“My life in a click” portrait de Gianni Berengo Gardin par Max Losito
J'ai eu la chance de rencontrer Max Losito au Florian, qui m'a été joyeusement présenté par Stefano Stipitivich, Directeur de la Communication du Florian. Max se distingue par ses moustaches d'artiste et sa bonne humeur conviviale. Ce fut tout de suite une belle entente et je découvris rapidement le trésor que Max avait à peine terminé : un film de 80 minutes sur Gianni Berengo Gardin, ce grand photographe italien célèbre pour ses photos sociales, témoignages de son temps. Un travail réalisé en huit ans de reprises discontinues entre Venise, Paris et New York, pour un résultat exceptionnel, un portrait de G.B. Gardin dans son intimité, raconté par lui-même et par ceux qui le connaissent le mieux : sa femme, ses deux enfants, des interviews exclusives de grands de la photographie ou de l'architecture avec qui il a travaillé, tel Renzo Piano, Elliott Erwitt, Sebastiano Salgado etc.
Le film “My life in a click” en Italien avec sous-titres en anglais est en Noir & Blanc, de rigueur en hommage au grand maître, qui nous explique :” Je suis né avec la photographie en noir & blanc, avec la télévision en noir & blanc, avec les films en noir & blanc et moi par conséquent je ne pouvais être qu'un photographe en noir & blanc parce que j'ai sucé du lait en noir & blanc”. Il ajoute que “La couleur distrait le photographe de son sujet : l'humain” et conclut : “ Ne compte pas comment on photographie mais ce que l'on photographie”.
Gianni Berengo Gardin aime utiliser le grand angle et refuse de couper les photos pour qu'elles gardent toutes leur authencité. Peut-être seront elles moins belles mais elles seront plus sincères. Ce que Gianni Berengo Gardin photographie dans ses 250 livres de photographies se sont les hommes, encore et toujours. Avec lui, le terme de photo sociale prend tout son sens : il veut photographier les hommes dans leur vérité, il veut photographier leurs émotions.
D'où le choix des thématiques de ses livres de photos : les fous enfermés dans les hôpitaux psychiatriques dès 1968 avant que l'opinion publique ne s'empare du sujet. Sur la pression de l'opinion publique fut votée la loi 180 dite Basaglia en 1978 (dix ans après) qui fermait les asiles de fous, mis fin à certains traitements inhumains comme l'attachement à leurs lits des patients agités, l'utilisation des électro-chocs etc.
Autre sujet choc photographié : les conditions de vie des gens ayant tout perdu après des tremblements de terre : celui de l'Aquilea en Abruzzo en 2009. Il a immortalisé leur situation d'attente avant le retour à une vie normale.
Mais aussi la vie des ouvriers dans les grandes entreprises comme l'Olivetti etc. puis la collaboration avec l'architecte Renzo Piano en 1979 pour la photographie d'architectures industrielles. Il a aussi photographié une communauté très décriée, celle des Tziganes, entre eux, pour qui il a beaucoup d'affection.
Enfin, sa dernière alerte : la dénonciation des grands paquebots passant dans le canal de la Giudecca à Venise, défigurant la ville, au mépris de son intégrité physique, avec de lourdes conséquences en termes de pollution atmosphèrique, visuelle, de la fragilisation de ses rives et des rsiques liés à ces allers et venues pendant toute la saison touristique à Venise. Dès 2013, Gianni Berengo Gardin publie ses photos symboles qui feront le tour du monde en faveur du comité “No grandi navi”. La lutte est encore en cours.
C'est dire l'importance des photos sociales pour faire prendre conscience des vrais problèmes, souvent soigneusement cachés du regard des citoyens (comme pour les hôpitaux psychiatriques).
G.B. Gardin a réalisé au cours de sa carrière plus de 250 livres photographiques sur tous les sujets, mais avec au centre les émotions humaines, comme cette merveilleuse photo de deux amoureux s'embrassant dans les années 50 sous les portiques des Procuraties de la place Saint-Marc.
Tous ceux qui le connaissent citent toujours sa discrétion, son humilité et sa générosité même si sa femme et ses deux enfants ne peuvent faire à moins de dire qu'il a été un fort mauvais père, un fort mauvais époux, un fort mauvais ami, du fait de ses inombrables absences à courir le monde avec sa Laica analogique. Mais sa femme l'excuse disant : “qu'il avait besoin de raconter des histoires”. Il nous dit de lui même : “Je ne suis pas un artiste et la photographie artistique ne me plait pas : j'aime documenter” G.B. Gardin veut témoigner du monde dans lequel il vit. Il ajoute : “Mes photos ne sont pas importantes aujourd'hui. Mais dans cent ans elles le deviendront car elles raconteront comment nous étions il y a cent ans”.
Contre toute attente, Gianni Berengo Gardin reste donc un homme modeste qui ne prétent pas faire de belles photos, même s'il a été classé comme l'un des 32 plus grands photographes au monde en 1972 par la revue “Modern Photography”. Mais un manager de la fameuse marque d' appareils photos Leica, dont il a possédé sept différents modèles toujours analogiques, nous confirme : “La beauté d'une photo dépend à 85 % du photographe. Le reste seulement de l'appareil”.
Présentation du réalisateur du film Max Losito :
Max Losito est né en 1972 en Italie et a été le plus jeune photographe de “Still life”. Puis il se lança dans la réalisation de spots publicitaires. En 2003, il fonde sa propre maison de production la Losito international films avec laquelle il a déjà réalisé plus de 150 spots publicitaires internationaux, en particulier du secteur alimentaire et cosmétique. My life in a click est son premier film, qui sortira prochainement sur la chaine télévisé Sky.
Trailer du film, en avant première sur Agoravox.fr :
Pour en savoir plus sur la Losito international films :
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