Où diable la grande bataille de cavalerie d’avant Alésia a-t-elle eu lieu ?
Le but de la présente étude est de localiser le lieu de la fameuse
bataille où Vercingétorix engagea toute la cavalerie gauloise contre
les Romains et qui, contre toute attente, se transforma en une
véritable déroute. Professeur au collège de France, titulaire de la chaire des Antiquités nationales, M. Goudineau cautionne la thèse du commandant Soulhol qui situe l’engagement à Fains-les-Moutiers, à 20 km est/nord-est
d’Alise-Sainte-Reine à vol d’oiseau. Il suit la traduction de 1926 du
professeur Constans qui dit que le lendemain de cette bataille, César
campa devant Alésia (cf. le numéro hors série de la revue l’Archéologue intitulé « l’année terrible »)
Lendemain ou surlendemain ?
C’est toujours la même chose. On se plaint du manque de précisions des textes alors que la première chose à faire serait de les traduire correctement. Pour décompter les jours, la logique du latin est différente de la nôtre ; pour nous, le premier jour est aujourd’hui, pour le latin, c’est le jour après aujourd’hui. Il existe un passage de Cicéron qui ne laisse planer aucun doute : ‘’proximo, altero, tertio, reliquis consecutis diebus (Phil., I, 32)’’, ce qui se traduit ainsi : le jour qui vient immédiatement après aujourd’hui, c’est-à-dire le lendemain (proximo), le second jour après aujourd’hui, c’est-à-dire le surlendemain (altero), le troisième jour après aujourd’hui (tertio), et tous les autres jours qui ont suivi. Lorsqu’en 1926, le professeur Constans écrit que César campa devant Alésia, le lendemain (de la grande bataille de cavalerie que Vercingétorix perdit contre lui) - altero die - il fait une grave erreur de traduction. Il fallait traduire par : le surlendemain.
Petit détail, me direz-vous ? Eh bien non ! Car c’est un autre scénario qu’il faut imaginer.
1. La grande bataille de cavalerie, le matin.
2. Poursuite des Gaulois par les Romains, comme l’écrit César, l’après-midi jusqu’à la nuit.
3. Continuation de la poursuite durant le jour suivant.
4. Marche d’approche jusqu’à Alésia et arrivée avant midi de façon à pouvoir dresser le camp durant l’après-midi.

Quelle est la localité antique qui se trouve à 50 kilomètres d’Alise-Sainte-Reine ? Réponse : Noyers-sur-Serein.
La vérité est autre. Incroyable mais vrai ! Ce lieu, mythique entre tous, où Vercingétorix a rassemblé toute la cavalerie de la Gaule autour des 80 000 fantassins arvernes et éduens qui avaient vaincu César à Gergovie, ce ne peut être qu’ Alésia. L’euphorie de la victoire de Gergovie, les grandes embrassades entre cités enfin réconciliées, les grands discours patriotiques au nom de la Gaule, les effets de toge, le bruissement des armes, tout cela, c’est Alésia qui en a été le théâtre. Alésia, oppidum des Mandubiens en territoire lingon !
En fait, il n’y a là que du très normal. On ne tend pas une embuscade ou une série d’embuscades sans s’être assuré d’une base de repli. On ne se lance pas dans ce type d’opérations sans s’être assuré que tout le monde connait le point de regroupement et l’itinéraire de repli pour s’y rendre. Vercingétorix était maitre d’Alésia déjà avant la bataille de Noyers. Il avait même pris soin d’y stocker pour trente jours de réserve de blé !!!
Lorsque Vercingétorix est informé par ses amis, ses agents de renseignement, ou tout simplement par la rumeur, que le départ de César est imminent depuis la base où il se trouve, il prend la décision tout à fait logique de lui barrer le Serein à Noyers.
César attendait Labiénus mais où ? Au sud de Sens, évidemment. L’oppidum senon bien connu d’Auxerre s’impose sur l’itinéraire qu’il a logiquement suivi. C’est l’oppidum le plus au sud du pays senon. On ne voit pas, d’ailleurs, pourquoi le général romain aurait imposé à ses légionnaires une montée inutile vers Sens (de tous temps, les fantassins n’apprécient guère les chefs qui leur font faire des kilomètres supplémentaires pour rien). En outre, il était important pour lui de s’emparer du pont sur l’Yonne avant que Vercingétorix ne le détruise.
Les Senons d’Auxerre pouvaient-ils fermer leurs portes aux Romains ? Ce serait oublier le principe de base de la stratégie césarienne ; Labiénus, venant de la ville/capitale, avait certainement pris soin de s’y ‘’approvisionner’’ en otages pour pouvoir faire pression sur tous les notables de la cité. Dans ces conditions, les Senons d’Auxerre ont bien été obligés d’accorder aux Romains le gîte et le couvert. C’est là, dans l’oppidum d’Auxerre, que César a regroupé ses forces et qu’il les a remises en condition après sa défaite de Gergovie et la destruction de sa base arrière de Noviodunum. Il a même profité de cette pause pour faire venir des cavaliers germains par un chemin détourné.
Les Romains partent donc d’Auxerre dans l’intention de rejoindre, par le chemin le plus court, l’axe de circulation nord-sud qui leur permettra de rejoindre la Province par la vallée de la Saône, puis du Rhône. L’objectif de César est, dans un premier temps, de rejoindre le pays des Séquanes par les territoires extrêmes des Lingons.
Cum Caesar in Sequanos per extremos Lingonum fines iter faceret… Comme César faisait route pour aller chez les Séquanes par les frontières extrêmes des Lingons, ou mieux, comme César s’était engagé sur le chemin qui menait aux Séquanes par les frontières des Lingons…telle est la phrase sur laquelle se sont battus plusieurs générations d’Alisiens, en Bourgogne, et d’Alaisiens, en Franche-Comté, et qui fut à l’origine d’une littérature aussi abondante qu’inutile. Que de malentendus au sujet de cette phrase pourtant parfaitement claire ! Les frontières du pays lingon, face à celles du pays éduen, passaient par Montbard, Alésia, Vitteaux. Que de malentendus au sujet des mots Alisiens, Mandubiens et Lingons ! Habitant l’oppidum d’Alise, ils étaient Alisiens. Habitant les dites frontières extrêmes où passait la voie dubis, ils étaient Mandubiens. Utilisant des monnaies lingonnes et vivant dans la clientèle d’une cité lingonne plus en retrait, César les considérait comme étant des Lingons.
Cette voie que César voulait rejoindre, c’était la voie du fleuve Sequanas, alias via dubis, vallée de l’Armançon en partie qui se poursuit par celle de la Seine, vallées riches en documents archéologiques, ancienne voie de l’étain que contrôlaient les Séquanes. En situant l’action chez les Séquanes, Plutarque et Dion Cassius n’avaient pas entièrement tort et leurs explications ne sont pas en contradiction avec celles des Commentaires.

Pour atteindre Dijon, César, partant d’Auxerre, s’apprête donc à traverser les territoires extrêmes des Lingons. Quel est le chemin le plus court qui partant d’Auxerre, se dirige vers Dijon en passant par Alésia. La réponse est facile, il s’agit de l’actuelle départementale 956, au départ.
César part donc d’Auxerre sur le chemin qui mène à Noyers. Il marche environ pendant 25 kilomètres et établit son camp pour la nuit un peu avant Lichères-près-Aigremont, dans cette région où l’eau est présente pour le remplissage des gourdes et l’abreuvement des chevaux.
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