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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Paris la belle, Jacques Prévert et ses clichés

Paris la belle, Jacques Prévert et ses clichés

Paris la belle : un inventaire à la Prévert ? Pas vraiment. Cette exposition-hommage est plutôt une accumulation d’objets personnels (photos, manuscrits, livres en édition originale, affiches, films, toiles, collages, etc.) sensé retracer chronologiquement la vie du poète français le plus célèbre du XXème siècle : Jacques Prévert.

Le plaisir qu’on tire de cette exposition est ambigu. On en sort avec le tournis. Etait-ce servir Prévert, homme de la générosité et de la profusion, que de survoler sa vie au point de la réduire à quelques clichés ? Certes, les amateurs, tout comme ceux qui souhaitent découvrir la vie et l’œuvre de l’auteur de Paroles, Spectacles, Fatras, Choses et autres, le dialoguiste de L’Affaire est dans le sac ou des Visiteurs du soir, l’ami de
Picasso, Miro, Doisneau, Calder, Carné, Izis et tant d’autres, ne bouderont pas leur plaisir.

Il ne manque presque rien à Paris la belle pour qu’elle nous charme. Et ce rien, ce sont justement les moins que rien, les presque rien, le peuple de Paris sans lequel l’œuvre de Prévert ne signifie rien. Il avait su en transcender l’esprit et, en véritable poète populaire, avait su le traduire dans ses poèmes, ses collages, ses chansons et aussi, bien sûr ses dialogues cinématographiques.



C’est une exposition sage comme une image, avec son pesant de clichés, juste agréable et tout à fait dans l’air du temps : elle fige Prévert dans un cadre, celui un peu suranné des salons de l’Hôtel de ville, c’est-à-dire là où n’allait pas Prévert qui préférait les bistrots et les rues.

Au bout du compte on se demande si après Edith Piaf, Yves Montand, Robert Doisneau et Willy Ronis, l’icône Prévert sert le poète et son message où soigne l’image de la ville de Paris, redore le blason terni d’une municipalité qui ces cinquante dernières années n’aura guère ménagé son populo. Et aujourd’hui moins que jamais.

« Paris est tout petit pour ceux qui comme nous s’aiment d’un aussi grand amour » répond Garance-Arletty à Frédérick Lemaître-Pierre Brasseur avec un soupçon d’ironie et beaucoup de grâce (Les Enfants du paradis). Arletty, son charme, sa beauté, sa truculence, symbolisait le peuple de Paris qu’affectionnait Prévert, né à Neuilly sur Seine en 1900 et mort à Omonville-le-Petite (Manche) en 1977.


 
Si l’on se sent à l’étroit, presque guindé dans cette exposition, c’est que l’espace y est compté. La Salle Saint-Jean de l’Hôtel de ville ne permettait pas de rendre à Prévert le grand hommage qu’on attend. Cet hommage que le Centre Pompidou a rendu il y a quelques années à Jean Cocteau, autre génie artistique du XXème siècle.

Reconnaissons au moins à la ville de Paris le mérite de souligner combien l’engagement poétique et artistique de Prévert a valu tous les combats politiques. Comment le libertaire Prévert ne s’est jamais trompé dans ses engagements, dans son humanité.

Prévert s’engagea dans sa poésie, poésie qu’il ne réserva pas à quelque élite, mais divulgua le plus démocratiquement du monde à travers le théâtre (le groupe Octobre), le cinéma (en tant que dialoguiste de Carné, notamment), la photo (Doisneau, Izis, André Villers, Peter Cornelius…), la peinture (Miro, Picasso…), le collage ou encore la chanson (Marianne Oswald, Mouloudji, Les Frères Jacques, Montand…). Tel Jean Cocteau, Prévert traversa le siècle avec légèreté, avec les apparences d’un dilettante, d’un poète « facile », et même, insulte suprême, d’un poète pour enfants, c’est dire dans quel estime on tient les enfants.


Jacques Prévert, Paris la belle manque d’ambition, mais il faut la visiter malgré tout. Parce que c’est Prévert et que jamais ce nom accolé à une quelconque entreprise n’a été synonyme de médiocrité. Ceux qui aiment Prévert la visiteront avec plaisir et, tout à la fois, en sortiront frustré. De cette masse, de cette vie jaillissante, de cette créativité permanente, il aurait fallu choisir. Le thème était tout trouvé : Prévert et le peuple parisien.

