Neuf mois ferme
Votre serviteur est un imbécile ...

Quand le burlesque devient grotesque !
Je viens de faire une curieuse expérience ! J'ai assisté à la projection d'un film durant lequel j'ai beaucoup ri tout en ayant souvent honte de mon rire. Malaise gênant qui place le rieur du mauvais côté de la décence, de la moralité ou je ne sais quelle autre convention sociale. Malaise certainement qui atteste du franchissement d'une limite par le metteur en scène, à moins que ce ne soit celle de ma compréhension.
Car sitôt le film terminé, comme le gérant de la salle me demandait mon opinion, je lui exprimai mes doutes quant à la qualité d'un film qui m'avait mis en porte-à-faux avec ma conscience. Et ce cinéphile, sans aucun doute émérite, de m'asséner une vérité irréfutable : « Dupontel a un univers très personnel dans lequel tout le monde ne peut entrer. Vous êtes resté à la porte de son talent ! »
J'étais donc un imbécile incapable d'être en accord avec le rire gras, graveleux plutôt, qui était parfois sorti de ma gorge. Je devais profiter de ce plaisir sans mettre de morale derrière un spectacle qui finissait par se complaire dans bien des abjections. Le burlesque peut tout se permettre et honni soit celui qui ne pense pas ainsi !
Il est vrai que dans ce film on rencontre des fulgurances merveilleuses comme ce réveillon de Saint Sylvestre au palais de justice. Des images et un ton à vous régaler jusqu'à ce que le sordide laisse place au vulgaire. La pauvre Sandrine Kiberlain a beau maintenir le cap, le rafiot tangue franchement du côté du bas de plafond, du fond de culotte et du sanguinolent.
Là encore, on me rétorquera que ce sont des clins d'œil, même si j'ai bien du mal à avaler l'argument. Dupontel s'amuse avec les genres, joue des références à plaisir pour mon seul déplaisir d'inculte et d'ignare. Pourquoi ne me contenté-je pas de m'extasier devant sa distance et son auto-dérision ? Pourquoi ne puis-je m'enthousiasmer à ses délires absurdes et pathétiques ? Tout serait de ma faute et le grand artiste serait exempt de reproches …
C'est si facile de s'arroger le bon goût et de laisser le spectateur dans ses erreurs et ses incompréhensions. Je me doute que Dupontel n'a pas cette prétention mais le cinéphile averti me prit de si haut que j'avais ce sentiment insupportable de ne pas être convié à sa table. Je pensais naïvement qu'il y avait une universalité du rire, que je pouvais moi aussi accéder à ce bonheur simple sans me torturer l'esprit.
Et voilà que j'enfantais d'un monstre : ma mauvaise conscience. Je restais à la lisière de ce chef-d'œuvre supposé parce que j'étais incapable de me débarrasser de mes petites convenances de bien petit bourgeois, nourri à la pensée judéo-chrétienne. Que je m'horrifie de l'évocation d'une fellation à la barre, d'une autopsie bouchère, d'un massacre à la disqueuse, cela prouve que je n'ai pas franchi le cap de l'émancipation !
Je dois donc avaler mes réticences et mes remarques ; m'incliner devant le génie d'un acteur hors norme qui passe derrière la caméra avec tous ses phantasmes et ses projections mentales, ses références cinématographiques et ses démons intérieurs. Soit ; il a bien raison d'oser ce spectacle dérangeant et à ce titre, l'a remarquablement réussi. Mais j'ai tout autant le droit d'exprimer ma réserve devant tous ses excès.
J'ai fait en sorte de ne rien vous dévoiler de l'intrigue. C'est à vous de vous faire une opinion et de vous ranger d'un côté ou de l'autre de la frontière. Vous pouvez rire de tout, en toutes circonstances et sans aucune honte ou au contraire, vous avez encore quelques retenues et une certaine pudeur. N'ayez crainte, qu'importe votre opinion ; je ne vous en tiendrai nullement rigueur. C'est moi seul l'imbécile de service …
Cinéphobiquement sien.
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