« Phonard » élu mot nouveau 2010
Le festival XYZ... du mot et du son nouveau s’est réuni et a voté, à Paris et au Havre, au cours de la dernière semaine de novembre. Est-ce un effet des portables qui ont sonnés durant ces soirées ? En tous cas, le terme « Phonard » pour « Vas donc eh phonard » a été couronné, et tous les « phonards » priés d’apprendre le « Phone art » ! ...
Qui n’a jamais eu envie de faire remarquer à la personne qui raconte sa vie en face de vous, au téléphone, dans un train ou dans un bus qu’elle vous agace au plus haut point ? Qui n’a jamais fulminé quand, lors d’une discussion sérieuse, l’interlocuteur répond au téléphone ou pianote furieusement sur son portable pour répondre à un sms ? Les moins tolérants auront désormais une insulte à l’encontre de ces « addictomobiles » : « phonard ». Comme le dit « Libération » dans un article d’Emmanuele Peyret publié le 30 novembre : « Phonard ?Oui, pour « va donc, eh, phonard » joyeuse contraction de Iphone et connard-chauffard etc…qui remporte cette année la palme du 9e Festival du mot et du son nouveau, parrainé à ses débuts par Raymond Devos, qui se tient chaque fin de novembre au Havre ». Un papier salué le 30 novembre dans la revue de presse de Jean Christophe Martin sur France Info, en ces mots : « On en parle moins que le Beaujolais, le mois de novembre a aussi livré son mot nouveau.. C’est l’ambition du Festival du mot nouveau : il célèbre chaque année fin novembre au Havre un mot et un son nouveau. Avec son "mot nouveau de l’année" ce festival petit mais ambitieux veut apporter sa contribution pour que le Français reste une langue vivante et sonnante. C’est à lire sur agoravox, dans Paris Normandie et Libération. Au palmarès des années précédentes, il y a eu bistrotter ou désoiffer, qui se comprennent facilement, il y a eu l’aimeuse, pas tout à fait amante, l’ordinosore, le vieil ordinateur bon à mettre à la casse... Cette année, le mot de l’année, c’est le "phonard", contraction de iPhone et d’un autre mot, la traduction moderne d’une vieille expression, on dira "va donc eh phonard" quand on sera confronté à ces utilisateurs frénétiques de téléphone portable qui nous cassent les oreilles... »
Ce terme, une insulte dirigée vers celles et ceux qui abusent de leur téléphone portable, comme l’on deviné les compères de la « bande à Ruquier » sur Europe 1 le 30 novembre , a été élu samedi soir au Havre, lors de la soirée de clôture du « Festival XYZ », du mot et du son nouveau. Cet évènement est destiné à inscrire dans la langue française des mots, néologismes inventés, trafiqués, cuisinés, à renouveler et moderniser notre vocabulaire. En 2009, c’est « aimeuse » qui avait eu la préférence des votants. Comprendre : « aimant à la manière de Colette ». Une aimeuse, entière et exclusive, qui se serait sans doute offusquée de l’attitude d’un phonard. L’heureux élu succédait alors à « ordinosore » en 2006, ou encore « désoiffer » (étancher sa soif par la consommation, sous-entendue, d’alcool) en 2004, et « humanicide » en 2003, une décision sans aucun doute inspirée par les attentats terroristes du 11 septembre. Parmi les propositions de mots nouveaux de l’année 2010, figuraient également « automagique » (quelque chose qui fonctionne « on ne sait comment »), « dormioter » (entre sommeiller, dormir et somnoler), « intermitteux » (alternant de courtes périodes salariées sous-payées à de longues périodes de chômage), diablement d’actualité, ou encore « submergeant » (en référence à un pays émergeant développé, susceptible de nous inonder, tel que la Chine, ou l’Inde). Entre autres « transpérer » (espérer si fort que l’on en transpire) et « maturescence » (la crise de la maturité, comparable à la crise de l’adolescence).
