Président ou la représentation dans le cinéma français
Président ou la représentation dans le cinéma français
Un film sur la présidence française au cinéma, c’est rare au cinéma, voire très rare. Les quelques films touchant à ce sujet, dont le plus récent est Le promeneur du Champ de Mars, de Robert Guédiguian, sont pour la plupart restés confidentiels, au contraire de ceux d’outre-Atlantique où on a investi depuis longtemps les arcanes de la Maison Blanche et du gouvernement américain, pour faire à la fois fictions, documentaires ou encore séries télévisées.
C’est donc une quasi-première que Président, nouveau film de Lionel Delplanque, avec Albert Dupontel dans le rôle du chef d’Etat.
Il ne s’agit pas d’un film politique, incarnation d’une personnalité existante ou ayant existé, mais d’une chronique du quotidien d’un populiste français, entre idéaux démocratiques et mondialistes et guerre de bas étage, manigances et malversations malsaines afin de garder le contrôle du pouvoir et de l’opinion.
Mathieu, une jeune provincial, rencontre la fille du président et la séduit, avec le but non avoué de découvrir les scandales de la République, récemment ébranlée par une affaire d’argent circulant dans les mains d’un marchand d’armes, entremetteur de la présidence pour les sales affaires. Le président le prend sous son aile, tout en gardant une surveillance étroite sur ses activités et sa curiosité. Celui-ci, épaulé par son mentor Saint-Guillaume, « Africain » et ponte de la République, doit affronter les rumeurs concernant les dérives de sa présidence.
Delplanque réussit en moins de deux heures à balayer l’histoire contemporaine de la France et plus largement celle de la Ve République, qui touche plus que jamais à sa fin.
Evoquant les réseaux africains, à travers Saint-Guillaume et la « naissance » du président, il plante le décor de la post-colonisation, nous rappelant les souvenirs de la monarchie mitterrandienne mais aussi chiraquienne, avec son florilège de manipulations étatiques et marchands de morts. Il parle aussi des manipulations politiques, de la communication surexploitée (une évocation sans détour des dérives des politiciens actuels), des croisades des juges envers la corruption, des secrets d’Etat qui doivent rester celés sous peine de fragiliser la démocratie.
Un monde auquel un jeune et ambitieux jeune homme veut la peau, avant de s’y complaire quelque peu, grisé par le pouvoir lui aussi, mais également par l’amour pour la fille du président, magnifique Mélanie Doutey, sensible et idéaliste, qui voit en son père un héros de la démocratie, un père aimant avant de découvrir sa vraie nature.
Albert Dupontel compose un président plus que crédible, à la fois dur, emporté, monarchique et fiévreux, assumant ses fonctions et les arcanes de la politique les plus ignobles, les manipulations, les intimidations, voire pire. A ses côtés, Claude Rich est une fois de plus parfait, dans le rôle du mentor, politicien déchu mais influent.
Jérémie Rénier est un ambitieux, désireux de découvrir les secrets d’Etat mais qui ne connaît pas assez bien le milieu de la politique et ses codes rompus. Il compose avec talent le rôle de Mathieu avec beaucoup de finesse, gardant ainsi l’effet de surprise sur son destin et ses motivations réelles.
A noter également la participation de Jackie Berroyer en conseiller en communication, manipulateur d’image et d’opinion.
Le cinéaste réussit donc son œuvre, qui espérons-le donnera suite à d’autres essais sur l’histoire de France et la politique, un genre encore trop peu exploité dans le cinéma français.
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