« Ode à Priape », ou la Bourgogne libertine
L"Ode à Priape" fameux texte du méconnu Piron, Rabelais Bourguignon, chantre de l'amour et de la bonne chère
Alexis Piron est né à Dijon en juillet 1689 dans une famille d'apothicaires. Il fit des études d'avocat mais ne plaida jamais.
Baroque, licencieux et libertin, privilégiant l'allusion et le trait d'esprit, chantre des plaisirs et de la bonne chère, il passe son temps à boire, rire se moquer et "polissonner" ; ennemi de "l'esprit français", il est resté célèbre pour sa jalousie de Voltaire, à qui il adresse de nombreux épigrammes.
Quand ils rencontrent pour la première fois, Voltaire grignote du pain tout en lui parlant ; en bon bourguignon, l'épicurien Piron sort alors de son gilet un flacon de vin, qu’il se met à boire au nez et à la barbe de Voltaire.
"En deux mots voulez-vous distinguer et connaître
Le rimeur dijonnais et le parisien ?
Le premier ne fut rien ni ne voulut rien être.
L’autre voulut tout être et ne fut presque rien."
Ayant quelques ennuis avec les autorités dijonnaises, pour ses écrits licencieux, il s'installe à Paris en 1719, en tant que copiste.
C'est sa fameuse "Ode à Priape", poème qu'il composa à vingt ans qui va lui barrer l"entrée à l'académie française en1753, où pourtant il a été élu.
Ce poème obscène et amoral à la gloire du Dieu de la bandaison et du "foutre à gros bouillons", est exhumé par ses adversaires, et Louis XV se voit contraint à s'opposer à son élection, et c'est Buffon un autre bourguignon qui prend sa place .
Le responsable de sa perte est Boyer l'évêque de Mirepoix qui signale le poème au Roi, qui bien sûr le connait mais ne peut le cautionner ; pour se venger on dit qu'il obligea l'évêque à réciter entièrement l'ode, feignant de ne la point connaître.
Après l'échec de Piron, Montesquieu intervint en sa faveur auprès de Mme de Pompadour qui, à son tour, se tourna vers son royal amant, généreux, Louis XV accorda, pour compenser les revenus fixes que Piron n'aurait pas comme académicien, une pension annuelle de mille livres sur sa cassette. Remerciement versifié de Piron :
« La crosse m'avait mis à bas
Le sceptre me relève. »
AU ROI,
Fable. Le lion et la fourmi.
Je n'ai vivre ni manoir,
Grain de bled, trou ni geole.
J'eus de tout : un fils d'Éole
M'ôte mon petit avoir ;
Et l'hiver vient à sa suite.
Sire, de vous seul j'attends
De quoi vivre tout ce temps
Il meurt à Dijon le 21 janvier 1773, converti et se repentant après avoir étrillé la religion dans ses nombreuses épigrammes anticléricales, sorte de petits tableaux libertins lestement troussés.
http://www.youtube.com/watch?v=ofbf...
Alexis Piron (1689-1773)
Foutre des neuf garces du Pinde,
Foutre de l’amant de Daphné,
Dont le flasque vit ne se guinde,
Qu’à force d’être patiné :
C’est toi que j’invoque à mon aide,
Toi qui dans les cons, d’un vit raide,
Lance le foutre à gros bouillons ;
Priape soutiens mon haleine,
Et pour un moment dans ma veine,
Porte le feu de tes couillons.
Que tout bande, que tout s’embrase ;
Accourez putains et ribauds :
Que vois-je ?… Où suis-je… Ô douce extase !…
Les cieux n’ont pas d’objets si beaux.
Des couilles en bloc arrondies,
Des cuisses fermes et bondies,
Des bataillons de vits bandés,
Des culs ronds sans poils et sans crottes,
Des cons, des tétons et des mottes,
D’un torrent de foutre inondés.
