Alors que le nouvel album (triple) de Prince est prévu dans les bacs pour le 7 septembre prochain, je ressens la petite envie de revenir sur ce drôle de coco de Prince à Monaco, et ailleurs…
Prince à Monaco (jeudi 13 août 2009), au palais Garnier du Rocher, c’était show. Aucune surenchère pyrotechnique façon Jackson, mais une économie de moyens (2 claviers + basse + batterie) et une volonté d’en imposer par la grâce scénique et l’amplitude musicale : une funkytude jazzy de haute volée, des riffs hendrixiens d’enfer et des musiciens de gros calibre : Renato Neto aux claviers et John Blackwell à la batterie. Sur scène, deux méduses bleu azur accueillaient le médusant Kid de Minneapolis, sourire aux lèvres, visiblement ravi d’être là. Et nous aussi. Ainsi que, certainement, dans les loges surplombantes, sous les dorures de l’Opéra de Monte-Carlo, Albert II, Elton John, Louis Bertignac et autres visiteurs VIP. Place à 200 € pour un concert d’1h45. Bien sûr, voir sur scène le Love Symbol, performer multi-instrumentiste de génie, est toujours un plaisir, il n’a rien perdu de sa grâce féline et ses arrangements musicaux, mâtinant funk, jazz, soul, pop, blues, gospel, rock et hardrock, ne font point oublier qu’il est l’auteur de Purple Rain, le fucking masterpiece de la symphonie Pop du siècle dernier. Bref, à Monaco, le Little Genius était au rendez-vous et c’était vraiment, plus que jamais, son Purple Règne.
Pour autant, je m’étonne qu’une si grande générosité scénique soit contrebalancée par une telle pingrerie concernant la circulation de ses images. Hormis la scène, sa Majesté Prince, Témoin de Jéhovah, se la joue Belphégor, voire Arlésienne. De sa suite au Monte-Carlo Bay jusqu’à l’Opéra Garnier, aucun Prince en vue, laissant, comme en son temps Michael, son visage apparaître derrière un parapluie ou à la fenêtre d’un balcon. Les fans en seront pour leurs frais : zéro photo. OK, on connaît la chanson, l’ « absence présente » crée la star. Plus une star s’éloigne, plus elle peut fasciner, tels les Daft Punk qui avancent définitivement masqués, via leurs casques de robots. OK aussi, je vous l’accorde aisément, Prince est une star, le grand rival eighties culte de Bambi, mais franchement je trouve que, question « rétention médiatique », il se la joue trop : non seulement les aficionados ne pouvaient prendre de photos durant les shows mais les photographes de presse se trouvaient eux aussi logés à la même enseigne : interdiction de « shooter » la rock star capricieuse, sinon gare ! Eh oui, des vigiles monstrueux, équipés de lunettes solaires et d’oreillettes genre Matrix, veillaient au grain, traquant le moindre paparazzi, amateur ou professionnel, qui tâcherait de ne pas obéir au King of Funk*. Récemment, on a pu lire qu’il voulait s’engager en politique auprès de Barack Obama. Un prince squattant la Maison Blanche, pourquoi pas, mais encore faudrait-il que ce génial musicien quitte un tant soit peu les ors des salles de concerts et les studios d’enregistrements, où il vit en vase clos, afin de venir davantage prendre le pouls de la population, et se mêler à la « plèbe ».
Pourquoi est-ce que Prince se « bunkérise autant » ? Cette star, au feeling musical suprême, me semble manquer de feeling concernant la stratégie et la circulation de son image. En 2009, à l’époque du Net tous azimuts, n’est-il pas bien illusoire, voire obsolète, de croire que l’on peut encore contrôler entièrement son image ? C’est la question que je me pose. A l’heure des blogs en pagaille, de Twitter, Flickr et autres sites de partage, Prince limite au maximum sa visibilité. Un exemple, tapez Prince sur Youtube, il y a trois fois rien qui sort : une police du Web, payée par le Prince, veille à ce que rien ne sorte, afin de garder l’exclusivité et le tiroir-caisse de ses prestations audiovisuelles. Par contre, tapez Michael Jackson, 887 000 entrées sortent ! Dont une (quasiment la seule pour Prince) regroupant icelui, Jackson et James Brown on stage (1983). Petite précision : bien avant sa mort, Youtube - ou Dailymotion - était déjà très riche en entrées jacksoniennes. Et depuis son décès, les vidéos se multiplient, ce qui n’empêche aucunement – loin de là, plus de 100 millions de dollars engrangés par la vente de CD et DVD ! – le King of Pop de vendre puissance 1000, à titre posthume et surtout… posthunes. J’écris ça au moment du retour de la question épineuse de la loi Hadopi en France, visant à permettre à un artiste de vivre de son œuvre via une protection de la diffusion & création sur le Net (l’encadrement du téléchargement). Or, la libre circulation webistique des images et des sons n’empêche point les ventes - Michael Jackson en est en ce moment la plus belle preuve ! Mais bon, je sais que je parle là de stars et que, pour un jeune artiste qui commence ou cherche à percer, la donne doit être tout autre.
Dernière chose, allez dans la rue, parlez de Bambi, c’est la consécration ; enchaînez avec Prince. Quelques-uns (les fans) ont suivi, mais la plupart ignorent tout désormais de la sortie confidentielle de ses précédents albums (Planet Earth, LotusFlow3r, MplSound) et de ses derniers shows. En ce début de 21ième siècle, Docteur Prince, à force de trop s’isoler (rétention des images, albums autoproduits sans le concours de producteurs autres que lui), semble à côté de la plaque, vivant mais côtoyant les oubliettes, alors que Mister Jackson, pourtant mort, lui, depuis des semaines, est plus vivant que jamais, commercialement et sentimentalement parlant ! Cherchez l’erreur. Allez Prince quoi, soyez bon prince, encore un effort pour être généreux sur tous les tableaux, thank u.
* Les photos de cet article ne proviennent évidemment pas des derniers concerts monégasques.