On ne devrait pas dire du mal de Christine Angot
Flammarion paie une nouvelle séance de psy à Christine Angot, dans un « Rendez-vous » pénible qui ennuie la « rentrée littéraire ». Ca sent le Goncourt.

On ne devrait pas dire du mal de Christine Angot. C’est trop facile de faire comme tous ces critiques lamentables qui cassent du sucre sur le dos de cette femme souffrante, qui depuis quelques années commet certes certaines atrocités au nom de l’écriture, mais qui ne mérite pas pour autant plus la corde que d’autres des louanges.
C’est ce que je me disais, avant de plonger dans Rendez-vous, le nouveau malaise de la dame. Rendez-vous met en scène Christine Angot qui rencontre un banquier de soixante ans, un banquier avec un gros sexe qui n’arrive pas à faire jouir madame Angot, ce qui est embêtant. Quand Christine ne jouit pas, elle s’ennuie, comme d’autres. Mais elle, quand elle s’ennuie... elle écrit. Et quand elle écrit, on s’ennuie. Et du coup, on en veut au banquier, qui a beau s’attarder sur le clitoris de Christine, rien n’y fait, il n’y arrive pas, il lui faut autre chose, des putes peut-être, elle ne sait pas Christine, mais elle nous le raconte, non que ça nous intéresse, mais ça l’intéresse, elle. Chez Christine, ce qui compte, c’est Christine. Angot vit en Angotland, seule, et n’en sort jamais. Elle raconte sa vie, mais c’est une vie autour de laquelle ne gravite que Christine Angot. Une sorte d’univers parallèle peuplé d’Angots par milliers, toutes névrosées, toutes peines-à-jouir.
« Et avec ton père, tu jouissais ? », ose lui demander ce gros banquier chauve et bien membré. Et là, la raide Christine tombe un peu sur le cul, replonge en arrière, et se souvient être l’auteur(e) d’un ouvrage de déballage intime, Inceste, qui lui attira la sympathie de ceux qui souffrent et qui veulent que ça se sache. La question du banquier interpelle Christine, qui interpelle son psy, qui interpelle Christine, qui écrit à son banquier. On tourne en rond, on chavire, on a un peu la nausée, tout est péniblement ressassé et tourne, sans cesse, jusqu’à revenir au point de départ, ou presque.
Là, Christine rencontre un acteur, Eric, qui la trouve « formidable ». Parce qu’elle est aussi parfois « formidable », Christine. Quand elle écrit, par exemple. Eric la trouve « formidable », et Christine a envie de rencontrer cet Eric qui la trouve formidable. Une manifestation toulousaine va lui donner l’occasion non seulement de le rencontrer, mais en plus de lui donner la réplique. Le banquier s’éloigne, et Christine s’apprête à capitaliser une nouvelle histoire. Elle écrit, donc, toujours. Elle ne fait que cela, en fait, Angot, écrire. Ecrire qu’elle écrit. Et écrivant qu’elle écrit, elle parvient à se persuader qu’elle est écrivain. Mais on n’est pas dupe. Nous, lecteurs, ne pouvons être dupes. Christine Angot est une femme respectable, mais certainement pas un écrivain. Un patient, une patiente plutôt, pour son psy, ça c’est sûr, un psy qui lui a peut-être suggéré un jour d’écrire ses maux, et elle a cru qu’il s’agissait de mots. La vie, et comment ça s’écrit...
Angot écrit donc qu’elle écrit, et on lit, et on s’aperçoit que ce n’est pas écrit, bien sûr, que c’est juste dit, comme ça, du bout du stylo, sans imagination, sans force, sans passion, ça passe, ça glisse, ça n’attache pas, c’est du bavardage, du radotage, du déballage racoleur, ça ne vole pas bien haut, n’est même pas méchant, mais ne mérite en tout cas pas un livre, ni deux, ni dix.
« Un détail qui me revient, quand j’ai eu mes règles pour la première fois, ma mère m’avait mis le Tampax elle-même, parce que la serviette me gênait et que je n’arrivais pas à le mettre moi-même. » C’est ça Christine, son style, ses élans, ses emportements, ces choses qui « lui reviennent », ces instants d’avant son père, puis l’admiration qu’elle lui portera, et puis lui qui couchera avec elle. Cette faute dont Angot a fait son socle, son terreau, ce clou qu’elle enfonce à chaque livre pour bien signifier sa croix au lecteur. Angot s’apitoie et nous gonfle. Angot s’étale et nous assomme. Et quand elle passe à la télévision, quand elle répond aux journalistes, Angot fait la leçon, monte sur ses ergots et déblatère invariablement sa litanie sur ce qu’est l’écriture, ce que sont les mots, leur musicalité, le sens, la confidence, l’impudeur. Angot explique qu’elle a tout compris mais dans ses livres rien ne se voit, rien ne s’entend, rien ne sonne juste. Ce n’est plus Je est un autre, c’est Je est Je, Je est moi, moi, Christine Angot, violée, incestuée...
Mais on ne devrait pas dire du mal de Christine Angot... alors on en dit du bien. La couverture des Inrocks, par exemple, quelques colonnes dans Le Monde... C’est que la dame est un peu crainte, pas très « gérable », pas très « domesticable », et puis, sait-on jamais, si certains avaient l’incongrue idée de la placer sur quelque liste des prix, d’ici la fin des champignons...
Non, sérieusement, Christine Angot, ça sert à quoi ? Elle saurait répondre. Elle, Christine Angot, qui déclarait à raison que l’écrivain doit se montrer « lucide ». Elle sait qu’elle n’est pas Christine Angot, l’écrivain(e), que cette dernière n’existe pas, qu’elle n’est que le fruit de l’imagination débridée d’un étrange équipage (la mauvaise foi, le voyeurisme, la médiocrité) qui a conduit certains à inventer de toute pièce le « sujet Angot », rien d’autre, en réalité, qu’une coquille vide.
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