Pierre Soulages à Conques, bâtisseur de lumière
Colosse de l'art contemporain, enraciné dans la terre de son enfance, sa longue vie se confond avec son œuvre. La vocation artistique de Pierre Soulages ( 1919-2022) est née à Conques, dans l'Aveyron, lorsqu'en 1931, adolescent, au cours d'une visite l'abbaye de Sainte-Foy il est bouleversé par la beauté de l'édifice, qu'il relatera ainsi : « J'étais dans un tel état d'exaltation, je me suis dit qu'il n'y a qu'une chose importante dans la vie, c'est l'art. Je serai libre. Je vais aller dans des sentiers qui ne seront pas forcément ceux que l'on m'indiquera, qui ne seront pas des sentiers battus. »
Plus tard, entre 1987 et 1996 il s'est investi avec acharnement car le chantier était colossal dans la restauration des 104 vitraux de l'abbatiale romane de Saint-Foy classée depuis l'année 1998 au patrimoine mondial de l'Unesco. Eglise de pèlerinage, lieu de découverte et étape pour les individus en chemin sur une des routes allant à Saint Jacques de Compostelle . Edifiée Au XII ème siècle, chef d'oeuvre de l'époque médiévale, le Ministère de la Culture propose à Pierre Soulages la réfection de ses vitraux. Ce dernier souhaite valoriser par un verre neutre l'architecture sobre et la lumière du lieu. C'est alors la rencontre entre la transparence du verre jouant avec la lumière du ciel qui pénètre dans l'austérité des voutes romanes, propices au recueillement et au silence. Le vitrail, cet art ancien qui a besoin de lumière pour exprimer la plénitude de sa beauté sied particulièrement à l'expression picturale de Soulages qui décrit son œuvre ainsi « Plus les moyens sont limités, plus l'expression est forte. »
Sa quête d'un verre incolore et translucide visant à valoriser la polychromie de l'édifice fait l'objet de sa part d'une obstination sans faille de par les difficultés techniques de la réalisation, la rencontre d'aléas politiques liés aux changements de gouvernements, la réticences des habitants qui avec le temps se sont convertis à cette étonnante création. Ses vitraux en verre non coloré et translucide animés par un jeu de courbes et obliques créée par une armature en fer qui tendue dans les ouvertures ondoie sur le verre opalin et tranche avec les lignes droites et les arcs de l'architecture du bâtiment. Vu de l'extérieur, au fil des heures le verre reflète tantôt la couleur bleutée de la lumière matinale, tantôt les violines et orangées du couchant là où dominent les couleurs chaudes des pierres de schistes et de lauzes. A l’intérieur la réflexion est plus forte et le verre se colore de tons chauds et froids, créant une luminescence, puisque les fenêtres font corps avec l'édifice qui a échappé à l'usure du temps.
Il y a neuf siècles, des moines bâtisseurs ont édifié une vaste église abbatiale à Conques, œuvre capitale de la Renaissance médiévale, ici à son apogée. Dans ces lieux de paix à la sobre esthétique que sont les abbayes romanes, on observe une forme d'architecture immatérielle créée par les jeux d'ombres et de lumières. Celle-ci est mouvante, animée et évolue selon les heures, les jours et les saisons au gré de l'état du ciel, l'intensité du soleil, l'approche de nuages. Le génie de Soulages a consisté à mettre en valeur l'organisation de la lumière au travers de la pureté des lignes de ses vitraux. Il a souhaité opposer aux courbes rigides de l'espace des obliques souples plus proches du mouvement de la lumière, marque de l'écoulement du temps et a crée un chef d'oeuvre de l'art contemporain.
Pour aller plus loin :
Conques, les Vitraux de Soulages, éditions du Seuil
Eliane JACQUOT
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