Restez adorables images,
Restez à jamais sous mes yeux ;
Soyez l’objet de mes hommages,
Mes législateurs et mes dieux :
Qu’à Priape on élève un temple
Où jour et nuit l’on vous contemple,
Au gré des vigoureux fouteurs ;
Le foutre y servira d’offrandes,
Les poils de couilles de guirlandes,
Les vits de sacrificateurs.
Aigle, baleine, dromadaire,
Insecte, animal, homme, tout,
Dans les cieux, sous l’eau, sur la terre,
Tout nous annonce que l’on fout :
Le foutre tombe comme grêle,
Raisonnable ou non, tout s’en mêle,
Le con met tous les vits en rut :
Le con du bonheur est la voie,
Dans le con gît toute la joie,
Mais hors du con point de salut.
Quoique plus gueux qu’un rat d’église,
Pourvu que mes couillons soient chauds,
Et que le poil de mon cul frise,
Je me fous du reste en repos.
Grands de terre l’on se trompe,
Si l’on croit que de votre pompe
Jamais je puisse être jaloux :
Faites grand bruit, vivez au large ;
Quand j’enconne et que je décharge,
Ai-je moins de plaisirs que vous ?
Que l’or, que l’honneur vous chatouille,
Sots avares, vains conquérants ;
Vivent les plaisirs de la couille !
Et foutre des biens et des rangs.
Achille aux rives du Scamandre,
Pille, détruit, met tout en cendres ;
Ce n’est que feu, que sang, qu’horreur :
Un con paraît, passe-t-il outre ?
Non, je vois bander mon jean-foutre ;
Le héros n’est plus qu’un fouteur.
De fouteurs la fable fourmille :
Le soleil fout Leucothoé,
Cynire fout sa propre fille,
Un taureau fout Pasiphaé ;
Pygmalion fout sa statue,
Le brave Ixion fout la nue ;
On ne voit que foutre couler :
Le beau Narcisse pâle et blême,
Brûlant de se foutre lui-même,
Meurt en tachant de s’enculer.
Socrate, direz-vous, ce sage,
Dont on vante l’esprit divin,
Socrate a vomi peste et rage,
Contre le sexe féminin :
Mais pour cela le bon apôtre,
N’en n’a pas moins foutu qu’un autre ;
Interprétons mieux ses leçons :
Contre le sexe il persuade ;
Mais sans le cul d’Alcibiade,
Il n’eût pas tant médit des cons.
Mais voyons ce brave cynique,
Qu’un bougre a mis au rang des chiens,
Se branler gravement la pique,
À la barbe des Athéniens :
Rien ne l’émeut, rien ne l’étonne ;
L’éclair brille, Jupiter tonne,
Son vit n’en est point démonté ;
Contre le ciel sa tête altière,
Au bout d’une courte carrière,
Décharge avec tranquillité.
Cependant Jupin dans l’Olympe,
Perce des culs, bourre des cons ;
Neptune au fond des eaux y grimpe,
Nymphes, sirènes et tritons ;
L’ardent fouteur de Proserpine,
Semble dans sa couille divine,
Avoir tout le feu des enfers :
Amis, jouons les mêmes farces ;
Foutons tant que le con des garces
Nous foute enfin l’âme à l’envers.
Tysiphone, Alecto, Mégere,
Si l’on foutait encor chez vous,
Vous Parques, Caron et Cerbère,
De mon vit vous tâteriez tous :
Mais puisque par un sort barbare,
On ne bande plus au Ténare,
Je veux y descendre en foutant ;
Là, mon plus grand tourment, sans doute,
Sera de voir que Pluton foute,
Et de n’en pouvoir faire autant.
Redouble donc tes infortunes,
Sort, foutu sort, plein de rigueur ;
Ce n’est qu’à des âmes communes
À qui tu peux foutre malheur :
Mais la mienne que le vit d’un carme,
Se ris des maux présents, passés :
Qu’on m’importe ? mon vit me reste ;
Je bande, je fous, c’est assez.
Alexis Piron (1689-1773)
Il avait lui même écrit son épitaphe
:
"Ci-gît piron qui ne fut rien
Pas même académicien"
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