Persepolis, un hymne à la compréhension
Je viens de voir Persepolis, le film de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud en avant-première ce vendredi, puisqu’il ne sort que mercredi 27 juin. Nul doute qu’il rencontrera du succès, la salle était déjà comble et s’est montrée très enthousiaste ; les critiques sont certainement bonnes également - je n’ai pas pour habitude de les lire. J’ai envie de parler de ce film pour deux raisons :
1/ La première, évidente, est de pousser le plus de monde possible à aller voir ce film qui m’a émerveillé et qui mérite d’être vu.
2/ La deuxième, moins évidente, est la volonté de tirer les enseignements de cette histoire qui nous est racontée, et qui, si on y réfléchit, peuvent peut-être - à coup sûr ! - susciter le débat.
Alors allons-y... Ce film est beau, ce film est intelligent, ce film est cultivé, ce film est rock‘n roll, ce film est touchant, ce film est triste, et parfois dur, mais toujours... drôle. C’en est même parfois un peu curieux, on rigole encore d’une scène et il se passe quelque chose de vraiment pas drôle : le retour à la réalité est alors quelque peu tendu, mais pas de panique !, ça repart, car le but n’est pas de nous accabler, loin s’en faut ! C’est donc peu de dire que le temps passe vite, le film glisse littéralement, sans temps mort, avec un humour léger contrastant avec la lourdeur machiste souvent dénoncée. J’en finis avec les louanges en mentionnant la subtilité, la nuance dans le propos dont il est fait preuve. Voilà, si avec ça vous n’êtes pas tentés, je ne peux plus rien...
Mais venons-en
à ce qui m’intéresse le plus : le « message » du film. Je n’aime
pas le terme « message » parce qu’il comporte un côté quasiment
obligatoire, définitif, universel... disons les « interprétations ».
D’abord, ce qui est frappant, c’est l’absence d’exotisme, et c’est revendiqué (j’ai
entendu Marjane Satrapi l’expliquer dans Ce
soir ou jamais sur F3 ce mercredi) : le dessin (et non des acteurs en
chair et en os), le noir et blanc, le décor... tout est fait pour que le
spectateur prenne conscience qu’il n’y a là rien d’ethnique, mais que la
problématique est plutôt anthropologique. Cela se passe en Iran comme cela
pourrait se passer ailleurs, et c’est déjà important dans la déconstruction du
référentiel commun (vous savez, celui qui alimente la thèse du « choc des
civilisations »). Deuxième flèche contre les idées reçues
occidentales : les Iraniens (et les Iraniennes !) ne sont absolument
pas montrés abattus, laminés, déshumanisés, mais bien au contraire humains,
festifs, joueurs, amoureux, combatifs... Bref, ils et elles ont soif de vivre,
soif de liberté, soif d’émancipation et de culture. C’est là une idée forte du
film. Bien sûr le peuple n’est pas libre, les femmes n’ont pas les mêmes droits
que les hommes, etc. Ces problèmes sont loin d’être éludés, mais l’essentiel
est que malgré cette situation dramatique, le peuple se bouge et vit.
Lapalissade, me direz-vous ? Je ne le pense malheureusement pas. Encore une
fois, elle a défendu - avec brio - cette idée sur le plateau de Ce soir ou
jamais, en expliquant que les femmes iraniennes, dominées politiquement,
juridiquement, se rattrapaient en quelque sorte en faisant des études,
puisqu’il semble qu’une large majorité des étudiants en Iran sont en réalité
des... étudiantes. On peut épiloguer pendant des heures sur le régime politique
iranien... je pense qu’en tant qu’Occidentaux, nous nous devons d’espérer envers
ce mouvement de fond qui traverse la société iranienne, ce mouvement contre
lequel aucun régime ne peut strictement rien faire, c’est celui de
l’émancipation des femmes, par l’éducation, la culture, le travail. C’est
d’ailleurs, je crois car je ne l’ai pas lu, le thème principal du livre de
Thierry Coville, spécialiste de ce pays (Iran,
Et puis, je ne voudrais pas finir cet article sans mentionner les impensés que les Occidentaux peuvent avoir sur eux-mêmes et qui sautent aux yeux au regard de Marjane dans le film. Revenue en Iran, elle explique qu’en Europe, on peut mourir dans la rue sans que personne n’en ait rien à faire, laissant là assez amer sur la solidarité et la fraternité en nos contrées. Que dire de ce cassage en règle du nihilisme bien européen et bien postmoderne lorsque Marjane explique que ce n’est pas pour s’amuser que sa famille se bat, se fait emprisonner, se fait exécuter parfois ? Que dire enfin de cette distance - si appréciable - que nous pouvons cultiver avec la guerre, l’horreur, la mort et décider que, oui ou non, il faut mener telle ou telle guerre, sans jamais avoir à l’esprit - et c’est normal - la situation humaine sur place. Voilà, aucune leçon n’est dispensée (si ! Marjane en reçoit une belle de sa grand-mère), il n’y a pas de camps de gentils ou de méchants, ce film est simplement un appel à la compréhension, à l’empathie, à la destruction des idées reçues, et à la lutte pour la liberté, les libertés individuelles. Merci et bravo Marjane et Vincent !
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