditions, si elles sont maintenues ici et là, ont également très largement fusionné avec les musiques occidentales dans le cadre de ce que l’on nomme désormais, de façon générique, la « world music ». C’est principalement dans ce contexte de musique métissé que s’effectue ce petit tour d’Afrique. Pour l’illustrer, un florilège de quelques-uns des meilleurs titres...
Tout naturellement, le voyage commence en Algérie. Sous le soleil qui éclate sur le dédale de la casbah, la ville d’Alger est, comme toujours, très animée. Revient alors en tête la voix magnifique de la fille de Bab-el-Oued, Souad Massi, extraordinaire dans Raoui ou dans Ghir Enta. Autres incontournables chanteurs algériens, les Oranais Cheb Khaled – ici dans Didi et Ya-Rayi – et Rachid Taha – au meilleur de lui-même dans Garab – savent enflammer les foules par leurs accents métissés. Moins connue des Français, la grande dame de Béchar, Hasna El Becharia, sait également captiver l’auditoire avec son envoûtant Hakmet Lakdar. Impossible de quitter le pays sans citer le Kabyle Idir dont nul n’a oublié le superbe chant berbère A Vava Inouva, repris quelques années plus tard avec l’Écossaise Karen Matheson dans une superbe version : A Vava Inouva 2. Idir que l’on retrouve avec un grand plaisir avec Manu Chao dans un très bel hommage à la femme algérienne : A Tulawin.
La Tunisie toute proche célèbre l’anniversaire de sa Révolution de Jasmin. Au delà des musiques festives qui prévalent aujourd’hui, quelle plus belle illustration musicale de la paix espérée naguère sous l’oppressant régime de Ben Ali que le superbe Astrakan Café composé par un natif d’Halfaouine, Anouar Brahem ?
Cap vers le sud Sahara, et plus exactement vers le Mali, pays de l’habitat troglodyte des Dogons, mais aussi des superbes mosquées de terre, à l’image du joyau de Djenné. S’il est pauvre sur le plan économique, le Mali est en revanche riche de talents musicaux. Il suffit, pour s’en convaincre, d’écouter Salif Keita dans Madan ou le regretté Ali Farka Touré et Toumani Diabaté dans Ai Ga Bani. Un Toumani Diabaté dont on retrouve la kora en duo avec le saxophone de Roswell Rudd dans une sublime rêverie : Bamako.
Plus à l’ouest, le Sénégal, sans doute servi par la diversité de ses cultures et de ses langues, du wolof au soninké en passant par le mandingue ou le peul, est indiscutablement l’un des grands viviers de la musique africaine. Très nombreux sont en effet les artistes sénégalais qui ravissent les amateurs de musique. Parmi eux, une mention particulière à Orchestra Baobab, « Specialist in all styles » comme se proclament les talentueux musiciens de cette attachante formation. Et de fait, ils sont au top comme le montrent l’extraordinaire Bul Ma Miin et, sur un magnifique rythme de son cubain, l’Hommage à Tonton Ferrer, le regretté membre du Buena Vista Social Club. Parmi les autres groupes intéressants : Super Cayor de Dakar, ici dans Xamsa Bopp.
La frontière sud franchie, c’est en Gambie que se poursuit le voyage. On retrouve dans ce petit pays anglophone une autre formation afro-cubaine de qualité : Super Eagles, ici dans le magnifique Manda Ly. Des Super Eagles pas toujours cantonnés aux rythmes cubains comme l’illustre Viva Super Eagles. Un nouveau saut de puce nous conduit ensuite en Guinée à la rencontre de Mory Kanté. Né dans une famille de griots, futur griot lui-même, Mory Kanté a choisi la musique pour notre plus grand plaisir, comme le démontrent le séduisant Djou ou le survitaminé Yé ké Yé ké.
Direction la Côte d’Ivoire où la situation politique et sociale se normalise peu à peu. Sur le plan musical, la tradition africaine est omniprésente dans ce pays. Mais c’est au reggae que doivent leur notoriété Alpha Blondy et Tiken Jah Fakoly. Un genre où tous les deux sont bien loin d’atteindre le niveau d’excellence des meilleurs Jamaïcains. Reconnaissons-le, il y a peu de titres intéressants dans leur production, excepté Jerusalem pour le premier et Toungourouba pour le second. Et tous deux sont très sympathiques.
