Poreotix and Co.
Ils s’appellent les « Poreotix », « Jabbawockeez », « We Are Heroes » ou encore « Quest Crew », leurs noms ne vous dit peut être rien, et pourtant ils sont adulés par la jeunesse américaine, mais aussi par celle de bien des ailleurs. A peine montés sur scène, avant même leur chorégraphie entamée, déjà la salle s’enflamme, le public se lève et bouge avec eux. Stars incontestées de la scène Hip Hop, Poreotix, Jabbawockeez, We Are Heroes ou Quest Crew font partie des plus incroyables et talentueuses équipes de danse qui se sont produites ces dernières années à l’occasion de shows et d’exhibitions, ou lors de concours, comme le championnat du monde « Hip-Hop Internationals », ou le non moins renommé « America’s Best Dance Crew », qui décerne chaque année le titre de meilleure équipe de danse des Etats Unis. Cinq concours de l’ABDC ont déjà eu lieu, chaque équipe citée ayant remporté l’une des éditions passées. Les premières épreuves de la sixième édition débutent le 7 avril 2011.
Tant de dynamisme, de bonne humeur et d’enthousiasme ne peuvent qu’être contagieux. Tant de travail, de précision, de perfectionnisme, d’imagination, de persévérance et de dépassement de soi méritent également d’être soulignés. Toutes ces qualités sont celles prônées par la culture Hip Hop, car, pour qui en douterait encore, c’est d’une véritable culture dont il s’agit, une culture jeune et urbaine, une culture vivante, avec son histoire mais résolument tournée vers l’avenir, avec son évolution, ses valeurs et ses traditions. Plus encore qu’une culture, c’est un mode de vie, une véritable communauté qui, idéalement, regroupe et unit des gens du monde entier, un monde en soi qui possède ses nombreux styles, son langage, ses codes et ses pratiques. Un monde en soi peut-être, mais certainement pas un monde fermé, remplié sur lui-même. Certains parlent même d’une véritable « conscience collective ». Cette expression, il fallait oser la lancer. C’est fait. Et depuis 2001, le mouvement possède même sa « Déclaration de Paix », présentée officiellement à l’ONU.
Hip Hop, késako ?
Née dans les années 70 dans les ghettos Noirs de New York, la culture Hip Hop compte désormais de fervents adeptes dans le monde entier. Pour résumer, le Hip Hop, c’est vaste ! Ca regroupe de nombreuses et diverses disciplines. Ainsi, on mélange parfois le Hip Hop et le Rap, alors que ce dernier est un genre musical appartenant à la culture Hip Hop, et non le mouvement dans son ensemble. Car le Hip Hop, qui regroupe aussi bien des disciplines musicales que des styles de danse, de la poésie, ou encore de l’art pictural, c’est aussi le Break Dance (dont tout le monde connaît le style acrobatique effectué à même le sol), le Smurf, le DJing, le Slam, le Beatboxing, le Popping (qui nous intéresse plus particulièrement ici), le Mix… On en a déjà la tête qui tourne… Sans oublier les graffitis, nés eux aussi à New York dans les années 70 et réalisés au moyen de bombes aérosols, qui ornèrent pendant longtemps les rames du célèbre Subway et dont certains constituent de véritables et magnifiques œuvres d’art.
L’expression Hip Hop viendrait de l’addition du terme argotique américain « hip » signifiant « intelligence », et « hop », qui est l’onomatopée du saut, mais d’autres interprétations existent. On attribuerait ainsi également l’expression à Malcolm X.
Le Hip Hop, c’est tout ça, et pourtant ses divers artistes, comme ses fans, ne s’expriment pas forcément dans toutes les disciplines, mais choisissent au contraire de se spécialiser. Ainsi, on peut aimer le Popping sans aimer la Break Dance ou le Rap, ou bien être slammeur sans pratiquer de discipline de danse ni faire de graffitis, etc. Il paraît difficile, par conséquent, de dire qu’on aime le « Hip Hop » dans son ensemble, à moins de se reconnaître dans tous ses courants artistiques et toutes ses disciplines.
L’ABDC , c koi ?
Chaque semaine, lors des épreuves éliminatoires, les groupes doivent relever un défi que le jury leur lance. Ce défi peut être différent d’une équipe à l’autre. C’est ainsi que pour l’anniversaire de la sortie de l’album « Thriller » de Mickael Jackson, les participants furent conviés à danser sur l’un de ses titres. Lors d’une autre épreuve, une équipe avait pour consigne de donner l’illusion de défier les lois de la pesanteur. Tout un programme… C’est lors de tels défis que la créativité, l’imagination et l’originalité, en plus du talent et du travail, doivent entrer en jeu et faire leurs preuves.
Ajoutons deux autres qualités à celles déjà énumérées. Tout d’abord l’humilité, car il en faut pour affronter, une fois sa prestation effectuée devant une salle bourrée à craquer, les critiques du jury, dont font partie des personnalités du monde de la musique comme JC Chasez (producteur, compositeur…) et la jeune Lil Mama (chanteuse, compositrice, rappeuse).
Franches et directes, ces critiques, lorsqu’elles doivent être négatives, n’en sont pas moins constructives, car formulées avec indulgence et toujours accompagnées de conseils pour s’améliorer, de remarques concernant les points positifs de la prestation et d’encouragements pour la suite. Car il ne s’agit bien évidemment pas de casser les concurrents, mais de leur faire prendre conscience de leurs défauts, des aspects qu’ils doivent retravailler, dans le but de les aider à se dépasser, leur permettre de donner le meilleur d’eux-mêmes et pourquoi pas atteindre les sommets. Lors des plus belles prestations, les plus travaillées, les plus originales, le jury est unanime et les compliments fusent de toutes parts, sous l’ovation du public.
