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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > « Paris » de Cédric Klapisch : fenêtre ouverte sur la vie

« Paris » de Cédric Klapisch : fenêtre ouverte sur la vie

Mercredi dernier sortait « Paris », film choral de Cédric Klapisch, sa cinquième collaboration avec Romain Duris, vibrant hommage à la ville et à la vie. Alors, pari gagné ?


Moi que Paris fascine, émerveille, éblouit, intrigue toujours autant, ville lumière parfois sombre, inquiétante ou majestueusement mélancolique, dans laquelle je déambule inlassablement rêveusement à imaginer toutes les histoires qu’elle recèle ou que ses habitants véhiculent, moi qui, comme tout Parisien, d’adoption ou non, ai mon Paris idéal, idéalisé probablement aussi, quelque part sur la rive gauche, entre les bouquinistes des quais de Seine et la fontaine Médicis du Luxembourg, j’en attendais évidemment beaucoup de ce pari audacieux : celui d’intituler immodestement un film Paris et de consacrer un film à cette ville mythique. Claude Lelouch avait voulu célébrer Les Parisiens dans le film éponyme et c’est aussi aux destins qui tissent leurs toiles dans Paris que s’intéresse Cédric Klapisch dans ce film choral, sublimant et confrontant l’éphémère dans la ville éternelle. Des destins d’abord présentés comme autant de quartiers épars. Des destins vus ou entrevus ou même imaginés peut-être par Pierre (Romain Duris) qui, atteint d’une maladie cardiaque, ne sachant pas s’il va survivre, porte un regard neuf et différent sur Paris et ceux qui s’y croisent, s’y manquent, du haut de son balcon démiurgique qui surplombe la capitale. Chacun devient le héros des histoires qu’il s’invente, sorte de double de Klapisch scénariste car que fait d’autre le scénariste que de faire des gens qu’il croise, connaît ou devine, les héros d’histoires qu’il s’invente ?

56b44edd7f3bbd91f43fb5d03fad07a7.jpg Dans son Paris à lui se trouvent des personnages dont les définitions ressemblent parfois à des pléonasmes : il y a des maraîchers amoureux (Albert Dupontel, Julie Ferrier, Gilles Lellouche, Zinedine Soualem), une boulangère dont le sourire commercial dissimule à peine ses lieux communs et préjugés (Karin Viard), une assistante sociale en mal d’amour (Juliette Binoche), un architecte « trop normal » (François Cluzet), un SDF malmené, un prof de fac en pleine crise existentielle (Fabrice Luchini) amoureux d’une étudiante (Mélanie Laurent), une mannequin superficielle (Audrey Marnay), un clandestin camerounais qui rêve de l’image d’Epinal de Paris, là-bas, si loin... Rien ne les rassemble a priori si ce n’est cette ville, les ramifications du destin, telles des lignes de métro qui de toute façon finissent en un même point : le cœur. Tous les chemins mènent au cœur de Paris. Le cœur, justement, celui qui menace de lâcher à tout instant, cœur de Pierre. L’éphémère face à l’éternel. L’insignifiant face à l’essentiel. La vie face à la mort. La ville vue par le prisme d’un condamné à mort : une ville dont le cœur bat, insouciante, une ville qui vibre, qui danse, une ville de tous les possibles, une ville et une vie où rien n’empêche personne de « donner une chance au hasard », de faire valser les fils du destin comme il le fait du haut de son balcon.

Peut-être vous direz-vous qu’il s’agit-là d’un énième film choral parisianiste. Et vous auriez tort. Klapisch a un ton et surtout un regard sensibles et particuliers qui font de chaque instant des moments imprévus qui arrêtent le temps, suspendent les battements du cœur pour nous donner envie de saisir l’impalpable magie de l’instant de Paris, dans Paris, de profiter de l’instant, un instant où tout peut basculer : du rire aux larmes, de la vie à la mort, du sentiment d’éternité à celui de l’éphémère. Deux scènes en sont ainsi emblématiques reflétant l’ambivalence humaine que Klapisch, fin observateur, insuffle à ses personnages : une scène où Fabrice Luchini face à son psychanalyste interprété par Mauriche Bénichou passe de la désinvolture aux larmes, une scène où la maraîchère (Julie Ferrier) passe en une fraction de seconde de la légèreté au malaise... et nous avec eux.

Paris est aussi la cinquième collaboration de Cédric Klapisch avec Romain Duris (après Le Péril jeune, Chacun cherche son chat, L’Auberge espagnole, Les Poupées russes), lequel Romain Duris incarnait également le personnage principal d’un autre film consacré à Paris Dans Paris de Christophe Honoré. Romain nous fait oublier son personnage de Xavier dans L’Auberge espagnole et Les Poupées russes et il incarne ici avec beaucoup de retenue et de justesse ce danseur condamné à voir et imaginer la vie danser sous ses pieds immobilisés, sous son regard que l’imminence probable de la fin rend si clairvoyant. C’est en effet aussi un film sur le regard, sur les « choses cachées derrière les choses », derrière le regard pressé et imprécis et catégorique du Parisien, de sa hauteur il voit ce que les autres ne savent plus regarder comme la dérision de l’involontaire cruauté d’assistants sociaux débordés par leur propre détresse qui ne voient plus celle des autres alors que c’est pourtant leur métier, ou l’égarement soudain d’un homme qui ne sait plus voir la détresse de son frère qu’il s’était toujours satisfait d’imaginer si heureux.