Prochaine étape, le Nigéria, berceau de l’un des plus grands noms de l’afro-beat : Fela Anikulapo Kuti. Bien que né à Londres, l’un de ses fils, Femi Kuti, a poursuivi l’œuvre musicale de son père, mais en se démarquant sensiblement de l’écriture paternelle. Dem Bobo est un bon exemple de son répertoire.
Après l’anglophone Nigéria, retour à la francophonie au Congo. Avec le groupe Kékélé, c’est un genre particulier que l’on aborde : la rumba congolaise. Parmi leurs titres aux accents très latinos figurent quelques superbes chansons telles Ponton la belle ou Yo Odeconer.
Nouveau cap au sud, par-dessus le bush Namibien et ses attachants petits hommes de la savane pour aborder l’Afrique du Sud, pays naguère emblématique d’une hideuse ségrégation. Une apartheid au cœur du très beau film A World Apart, parfaitement servi par la B.O. de Hans Zimmer (à écouter sans modération, notamment pour les chœurs zoulous à compter de 3’25). Des chœurs également présents dans l’étonnant Double Dutch signé par Malcolm McLaren, le fantasque ex-imprésario des... Sex Pistols. Peut-être devrait-on évoquer encore le « Zoulou blanc » Johhny Clegg ?... Oui ?... Non ?... Réflexion faite, ce sera non.
Et voici le Zimbabwe, ses mines, ses parcs et son passé rhodésien. Si la culture coloniale britannique y a laissé des traces, c’est principalement en shona ou en sindebele que s’expriment les chanteurs locaux, tel Oliver « Tuku » Mtukudzi dans le très beau Ndakuvara.
Un peu plus à l’est, le Mozambique s’est lentement remis de la très longue guerre civile qui, en une quinzaine d’années a fait près d’un million de morts. Si le groupe Mabulu a résolument opté pour le métissage, nettement moins sensible dans Shitaratwini que dans d’autres titres aux accents hip-hop, la marrabenta reste la forme musicale reine dans ce pays meurtri. Et le champion du genre est incontestablement l’Orchestra Marrabenta Star dont on écoute ici le magnifique Elisa Gomara Saia.
Du Mozambique à Madagascar, il n’y qu’une traversée à faire. Elle vaut la peine, non seulement pour découvrir cette île mais aussi pour se plonger dans la culture du Malgache Rajery, le « Prince de la valiha ». Une culture si bien servie dans Vavaka et Misahotaka Ni Akama !
Cap sur le nord vers un archipel tanzanien dont le nom mythique évoque les aventures au long cours des navigateurs d’autrefois : Zanzibar. Tout aussi mythique, le célèbre Culture Musical Club de Zanzibar et son formidable répertoire de taarab, une musique dont on sent déjà la forte influence égyptienne. On retrouve le Culture Club ici en répétition de taarab et là dans le superbe Mpunga Unaumwaga.
Avant-dernière étape du périple : le Kenya, ses guerriers masaï convertis au commerce touristique et, sur fond de savane, son multi-photographié Kilimandjaro. De la musique également au Kenya avec, entre autres talents, Zuhura Swaleh dans Shani ou Yaseen Mohamed and Party dans Kula Ajae na Shari.
Commencé aux portes du Sahara, le voyage s’achève sur le Nil, dans ce musée à ciel ouvert qu’est l’Égypte. Impossible de parler musique ici sans évoquer la grande dame que fut Oum Kalsoum, et c’est avec un immense plaisir qu’on l’écoute dans Taleal Bedru Aleyna. De nombreux artistes ont évidemment pris le relais depuis la disparition de cette icône de la culture égyptienne. Parmi eux, le séduisant Amr Diab qui nous donne un aperçu de son talent dans Tamally Maak. On terminera cette balade musicale africaine avec Natacha Atlas, la plus belge des Égyptiennes, dans Leysh Nat’ Arak.
Des musiciens talentueux et des titres de qualité, il en est évidemment beaucoup d’autres en Afrique, et cet article n’a nullement la prétention d’avoir présenté la meilleure sélection possible. Sans doute des lecteurs sauront-ils contribuer à ce florilège en y ajoutant dans les commentaires leurs propres suggestions. Je les en remercie d’avance.
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