J’ ai accueilli cette année les participants d’un malicieux « Bonjoir ! » (mot élu en 2008, savante mixture à connotation humoristique entre « bonjour » et « bonsoir »), dans une arrière salle du Bistrot. L’ambiance tamisée, à la fois vieillotte et chaleureuse, était le décor idéal pour une soirée placée sous le signe de la langue française, ancienne, comme moderne. La salle s’est remplie sur le tard, mais aucune chaise n’est finalement restée vide. Les spectateurs observaient alors avec curiosité, et parfois même étonnement, ce qui se déroulait sur scène. Le vote, démocratique, s’est fait entre 22 mots, sélectionnés dans une liste de plus de 100 mots, par les votes des années précédentes. Entre les réunions de Paris et du Havre, plus de cent personnes ont coché le mot de leur choix. Phonard est arrivé en tête, mais à la majorité relative, avec 14 voix.
Quelques critiques à l’encontre de l’Académie Française, installée par Richelieu en 1635, et l’on comprend alors l’intérêt de l’initiative. L’institution en est (également) à la 9e édition de son dictionnaire… Et aujourd’hui « dans ses mots nouveaux, on trouve calculette ou auto-radio… C’est ça prendre 60 ans de recul entre les éditions », a ironisé le sociologue avant de citer Bernanos : « Quand je n’aurais plus qu’une paire de fesses pour penser, j’irai m’asseoir à l’académie », et Paul Claudel : « Quatre vingt ans, c’est l’âge de la puberté académique ». Le ton est donné.
Le festival, qui soufflait cette année ses neuf bougies, se développe. J’ ai collaboré cette année avec plusieurs jeunes talents pour l‘animation de la soirée. La première, Marine Biton-Chrysostome, chanteuse, musicienne et comédienne, a notamment rendu hommage à un écrivain inconnu, comme le veut la tradition du festival. Cette année, ce sont des extraits du livre de Pierre-Yves Bourdil, « Histoire du premier mot », qui ont été lus, entre deux airs d’accordéon.
Pour la suite du spectacle, j’ai tenu à rendre hommage au « son nouveau », autant qu’au mot. L’occasion pour la compagnie « Une chanson dans ma mémoire » d’interpréter un répertoire qui approche les 200 ans d’âge. Citons, entre autres, Pierre-Jean de Béranger, Frédéric Bérat ou encore Gustave Nadaud. Mais ce qui aurait pu être un spectacle banal, simple répétition de chants ayant traversé deux éprouvants siècles, a été interprété par une troupe dont l’âge des comédiens et chanteurs ne dépasse pas les 30 ans. Résultat : oscillant entre comique et tragique, vieilleries et créations, les chansons ont été originalement modernisées, et intelligemment mises en scène par Camille Lamache. Les chants datant de l’entre deux empires, au XIXe siècle, semblaient même livrer une série de messages bels et bien actuels. Un répertoire allant d’un entraînant « Pandore », interdit à l’époque par Napoléon III, à l’audacieux et hilarant « Combien je regrette mon bras si dodu » d’une grand-mère nostalgique, incarnée par la jeune Sandra Piquemal, ainsi qu’au doux « J’irais revoir ma Normandie » interprété par Kévin Mussard, guitare en mains. Sans oublier l’émouvant « Soldat de Marsala », interprété avec force par Audrey Le Boedec. Débordant d’énergie, les comédiens se sont efforcés d’attraper le regard d’un public pourtant non initié à l’art vivant, contournant tables et fauteuils, afin d’annoncer « les nouvelles de Paris », la ville au ciel gris. Un succès, semblerait-il. Même en terres normandes.
Cette 9e édition prépare le 10e anniversaire du festival. Le cru 2011 devrait marquer le passage vers une « nationalisation de l’événement », différents contacts étant pris avec plusieurs autres villes intéressées.
Salué par Paris Normandie et Libération notamment, le festival a été cité par toutes les radios. Son esprit positif donnera l’année prochaine, outre l’élection d’un nouveau mot, un spectacle intitulé « Hydropathes et Hirsutes au Chat noir, en 1900 »… Tout un programme, avec notamment Alphonse Allais. Notez donc bien sur vos agendas, la dernière semaine de novembre 2011, à Paris le premier samedi, au Havre le dernier, et entre temps, partout au Havre et en France !
Eric DONFU
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