2fa0c954086ed3f8f2bae4d11153ea08.jpg Karin Viard est parfaite dans le rôle de la boulangère en veste pied-de-poule et col roulé, avec ses bijoux et ses réflexions d’un autre âge, Fabrice Luchini aussi en historien amoureux égaré, Julie Ferrier aussi en maraîchère éprise de liberté, en fait il faudrait citer toute la distribution : François Cluzet, Albert Dupontel, Zinedine Soualem, Mélanie Laurent, Juliette Binoche évidemment. Un casting impeccable, en tout cas une direction d’acteurs irréprochable.

Des pléonasmes, des clichés sans doute, mais pour mieux s’en départir ensuite ou pour apporter une dose de comédie salutaire (par le personnage de Karin Viard, par exemple) dans cette histoire qui vous donnera envie de rire, pleurer, qui vous déstabilisera aussi, un melting pot émotionnel à l’image de Paris et de ses habitants.

Certains ont dit ou diront que c’est là et seulement une image d’Epinal, mais Cédric Klapisch, jamais dupe, s’en moque en passant aux images virtuelles par exemple (et se moque ainsi de l’idée imaginaire, aseptisée de Paris), en faisant de Luchini un historien qui fait visiter la capitale de lieux méconnus en lieux touristiques par excellence, ou encore par le personnage du Camerounais qui balade avec lui cette image d’Epinal de Paris, au sens propre comme au sens figuré. Ou en nous montrant un chauffeur de taxi acariâtre (je vous assure, ce n’est pas qu’un cliché...), symbole d’un Parisien mécontent. Certains encore (les mêmes, allez savoir) ont dit que ce film était trop déstructuré, au contraire : tout converge vers le même cœur, vers un même point, celui de Paris, celui de Pierre que sa maladie fait regarder et voir différemment les autres Parisiens dont il envie la possibilité de l’insouciance. Certains ont dit aussi que des personnages étaient « survolés », mais c’est le regard que Pierre porte sur eux : les imaginant plus ou moins bien et nous laissant aussi à nous la liberté d’imaginer, de survoler leurs destins et Paris avec lui, bloqués dans notre fauteuil comme lui derrière sa fenêtre, prenant au sens propre l’expression « fenêtre ouverte sur le monde », sur la ville, sur la vie. Cette jubilatoire liberté laissée au spectateur dans un cinéma condamné lui aussi à de plus en plus de conventions, de conformisme, fait beaucoup de bien, cette responsabilisation et ce respect du spectateur, de son imaginaire aussi.

Un film qui, par un montage astucieux, nous parle d’ « histoires simples » et des « choses de la vie », de la vie trop pressée sur laquelle nous n’avons plus le temps de prendre de la hauteur pour en saisir le cœur, le sel de ses rencontres, d’histoires d’amours et de mort, célébrant la ville et la vie qu’elle incarne et contient, un film qui chante et danse la vie, qui vous fera passer par un arc-en-ciel d’émotions, de lieux emblématiques et qui vous procurera cette irrépressible envie de « donner une chance au hasard ». Alors n’attendez plus un battement de cœur, prenez immédiatement un ticket pour Paris !

Cet article est extrait du blog "In the mood for cinema" : http://monfestivalducinema.hautetfort.com


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11 réactions à cet article    


  • tvargentine.com lerma 25 février 2008 09:59

    Alors que nous avons ici des dizaines d’articles en attentes de diffusion,on nous diffuse ici un reliquat d’un mauvais article de publi-reportage d’un très mauvais film français subventionné avec de l’article public sur un film vraiment bobo !

     


    • Juliette Darembert 25 février 2008 12:55

      C’est un super film, ; qui m’a fait pleurer quand à la fin on comprends qu’il va mourir. J’ai aussi bien aimé l’histoire avec Luchini ou il couche avec une ado et se fait plauqer après. Triste mais réaliste.

       

      Bises.


    • spock spock 25 février 2008 16:08

      "quand à la fin on comprends qu’il va mourir."

      dans la série Kazer Soze c’est le boiteux dans usual suspect, pas mieux.

      merci beaucoup en tout cas. Ggrrrr


    • Cris Wilkinson Cris Wilkinson 25 février 2008 10:15

      Lucchini est sous-exploité (mais qu’est-ce qu’il danse bien).

      Le film est long et encore à la base, il fasait 3 heures.