Prévert était tel un Rimbaud matiné de Dorian Gray, un Rimbaud qui n’aurait jamais vieilli, jamais trafiqué en Arabie, un Rimbaud et ses « peintures idiotes », ses « toiles de saltimbanques », ses « enseignes » et « enluminures populaires », sa « littérature démodée », ses « petits livres de l’enfance », ses « refrains niais » et ses « rythmes naïfs ». Tout Rimbaud est dans Prévert. Et tout Prévert est dans Paris. Et tout Paris était dans son peuple, dans son fleuve, dans ses quartiers, dans ses rues, dans ses bistros, dans sa gouaille, dans ses chansons…

Prévert et le peuple ! C’est une évidence pour ce poète marlou. Prévert enfant dans le quartier Saint-Sulpice, Prévert sortant de l’adolescence et faisant les 400 coups avec ses copains surréalistes, avec Marcel Duhamel, futur directeur de la Série Noire (c’est Prévert qui trouva la titre), avec Desnos, le poète de Fantomas.

Prévert à Saint-Germain-des-Prés, pas celui de Sartre, mais celui de l’arrière-cour, celui de l’Echaudé, de la rue de Buci, de la rue de Seine et du bistrot tenu par le père Fraysse où autour du zinc se rassemblaient l’ouvrier et la concierge, l’académicien, l’artiste et quelques chats errants avides d’aventures nocturnes tel Robert Giraud, jeune poète, spécialiste des bas-fonds de la capitale qui la même année, en 1947, rencontra Prévert et Doisneau. Ensemble ils publièrent en 1960 un ouvrage à six mains sobrement, si l’on peut dire, intitulé Bistrots. L’ouvrage est présenté dans l’exposition.
Giraud, Prévert, Doisneau, Izis, Cendrars, Fallet et tant d’autres arpentaient le pavé parisien à la recherche de l’or du temps.



Il ne manque presque rien à cette exposition sinon un peu d’âme, un peu de cette belle âme du vieux Paris, de cet air sans lequel Prévert n’aurait pu respirer. Presque rien. Tout.

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Jacques Prévert, Paris la belle. Du 24 octobre 2008 au 28 février 2009. Hôtel de ville. Paris 4ème

Crédit photo : Izis/GPZPhoto


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3 réactions à cet article    


  • sisyphe sisyphe 24 octobre 2008 22:19

    Merci pour cet article qui nous rappelle la mémoire si chère de Prévert,
    et pour l’info sur l’expo

    Démons et merveilles
    Vents et marées
    Au loin déjà la mer s’est retirée
    Et toi
    Comme une algue doucement caressée par le vent
    Dans les sables du lit tu remues en rêvant
    Démons et merveilles
    Vents et marées
    Au loin déjà la mer s’est retirée
    Mais dans tes yeux entr’ouverts
    Deux petites vagues sont restées
    Démons et merveilles
    Vents et marées
    Deux petites vagues pour me noyer.


    • sisyphe sisyphe 24 octobre 2008 22:48

      ? ????

      Pourquoi préférer ? 
      Il n’y a pas de "comparaison"...
      Paris n’est, certes, pas que Prévert,
      Mais Paris sans Prévert serait-il Paris ? 


    • pseudo pseudo 25 octobre 2008 17:03

      Ne vous fâchez pas :

      "Qui est là
      toujours là dans la ville
      et qui pourtant sans cesse arrive
      et qui pourtant sans cesse s’en va
      C’est un fleuve répond un enfant
      un devineur de devinettes.
      Et puis l’oeil brillant il ajoute
      et le fleuve s’appelle la Seine
      quand la ville s’appelle Paris
      et la Seine c’est comme une personne
      des fois elle court elle va très vite
      elle presse le pas quand tombe le soir
      des fois au printemps elle s’arrête et
      vous regarde comme un miroir.
      Et elle pleure si vous pleurez
      ou sourit pour vous consoler
      et toujours elle éclate de rire
      quand arrive le soleil d’été... "


      Prévert et la Seine qui coule sous le pont Mirabeau à Paris qui est sur la terre, la terre qui est un astre...


       

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