Oui à l’art contemporain obligatoire
Eduquons les masses !

Le peuple a un défaut. Le « bon sens ». On parlera au choix de poujadisme, de café du commerce, ou encore de réactionnaire lorsque vraiment il a un bon sens qui ne plaît pas aux élites.
Ce sont des mots pour éviter de dire qu’il s’agit de sales prolos, ou de ploucs, ou simplement de gens qui ne travaillent pas dans la culture.
Parce qu’on est assez nombreux à « travailler dans la culture », peintres, plasticiens, intermittents du spectacle, danseurs, comédiens, auteurs, performeurs (eh oui…)…
Mais aussi, marchands, galeristes, responsables de frac, directeurs régionaux ou nationaux de fonds divers, directeur du mécénat de telle ou telle grande marque…
Quand on travaille quelque part, en général, on en vit. Parfois même très bien.
Parfois très mal aussi, comme dans beaucoup d’autres travaux. Mais bon.
Donc, le peuple, qui ne travaille pas dans la culture, est quand même bien, parce qu’il consomme, donc, on ne peut pas complètement se passer de lui. Lorsque le peuple consomme, il fait marcher l’économie, ce qui permet aux mécènes de s’enrichir.
Les mécènes peuvent être de deux sortes :
- salariés : ce sont les agents de l’Etat et ce n’est pas leur argent ;
- non-salariés.
Les mécènes non salariés sont des entrepreneurs, des héritiers, des gens très riches en général, qui achètent des œuvres d’art (lesquelles œuvres d’art, même lorsqu’elles sont répertoriées et valorisées dans un « marché », ne sont pas soumises à l’impôt sur la fortune, c’est tout de même bien légitime !). Et qui les revendent, ou se plaisent à les regarder, ou encore à les exposer.
Et c’est là que le peuple est agaçant.
Il ne regarde pas.
Ou alors, quand il regarde, il fait la fine bouche, la moue dubitative.
Il n’est pas capable de comprendre du premier coup d’œil qu’une tôle de courbe (ou droite d’ailleurs), de plusieurs dizaines de tonnes, de 4 centimètres d’épaisseur et d’une quinzaine de mètres de long, ne s’est pas plantée au milieu d’un jardin suite à la fausse manœuvre d’un grossiste de Mittal, mais que c’est une œuvre d’art.
Le con.
Il n’est donc pas capable de comprendre pourquoi quelqu’un a acheté cette plaque à un prix plus élevé que celui du kilo de fer.
Le con.
Il ne fait même pas la différence avec les sculptures naïves d’oncle Albert, chaudronnier, qui se prenait pour un artiste avec ses sculptures bizarres qui finissent de rouiller sous les ronces dans un coin de son jardin de Vierzon.
Le super con.
Alors, les mécènes se sont dit, « comment faire pour que le peuple comprenne que c’est de l’art et que cela vaut de l’argent ? »
Comment faire pour que, lorsque l’artiste contemporain est un ancien trader qui s’y connaît très bien en marchés (et un peu en déco grâce à son père qui était une sorte de Romeo - même si Romeo et ses lits en cuivre chantournés ce n’est pas de l’art, juste du mauvais goût) et qui fait fabriquer par des artisans chaudronniers, des copies d’objets gonflables, en métal chromé très brillant et très astiqué, le peuple donc, ne confonde pas un objet de 20 millions de dollars avec une enseigne d’hypermarché ?
En le mettant à Versailles coco !
Tout le monde comprend que ce qui est à Versailles cela vaut du pognon, même le dernier des cons !
Et à Versailles, comme il y a plein de consommateurs du monde entier qui passent par là (il y a même des mécènes). A Versailles, on a le même trafic, voire plus, que dans un Auchan un samedi de décembre !
On ne va pas se priver !
Parce que même si le marché de l’art se fait entre mécènes, cela commence à nous agacer de voir que le peuple non éduqué, voit une barre d’acier, ou une enseigne de mickey, dans des œuvres qu’on s’est fait fourguer pour des millions, et qu’on a envie de revendre pareil (voire un peu plus).
L’art contemporain, coco, cela devrait être obligatoire.
PS : on a fait très fort coco cette année : pour vraiment montrer que le peuple doit changer son regard, on a réussi à faire se mobiliser une escouade de chaisières de Saint-Sulpice et de hobereaux désargentés le jour de l’inauguration pour marquer leur désaccord. Au prochain blaireau qui nous dit qu’il aime pas ce que nous, mécènes, achetons et montrons, on expliquera aux journalistes – sur la banquette d’un étoilé – que ce blaireau fait partie de ceux qui étaient à la manif, et qu’il est peut-être même monarchiste et catholique traditionaliste !
Je te promets que le prochain – du peuple – qui veut l’ouvrir sur notre petit business… ce n’est pas demain coco !
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