      Et on aurait put se passer de la boulangère (caricature de la blanche raciste), qui a un rôle tellement minime qu’on se demande ce qu’il fait là. Du clochard qui apparait 2 fois, puis rien, ou encore du frangin africain, si Klapish veut parler d’immigration illégale, qu’il fasse un film dessus, mais pas 5 mn archi découpé dans un film qui n’a rien à voir.


      • Francis, agnotologue JL 25 février 2008 11:02

        Très bon article. Il n’y a rien à changer à cette critique d’un très beau film. Nous étions 5 amis à avoir vu et unanimement apprécié ce film. J’attendais peut-être un peu plus sur Paris : certaines vues sont assez banales, d’autres manquent à l’appel.


        • Sandra.M Sandra.M 25 février 2008 18:37

          @lerma : (dont le leitmotiv semble d’être de critiquer tout article lié au septième art) Si dire qu’on a eu un coup de coeur pour un film c’est faire du publi-reportage alors j’assume !! Mais je vous rassure, personne ne m’a payée pour le faire, je l’ai fait avec grand plaisir. Et vous m’expliquerez ce qu’est un "film vraiment bobo".

          @ Cris Wilkinson : Il était impossible de traiter tous les personnages (très nombreux) de manière égale mais je trouve que chacun montre une vision différente de Paris. La boulangère est peut-être caricaturale...mais j’en ai croisé des comme ça ou presque !! L’immigration n’était pas non plus le thème du film. Le Camerounais incarne juste un autre visage de Paris et renvoie à l’image d’Epinal qu’il emporte avec lui et au rêve que représente Paris.

          @ JL : Merci. Je suis d’accord. On est forcément déçu parce que nous avons chacun notre vision de Paris et de ce que nous aimerions voir. Je viens de revoir "Les Poupées russes" et curieusement je trouve qu’on y voit presque davantage Paris...


          • Yohan Yohan 25 février 2008 23:35

            La question qui se pose maintenant est : Qu’est ce qui est arrivé à Lerma la veille du deuxième tour ?.

            Un trou noir, une mauvaise rencontre genre "Rencontre du 3ème pauvre type" " "Alien à Paris" "Dans la peau de Sarko"

            Je paierais cher pour le savoir.


          • Theothea.com Theothea.com 26 février 2008 11:39

            Sandra, nous aimons à la fois votre style rédactionnel et votre passion pour le cinéma. Ne changez rien si ce n’est à faire davantage usage des paragraphes pour que la lecture de vos articles en soit favorisée.

            Je viens de découvrir la mise en scène de Cédric Klapisch à la faveur de la soirée cinéphilique de France 2, ce dimanche soir avec la diffusion de "Les poupées russes" et "Péril jeune" :

            Grande envie de VOIR PARIS !....

             


          • tvargentine.com lerma 25 février 2008 22:15

            @Sandra.M

            Je ne critique pas pour contester mais pour faire de la vrai critique qui n’a rien à voir avec les publi-reportages sur les films français qui restent d’une médiocrité totale

            Astérix aux Jeux Olympiques ????? tu trouves cela super ?

            Entre ce navet subventionné et Benjamin Gates et le livre des secrets ,ou Jumper ou John Rambo (qui a eu une tres bonne critique du canard enchainé) ou Cloverfield ou No country for old men ou La Guerre selon Charlie Wilson ou Il était une fois... ou Je suis une légende..................films que j’ai tous vu au MEGARAMA ,mon choix est fait

            Quand à Enfin veuve que j’ai vu aussi,bon c’est une tres petite comédie

            Voila,savoir etre vértitablement critique et se détacher du marchandising habituel que nous vendent les médias

             Ensuite les films français intellectualisent la ou il n’y a pas et cela devient ennuyeux de voir des films mauv ais réalisés par des personnes qui se considérent comme élitistes .....c’est film ne sont regardé que par des bobos


            • Babalas 25 février 2008 22:45

              Je crois que Klapisch fait de l’américain à sa manière, en jouant sur une forme francaise de sentimentalisme. Je lui en reconnait le droit et l’intéret, même si je me suis méchamment ennuyé...

              Pour ce qui est du casting, c’est excellent, et Duris et formidable : son personnage s’exprime à 80% par le corps, c’est un sacré travaille d’actuer.

              Les persos sont bien décrits, et les stéréotypes gagnent à être représentés par de bons acteurs (une mention spéciale à Karin Viard).

              Et Klapisch a compris que le plus beau dans paris, ce sont les toits...

              Mais quand même, qu’est-ce qu’on s’ennuie... smiley


              • Babalas 25 février 2008 23:21

                Heu... Je dirais tout des personnages de "Paris" sauf qu’ils sont amoraux.. ; A l’exception des mannequins qui prennent le grand frisson dans la viandasse à Rungis...

                C’est justement la dimension convenue des personnages qui me les rends, à moi aussi, bobos...

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