L’autre qualité, non moins indispensable, pour durer dans la compétition, est l’esprit d’équipe et l’unité de groupe. En effet, lorsque la chorégraphie n’est pas parfaitement synchronisée, c’est la prestation de groupe dans son ensemble qui en pâtit. Les meilleures équipes sont celles qui donnent l’impression de ne pas compter quatre, cinq ou six danseurs dans leur rangs, mais de ne faire qu’un. Toutes les équipes participant à l’ABDC, qui ont chacune leur style bien à elle, possèdent cette qualité, mais l’unité parfaite, c’est sans aucun doute chez Poreotix et Jabbawokeez qu’on l’a trouvée.
Poreotix, autrefois (et souvent encore) orthographié Poreotics (de « Popping Choreography Robotics »), a été formé en 2007. Leur style, comme leur nom l’indique, mêle le Popping et la Robot Dance, dont Mickael Jackson fit une démonstration ahurissante dans les années 70, à l’époque des Jackson 5 (A partir de la minute 1.02 de la vidéo -non, la séquence n’est pas filmée en accéléré !!)
Le groupe a pour signe de reconnaissance les lunettes noires toujours portées sur scène. Poreotix, qui ne manque pas d’humour, n’hésite pas à tirer parti des accessoires les plus inattendus pour leurs mises en scène.
Le groupe possède désormais sa version junior, les « Miniotics », une bande de gamins espiègles, joyeux et sacrément talentueux, découverts grâce à des auditions. Les Miniotics comptent actuellement trois filles dans leurs rangs et dansent déjà comme des petits pros ! Ils se sont produits pour la première fois sur scène avec Poreotix le 30 janvier 2011. Bien sûr, les Miniotics portent aussi des lunettes noires sur scène. La relève, ou plutôt la complémentarité, semble assurée !
Jabbawokeez, également orthographié JabbaWokkeeZ, a été formé en 2004 et tire son nom du poème « Jabberwocky » de Lewis Caroll. Leurs signes de reconnaissance sont les masques blancs (plus rarement rouges) et gants blancs portés sur scène. Après de nombreuses épreuves éliminatoires, Jabbawokeez a remporté la toute première édition de l’ABDC.
We Are Heroes, quant à elle, a la particularité d’être une équipe composée uniquement de filles. Car les filles ne sont pas à la traîne dans le monde du Hip Hop, et ont su se faire une place au soleil dans les disciplines de la danse, comme c’est le cas ici, ou de la musique. We Are Heroes, qui en est un bon exemple, a présenté au fil des semaines des prestations aux styles très diversifiés. L’équipe a remporté la quatrième édition de l’ABDC.
Mickael Jackson est cité comme modèle par de nombreux groupes, mais aussi Chris Brown, dont les acrobatiques Quest Crew, vainqueurs de la saison 3, interprétèrent de façon saisissante le morceau « Forever » lors de l’une de leurs prestations.
Et pour finir…
Ce concours de l’ABDC est parfois qualifié de simple émission de télé réalité. Il en a peut être l’ambiance, mais il est pourtant bien plus que cela. Le « show » n’a pas vraiment la vocation de découvrir ou former de nouveaux talents, puisqu’il met en scène des groupes souvent connus, voire déjà reconnus, dans le monde du Hip Hop, et dont les prestations scéniques sont souvent d’un niveau très élevé. Il faut d’ailleurs souvent un œil de connaisseur pour déterminer les différences de niveau entre les équipes, ou entre les différentes prestations d’une même équipe au fil des épreuves, et il arrive que l’on ne comprenne pas bien les motivations du jury à maintenir telle équipe dans la compétition, et choisir d’éliminer telle autre.
Les équipes ayant précédemment participé au concours, y compris celles l’ayant remporté, ne se représentent pas à l’édition suivante. Chaque fois, de nouvelles équipes arrivent, qui impriment leur style à la compétition, et tentent elles aussi d’occuper le terrain jusqu’au bout, pour finalement décrocher la couronne.
Cette année, dix nouvelles équipes, dont Eclectic Gentlemen, que l’on voit ici en répétition, participeront à la sixième édition. Pour la première fois de la compétition, des danseurs de tous âges ont été admis à se présenter aux auditions.
Pour tous ces groupes, mais aussi pour ceux du futur, il y a eu, et il y aura, un avant, et un après « ABDC », si tant est bien sûr que la compétition continue d’exister à l’avenir. Elle est devenue un passage presque obligé, et le Titre fait office de véritable consécration pour les équipes qui le remportent. L’ABDC a déjà ouvert de nombreuses portes aux équipes victorieuses : propositions de spectacles, rôles dans des films, création d’écoles pour les juniors (voie récemment ouverte par Poreotix)… Certaines équipes sont devenues de véritables stars.
La compétition est également profitable aux équipes recalées qui, au-delà de la déception d’avoir été éliminées en chemin, parfois même si près du but, peuvent se glorifier d’avoir été sélectionnées lors des auditions, ce qui est déjà une sacrée performance, de s’être fait un nom dans le monde du Hip Hop, de s’être mesurées aux autres meilleures équipes et finalement, quelque soit le résultat, d’avoir participé, tout simplement, dans une atmosphère toujours festive, un esprit résolument positif et une ambiance de fair-play et de respect mutuel entre tous les concurrents.
En dehors de certaines dérives apparues dans l’univers du rap, notamment du fait de la violence ou du sexisme contenus dans certains textes, qu’il faut évidemment condamner, le Hip Hop, c’est tout ça, un monde bouillonnant d’idées, de créativité, d’enthousiasme, de passion et d’énergie, et on aurait tord de se priver de s'intéresser à cette culture, car si c’est déjà tout cela, c’est sûrement beaucoup plus encore.
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