Nathalie Le Mel, une Bretonne à la tête de la Commune de Paris
De la commune de Paris restent quelques figures, comme Louise Michel. Mais la mémoire collective en a oublié bien d’autres comme Nathalie Le Mel (1826-1921), ouvrière qui prit une part active dans l’émergence de ce mouvement social. Elle fut déportée ensuite, et mourut dans la misère.
Voici l’histoire surprenante d’une Bretonne, Nathalie Le Mel, née Duval, militante ouvrière qui s’est retrouvée à la tête de la commune de Paris. Nathalie Duval naît donc à Brest en 1826, sous le règne de Charles X. Elle se marie seize ans plus tard avec Jérôme Le Mel, en 1845, sous le règne de Louis-Philippe. Le couple a trois enfants, et il tient une librairie à Quimper, de 1849 à 1861. Nathalie Le Mel est une femme instruite avec des idées politiques de gauche, concernant, notamment, les droits des femmes.
En 1861, sous le règne de Napoléon III, le couple décide d’aller travailler à Paris. Là, Nathalie Le Mel devient relieuse. Les ouvriers n’ont pas le droit de créer de syndicats, alors elle participe à des “sociétés ouvrières” qui en font office. A l’époque, les femmes sont moins payées que les hommes (c’est encore le cas aujourd’hui, mais ce n’est plus légal). Nathalie participe activement aux grèves de 1864 et 1865 qui permettent d’obtenir, notamment, l’égalité des salaires pour les hommes et les femmes dans les ateliers de reliure.
Elle est un membre actif de la première internationale, créée en 1861 à Londres par Marx, Engels et Bakounine, pour rassembler les ouvriers du monde entier... Nathalie est placée à la tête d’un restaurant ouvrier, “La Marmite”, où l’on mange pour pas cher et où l’on parle beaucoup politique. Cela ne plaît guère à la police, qui la surveille, ni à son mari. Non seulement Jérôme Le Mel est devenu alcoolique, mais il demande à sa femme de cesser ses activités politiques. Elle refuse, ils se séparent, mais Nathalie continue de s’occuper des enfants.
Guerre dans le couple, guerre dans le pays. Napoléon III déclare la guerre à l’Allemagne. Il est vaincu. La république est proclamée à Paris mais, rapidement, la commune de Paris refuse la politique du gouvernement de M. Thiers, qui se retire à Versailles. Nathalie Le Mel est une des femmes les plus actives de la commune des Paris. Elle crée l’Union des femmes, qui y participe activement.
Mais le gouvernement de Versailles envoie la troupe réprimer la commune de Paris. L’Union des femmes fournit des infirmières aux soldats communards. Les combats s’intensifiant, certaines femmes, dont Nathalie Le Mel, prennent les armes et tiennent des barricades. La répression fait 20.000 morts. Nathalie Le Mel est arrêtée, jugée, condamnée à la déportation à vie. Elle fait face à ses juges.
Elle est déportée en Nouvelle-Calédonie dans le même bateau que Louise Michel. Les deux femmes sont amies, même si elles ne sont pas souvent d’accord. Louise Michel est proche des anarchistes, Nathalie est proche des socialistes... Louise Michel emporte avec elles, dans son exil, des livres en langue bretonne, pour apprendre la langue, notamment une grammaire, peut-être donnée par Nathalie Le Mel.
Nathalie reste six ans en Nouvelle-Calédonie, malade et éloignée de ses trois enfants... Elle est, comme Louise Michel, scandalisée par le traitement réservé à la population kanaque : de plus en plus de terres sont prises aux Kanaques et les Français n’accordent aucun respect à leur culture. Étonnement, la majorité des communards déportés approuve la politique coloniale française... Pas Nathalie Le Mel ni Louise Michel. Cette dernière ouvre une école pour apprendre à lire et à écrire à des enfants kanaques.
Revenue à Paris en 1878, Nathalie Le Mel travaille comme ouvrière dans différents journaux. Toujours présente aux commémorations de la commune... Ses enfants morts, très pauvre elle-même, il n’y a quasiment plus personne pour s’occuper d’elle. Elle vit dans une pièce insalubre. Placée dans un hospice, elle y meurt le 25 mai 1921, au temps des cerises, et à l’âge de 96 ans.
L’histoire de Nathalie Le Mel est racontée dans un livre écrit par Eugène Kerbaul et intitulé : “Nathalie Le Mel, révolutionnaire et féministe”. Ce livre, édité à compte d’auteur, a été réédité par Le temps des cerises mais il est, hélas, épuisé... Il sera peut-être réédité à la fin de cette année. Nathalie Le Mel n’a pas écrit de mémoires. D’autres membres de la commune ont laissé des témoignages, pas elle, et sa mémoire est un peu oubliée aujourd’hui. C’est dommage.
Christian Le Meut
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